The Voices
Marjane Satrapi restera-t-elle comme la cinéaste d’un seul film? La question se pose alors qu’elle propose The Voices, son quatrième long métrage et son premier film américain.
Psycho killer, qu’est-ce que c’est?
En 2007, accompagné de son complice Vincent Paronnaud, Marjane Satrapi elle nous avait émus aux larmes, touchés au coeur et à l’esprit en mettant en scène son roman graphique autobiographique, Persepolis. Son deuxième film, Poulet aux Prunes, avait dérouté. Il était pourtant lui aussi inspiré de sa mémoire iranienne et toujours conçu en duo. Mais moins que son troisième opus, La bande des Jotas, un road-movie espagnol complètement déjanté et… fauché. Un polar absurde, obscur, barré mais qui avait justement le charme de l’inachevé, des dialogues croustillants et un sens du cadre certain.
The Voices semble plus abouti, mais finalement moins étonnant. Peut-être parce que le scénario, signé Michael R.Perry, était déjà écrit. Il raconte la vie de Jerry, un pauvre type qui travaille à l’emballage de baignoires.
A la Wes Anderson
Apparemment, dans sa belle combinaison rose, Jerry (Ryan Reynolds) ne ferait pas de mal à une mouche. Mais, la solitude qu’il partage avec un chat et un chien qui parlent, ses rendez-vous réguliers chez la psy… montrent qu’il ne va pas si bien que ça. Et puis Jerry tombe amoureux de Fiona, la fille de la compta. Et là, tout bascule…
: Comme d’habitude, il faut reconnaître à Marjane Satrapi la qualité incontestable qu’elle a de savoir composer un univers unique, à part. Il n’est pas forcément reconnaissable de film en film, mais particulier à chaque fois. Un peu comme le cinéaste à qui elle ressemble le plus, Wes Anderson.
The Voices : un jeu d’icônes
Ici, le film joue avec l’iconographique américaine (Jerry habite au dessus d’un bowling) et avec celles des tous les genres cinématographiques de la comédie musicale au film gore. La photographie est comme toujours parfaite et l’univers constitué, barré, dingue, ne se limite bien sûr pas aux décors mais inclut les personnages, chien et surtout chat compris.
En revanche, l’ensemble porte une histoire limitée, celle d’un serial killer plutôt gentil, disons sympathique, méthodique aussi, qui ne sachant pas trop quoi faire du corps de ses victimes, les range dans des boîtes en plastique.
Chef d’oeuvre à l’approche
Mais, que dire de plus que le film prend ainsi le thriller à contre courant, dans un univers presque doux qui renvoie les scènes les plus gore à celles de simples cours de cuisine? Aimer le décalé ne suffit pas, il manque une puissance, une force qui fasse adhérer à cet univers, trop factice.
De belles scènes toutefois sont à sauver : celles de la solitude de Jerry au restaurant chinois, celle des victimes enfermées dans le frigo. Et puis il y a le sex-appeal de Gemma Arterton et bien sûr, M. Moustache ! On sait aussi que Marjane Satrapi est capable de mieux, de plus fort. Et qu’il lui suffira de trouver ou d’écrire un scénario avec du fond, pour signer à nouveau un grand film. On l’attend.
De Marjane Satrapi, avec Ryan Reynolds, Gemma Arterton, Anna Kendrick, Jacki Weaver…
2014 – Etats-Unis/Allemagne – 1h43
© Reiner Bajo