Wolf and sheep
Du petit village afghan où elle a vécu de 11 à 18 ans, Shahrbanoo Sadat a surtout gardé de mauvais souvenirs. Elle en tire toutefois un beau film Wolf and sheep. Une chronique de la vie quotidienne perçue à travers les yeux des enfants.
Du fin fond de l’Afghanistan
Dans Wolf and sheep, ils sont une douzaine à partager sur écran une existence à des années lumière de celles des enfants d’ici. Ils ont entre 7 et 15 ans, ne vont pas à l’école puisqu’il n’y en a pas. Les adultes leur ont confié une tâche : les filles gardent les chèvres, les garçons les moutons.
Les journées en montagne sont longues pour ces enfants qui ont pris l’habitude de se réunir pour jouer. Les garçons s’entraînent à chasser les loups avec leur fronde, fantasment sur le sexe… Entre filles, on fume en cachette, on joue au mariage, on commente la vie du village. Et on se moque de Sédiqa parce qu’elle serait maudite.
Wolf and sheep, chronique de la vie éternelle
Sediqa se tient à l’écart mais finit par sympathiser avec Qodrat, un jeune garçon qui lui apprend à tresser une ceinture.
Tout semble éternel jusqu’au jour où les croyances des adultes croisent une réalité cruelle : les loups ont attaqué un troupeau. Et les enfants sont jugés responsables.
Un témoignage rare
Le principal attrait Wolf and sheep est qu’il est un témoignage rarissime de la vie quotidienne contemporaine dans un village reculé afghan. Et qu’il est juste puisqu’il est directement inspiré de la vie de la réalisatrice et de celle de son meilleur ami, comme Shahrbanoo Sadat le confie.
Elle y aborde avec tact l’exclusion, la mise à l’écart d’une communauté pourtant réduite et isolée, de deux jeunes enfants. Ils subissent les contrecoups de comportements de leurs parents mais s’y soumettent sans broncher, en s’y résignant.
Une fiction d’observation
Shahrbanoo Sadat n’a pourtant pas pu tourner dans son village. 2014 était une année électorale et il était impossible d’assurer la sécurité de l’équipe. Elle a donc dû s’installer au Tadijiskistan dans un paysage qui ressemble au centre de l’Afghanistan.
Fiction toutefois réaliste, Wolf and sheep est très bien filmé, bien joué mais reste du cinéma d’observation, contemplatif. On a hâte de voir le prochain film de Shahrbanoo Sadat qui racontera un autre pan de la société afghane et de son histoire : Kaboul durant l’occupation soviétique entre 1989 et 1992.
De Shahrbanoo Sadat, avec Sediqa Rasuli, Qodratollah Qadiri, Amina Musavi…
2016 – Afghanistan/France/ Danemark/Suède – 1h26
Wolf and sheep de Shahrbanoo Sadat a été sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs 2016, à Cannes et a reçu le prix international des cinémas d’art et essai – Cicae.