60 ans après l’original, Steven Spielberg s’attaque à un genre nouveau pour lui: la comédie musicale. Il choisit de le faire à partir d’un mythe : West Side story. On y va ?
Copie conforme (au goût du jour)
Voilà un an que West Side story version Spielberg se languit sur les étagères Disney. Le film attend Noël, la période la plus forte et la plus familiale de sortie au cinéma et s’annonce déjà comme un succès. Parce que c’est le nouveau Spielberg, son 34e long métrage et son premier depuis trois ans. Et parce qu’il s’agit de West Side story, un mythe du Septième Art aux 10 Oscars, qu’il revisite.
A-t-il eu raison de le faire? Oui, ne serait-ce que parce qu’il remet l’ancienne version au goût du jour. Quel plaisir de réécouter la partition de Léonard Bernstein que Spielberg reprend in-extenso mais pas forcément dans le même ordre que dans l’original !
De l’ancien et du nouveau
Il faut un temps d’adaptation toutefois pour rentrer dans ce nouveau West Side story. La scène d’ouverture dès laquelle Spielberg expose la virtuosité de sa mise en scène, glissant sur des icônes urbaines typiquement new-yorkaises, reste pourtant moins convaincante que la chorégraphie des Jets version 1960’s et de leurs claquements de doigts. Mais, le décor est planté. Dans cette portion ouest de Manhattan promise à la démolition, la guerre des gangs fait certes rage mais elle n’a pas lieu d’être, pose dès le départ Spielberg. La construction du Lincoln Center, QG de la culture et des arts new-yorkais, va bientôt les repousser dans de lointaines banlieues.
S’y joue une dernière rixe, l’ultime, la plus cruelle : celle qui décimera les Jets polonais comme les Sharks portoricains. Et l’amour de l’un d’entre eux, Tony, pour Maria, la sœur de son ennemi n’y changera rien.
Des héros caractérisés et modernisés
Tony, justement, voit son rôle s’étoffer (de manière trop didactique) quand Maria revendique un libre-arbitre dans le choix de sa vie et de ses amoureux, un effet post #metoo un peu maladroit. Elle ne travaille plus dans un magasin de robe de mariée et Tony, en liberté conditionnelle, loge et travaille chez une ex-victime de la guerre des gangs.
C’est en revanche une des très belles idées du film puisque ce rôle est confiée à Rita Moreno, l’Anita de 1961, la femme du chef portoricain et la danseuse la plus envoutante de la planète new-yorkaise d’alors. Elle a à peine vieilli et joue les pacificatrices auprès des deux factions, protégeant malgré son appartenance au clan adverse, le beau Tony.
Car Tony a gagné en aura. Celui de 1961 était tellement fadasse que ça faisait 60 ans qu’on se demandait ce que Maria/ Natalie Wood pouvait lui trouver. Cette fois, Ansel Elgort qui l’interprète est beau, chante bien et a le poil d’arrogance qui fait qu’on croit à sa puissance de conviction pour stopper le massacre, comme le lui demande Maria.
Maria, rebelle et hispanophone
La belle est jouée, comme tous les autres rôles, par une inconnue, la chanteuse d’origine colombienne et juive polonaise Rachel Zegler. Comme tous les autres membres du gang, elle est d’ascendance latino et bilingue en espagnol, sans que ses lignes de dialogue ne soient traduites, ni sous-titrées. Rachel Zegler ressemble beaucoup, en plus latine, à Natalie Wood, qui, elle, était d’ascendance russe. Dommage que le reste du casting soit si tiède. Les deux chefs sont insignifiants. En plus, ils parlent beaucoup, beaucoup trop – pourquoi tant de dialogues alors que le livret signé Ernest Lehman, Arthur Laurents et Stephen Sondheim suffisait amplement? -.
Saluons toutefois sans réserve les scènes de prouesse que sont : le bal (« Dance at the gym« ) et son fameux mambo, évidemment « America » qui se déroule, non plus sur un toit plat, mais en pleine rue – notons au passage le changement de paroles au début de la chanson-, et la scène au commissariat sur « Gee, Officer Krupke« . Entre autres.
Un New West Side Story?
En restant aussi fidèle que possible à la version originale, tout en la revisitant sans toutefois la moderniser – quel équilibre! – Steven Spielberg réussit son pari: celui d’enchanter cette fin d’année avec un film fédérateur…
Même si l’on ne sait plus trop, quelques jours après l’avoir vu, s’il flatte notre nostalgie, notre amour des comédies musicales enjouées à la musique brillante. Ou encore notre exigence d’un film au propos social, à défaut d’être politique, à propos d’une ville, New York, devenue un eldorado pour nouveaux super-riches où les bagarres d’immigrants qui ont pourtant fondés la ville, comme l’avait montré Martin Scorsese avec Gangs of New York, n’ont plus aucune réalité.