Une femme seule en lutte contre le monde obscur et visqueux des assurances maladie. Voilà le propos d’Un monstre à mille têtes, le thriller social du mexicain Rodrigo Plà.
Ni responsable, ni coupable
Pas facile de voir clair dans le système obscur des assurances. Quand on est concerné, malade qui plus est, on n’est jamais à la bonne distance, tenu en respect par une administration ou une hiérarchie pléthorique, une incapacité à trouver des responsables et encore moins à cerner ceux qui assument les décisions, bien dissimulés derrière le pouvoir de la direction et/ou des actionnaires.
Pour mettre en scène cet imbroglio volontaire qui perdrait sa puissance et son pouvoir en devenant transparent, le réalisateur Rodrigo Plà joue sur tout un tas de registres et d’idées qui donnent à Un Monstre à mille têtes une singularité passionnante.
Le combat d’une femme seule…
Il mise tout d’abord sur un scénario court, sec, écrit avec Laura Santulo qui repose sur une idée forte mais simple. Le mari de Sonia Bonnet se meurt, parce que la compagnie d’assurance santé lui a dénié l’accès à un traitement efficace.
Alors qu’il se bat contre la douleur et le cancer, sa femme, dans un élan de désespoir, part à la poursuite du médecin référent qui a pris cette décision, puis de son patron qui la contraint à refuser leur dossier, enfin de l’actionnaire qui impose cette politique indécente. Sans réaction de leur part, elle les menace d’une arme. Débute alors un véritable parcours du combattant qui s’achèvera au tribunal.
… Démunie contre Un monstre à mille têtes
Sans temps mort, ni digression, ce geste de désespoir oppose la violence de Sonia Bonnet – interprétée avec intensité par Jana Raluy – à celle, diffuse, inhumaine, de la compagnie d’assurance qui préfère protéger un système que ses assurés.
Pour le montrer, Rodrigo Plà a choisi un dispositif particulier, déroutant de prime abord. Il multiplie les points de vue, s’offrant le luxe de filmer la même scène de plusieurs axes différents de façon à mieux faire avancer l’intrigue et à dénouer le complot. Sans pourtant se répéter.
Une narration fragmentée et floutée
Le réalisateur joue aussi avec le flou puis profite de la durée d’un plan pour finalement faire le point sur un détail qui révèlera l’importance de la scène. Par exemple, alors que Sonia Bonnet vient de repérer le directeur de la compagnie d’assurance et son DRH dans un club des sport, une dispute éclate entre eux dont on ne perçoit d’abord que la confusion générale.
Mais, à l’arrière-plan, un personnage extérieur à l’enjeu de la scène et du film sort de la douche et les surprend. Le spectateur reverra alors la scène à travers lui, d’abord floutée puis nette quand celui chaussera ses lunettes. Mais, quand la netteté se fera à l’image, c’est la voix off – celle du témoin durant le procès à venir – qui mettra en évidence toute la subjectivité de son témoignage.
Un thriller social
Jouant à la fois sur des perceptions et des temporalités différentes, ce film emprunte au thriller, au drame familial, au film d’action et de procès, pour se fabriquer un genre bien à lui . Celui d’un film politique et sociétal dans lequel une femme se débat dans une quête perdue contre l’injustice, la mort, la corruption… et cela par amour.
Un monstre à mille têtes a fait l’ouverture de la section Orizzonti de la Mostra de Venise 2015 avant de rafler le prix du jury au Festival de Biarritz.
De Rodrigo Plà, avec Jana Raluy, Sebastian Aguirre Boëda…
2015 – Mexique – 1h14
© Buenaventura Producciones