Avec Une femme douce, le réalisateur ukrainien Serguei Loznitsa profite du parcours d’une épouse vers son mari en prison pour dénoncer les travers de la société russe. Radical.
Conte de la Russie ordinaire
Une femme sans âge descend d’un bus d’un autre âge. Puis, elle rejoint la masure où elle vit seule et tristement. Au courrier, un reçu lui apprend que le colis qu’elle a envoyé à son mari en prison vient de lui être retourné. Elle décide d’aller sur place, dans une région reculée de Russie voir ce qu’il en est.
Débute pour elle un long voyage au long duquel elle va chercher à en savoir plus : pourquoi ce colis est-il refusé? Son mari, accusé à tort de meurtre, a-t-il été déplacé? Est-il mort?
Une femme douce, une métaphore de l’omerta russe
Si l’on comprend très vite que ce n’est pas le but qui importe mais bien le voyage qui compte, une femme douce reste un long périple de plus de 2h20. Qui se finit dans un cauchemar plutôt maladroit.
A vrai dire, le film entier est un cauchemar à travers cette omerta russe décrite par Serguei Loznitsa. Pour l’écrire, il s’est vaguement inspiré de la nouvelle La Douce de Dostoïevski. Tout le monde, le peuple compris, sait, dans une intelligence collective pertinente, que le fonctionnement de la société est anormale et destructeur pour chaque individu, surtout s’il se pose des questions. Mais, dans un oubli ou un déni collectif total, il boit de la vodka et ferme les yeux sur ce quotidien inhumain.
Une impassibilité coupable?
L’autre aspect troublant d’Une femme douce est qu’il absolument impossible de dater le film. Tout semble d’un autre âge, l’extrême bureaucratie et l’autoritarisme disfonctionnel de l’état russe. La prison aussi. Pourtant, quand un personnage local influent sort son iPhone, on comprend que tout se passe aujourd’hui. Et que rien n’a changé depuis les années 1950.
Le pouvoir des petits chefs, l’arbitraire, l’opacité, les rapports de force… Tout fait obstacle à la requête pourtant simple et naturelle de cette femme trop douce et totalement impassible. Elle s’obstine pourtant à connaître la vérité. Une quête vaine qui se termine par un passage onirique complètement raté.
Voyage au bout de l’enfer
Le film est entièrement habité par une femme. Une interprète taiseuse et digne, portée par Vasilina Makovsteva, dont c’est le premier rôle au cinéma. Pendant plus 2h20, son visage fermé n’exprime aucune émotion. Et pourtant elle souffre. Elle semble vouloir un ailleurs u’elle n’atteindra jamais.
Il faut accepter de déambuler pendant 2 longues heures à travers les méandres glauques de la société russe. C’est long, même si parsemé de quelques belles scènes, celles notamment de la rencontre avec la spécialiste de la Défense des droits de l’homme. Le reste est lent, un peu répétitif et surtout gâché par une séance finale qui tombe comme un cheveu sur la soupe et n’apporte rien au sujet.
De Serguei Loznitsa avec Vasilina Makovsteva, Marina Kleshcheva, Lia Akhedzhakova, Valeriu Andriuta, Boris Kamorzin, Sergei Kolesov…
2017 – France, Allemagne, Lituanie, Pays-Bas – 2h23
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Une femme douce de Serguei Loznitsa était présenté le jeudi 20 mai 2017 en compétition officielle du 70e Festival de Cannes. Il concourt à la Palme d’Or. Sortie France le 16 août 2017.