The souvenir I & II
The souvenir, part I et II, de Joanna Hogg revient en deux films différentes mais complémentaires sur l’histoire d’amour toxique qu’une jeune femme a vécu et ce qu’elle a réussi à en faire. Cette introspection longue de près de 4 h est à la fois montrée et sélectionnée à la 53e Quinzaine des réalisateurs.
Toxic affair
Julie est bien née, de parents riches et aimants. Étudiante dans une école de cinéma, elle rencontre un homme arrogant, différent de ceux qu’elle côtoie habituellement et dont elle ne saisit pas les absences. Pour se rendre crédible, Anthony prétend travailler au Ministère des Affaires étrangères. Réservée, trop jeune, Julie l’intègre dans sa vie et partage bientôt le quotidien difficile d’un junkie. Sans se rebeller. Jusqu’à ce qu’il aille trop loin. C’est le sujet de la première partie (The souvenir, part I).
Ce ne sera qu’en « réalisant » son film de fin d’études qu’elle « réalisera » ce et avec qui elle a vécu. Ce qui constitue la seconde partie du film – The souvenir, part II-. Dans cette lente prise de conscience, elle reste sans ciller égale à elle-même, fragile et réservée, sensible et comme extérieure à ses émotions, comme une gentille fille trop bien élevée pour décevoir. Ce qui ne l’empêche pourtant pas de s’accomplir.
The souvenir, un hommage réussi aux années 1980
À vrai dire, réussir à tenir près de 4 heures avec un scénario aussi ténue est une prouesse. Etrangement, on ne s’ennuie pas. Et pourtant, rien n’est calculé pour séduire. L’atout principal de The souvenir est justement son ambiance propre, indolente, créé par un rythme typique des années 1980 et un montage cut, qui privilégie les séquences courtes et des ellipses hasardeuses. Rarement, la sensation de vivre au milieu des années 1980 n’aura été aussi bien restituée. Ici, il ne s’agit pas du fantasme qu’on en a aujourd’hui mais au contraire l’inimaginable « lévitation » qu’en ont gardé ceux qui les ont vécus.
Bien sûr qu’il y avait les couleurs saturés, l’esthétique publicitaire. Lors d’une discussion entre élèves de l’école de cinéma, une française (interprétée par Ariane Labed) mentionne à juste titre Diva le film référence de Jean-Jacques Beineix. Mais le rythme de la vie était moins trépidant qu’aujourd’hui, et les relations humaines qui en découlaient moins soumises à une efficacité immédiate. Elles étaient aussi moins autocentrées sur l’accomplissement de soi par exemple.
Transformer un trauma en création
Ce que décrit très bien l’attitude de Julie, amoureuse d’un rêve mais qui ne se remet en cause pour autant. Intuitivement, elle sait ce qu’elle veut. Et elle réussit à en faire oeuvre. Ce qui est le sujet de The souvenir Part II. Il n’est aps question de nostalgie, ici. Seulement d’une volonté de coller au plus près d’une réalité, comme le revendique initialement la débutante Julie, lorsqu’elle voulait faire un film sur une ville industrielle déshéritée du nord de l’Angleterre. Ce à quoi elle comme Joanna Hogg parviennent par touche avec subtilité.
À noter encore les prestations des actrices : Honor Swinton-Byrne et Tilda Swinton, parfaite en mère aimante, tolérante mais inquiète, débordée par ses chiens. Félicitations à Honor Swinton-Byrne qui parvient à être fragile sans jamais être mièvre, même quand on a profondément envie qu’elle ouvre les yeux sur l’attitude toxique de son amoureux.
De Joanna Hogg, avec Honor Swinton-Byrne, Tom Burke, Tilda Swinton…
1h59 et 1h48 – Grande-Bretagne – 2019 et 2021
The souvenir part II de Joanna Hogg fait partie de la sélection de la 53e Quinzaine des réalisateurs. Il y sera projeté le 8 juillet 2021 à Cannes.
The souvenir Part I de Joanna Hogg a déjà été montré dans de nombreux festivals, dont Sundance et Berlin où il a été récompensé. Il sera lui aussi montré durant la 53e Quinzaine des réalisateurs à Cannes, en amont de la Part II, le 7 juillet 2021. La date de sortie des deux films n’est pas connue.