Une comédie romantique décalée avec Blanche Gardin et Laurent Lafitte. Voilà la promesse de Tout le monde aime Jeanne, le premier film de Céline Devaux, dévoilée à la Semaine de la Critique 2022. Bon…
Aimer pour faire son deuil
Jeanne (Blanche Gardin) est déprimée. L’innovation technologique qu’elle a lancée pour dépolluer les océans prend l’eau. Elle est la risée des réseaux sociaux et son compte en banque est à sec. La seule solution pour se remettre à niveau est de vendre l’appartement dont elle vient d’hériter de sa mère.
Elle part à Lisbonne pour le vider et le mettre en vente. Juste avant d’embraquer, elle rencontre un voeux copain de lycée. Il est encore plus déjanté qu’elle, un peu collant aussi, mais il se souvient très bien d’elle. Normal, puisque tout le monde aime Jeanne, lui soutient-il.
D’amour, c’est bien de cela dont a besoin Jeanne qui, là, est en pleine déprime. Le premier bilan de sa vie est sans appel. Elle a échoué professionnellement, sentimentalement et la mort de sa mère lui a aussi laissé une blessure plus profonde qu’elle ne le pensait. Nettoyer et vider cet appartement va être l’occasion d’affronter toutes ces pensées et émotions qui l’embrassent et finalement, de l’aider à passer ce cap difficile.
Il n’y a aucun suspense sur la fin de cette romcom charmante, bien (trop) écrite portée par deux acteurs aux personnalités fortes, originales. C’est justement ce qui est décevant ici. Blanche Gardin fait du Blanche Gardin – la jeune femme dépressive et revenue de tout- et Laurent Lafitte se caricature lui-même, en jouant l’électron libre décalé, qui surgit sans qu’on s’y attende et force les portes pour s’inviter dans l’histoire. La mécanique est tellement bien huilée qu’elle réserve finalement bien peu de surprises.
Tout le monde aime Jeanne…. sauf elle !
L’originalité du film est ailleurs. Céline Devaux, la réalisatrice est avant tout une plasticienne, une dessinatrice qui a réussi à intégrer cet autre talent à son film. Le cheminement psychologique de Blanche Gardin est illuminé par sa conscience, parfois bonne, parfois mauvaise, qui apparaît sous la forme de dessin qui entrecoupe l’action du film. Blanche est alors figurée par une sorte de jeune fille molle, à la chevelure envahissante et dont le malaise transpire. C’est elle, cette Jiminy Cricket modernisée et plus sombre, qui lui dicte les comportements à adopter. L’idée est simple et efficace, amusante aussi même si le dessin, très simple, aurait pu être plus sophistiqué.
Cela reste moins enthousiasmant que Sous le ciel d’Alice de Chloé Mazlo, premier film sélectionné par la Semaine de la critique l’année où le festival de Cannes n’a pas eu lieu, et donc labellisé comme tel. Là, les parties dessinées apportaient un indéniable charme à cette histoire familiale située dans le Liban d’avant la guerre. Dans Tout le monde aime Jeanne, le procédé est moins élaboré puisqu’il ne raconte pas le passé mais seulement les affres de Jeanne. Dans ce sens, ils font toutefois pleinement partie de la thérapie qu’elle doit affronter pour enfin décider de sa vie.
L’autre atout du film qui, pourtant, n’enthousiasme pas totalement est la qualité des décors. Ceux de l’appartement très coloré et surtout ceux chatoyants de la ville de Lisbonne, fort bien intégrés au récit. Rien n’a été laissé au hasard. Mais c’est justement son aspect si appliqué qui manque de donner au film l’envol qui aurait dû être le sien.
De Céline Devaux, avec Blanche Gardin, Laurent Lafitte, Maxence Tual…
2022 – France – 1h35
Tout le monde aime Jeanne de Céline Devaux a été présenté en séance spéciale à la Semaine de la critique 2022. Le film est sorti le 7 septembre 2022.