The apprentice
The Apprentice, le quatrième film d’Ali Abbasi, raconte l’ascension de Donald Trump bien avant qu’il ne devienne président des États-Unis. Interessant, bien joué et… perturbant. En lice pour la Palme d’or.
Donald Trump en construction
Alors qu’il devrait être à nouveau candidat à la présidence des Etats-Unis, il est grand temps de rappeler comment Donald Trump a réussi à acquérir à la fois notoriété et argent pour y parvenir. Alors qu’il est encore en procès à New York, on apprend, grâce à The Apprentice d’Ali Abbasi, qu’il s’est toujours assis sur les lois. Il a construit son empire immobilier à New York puis à Atlantic City en se faisant exonérer d’impôts, en usant de la corruption vis-à-vis des institutions politiques voire en s’appuyant sur la mafia. Rien de nouveau donc mais cela mérite d’être (re)dit et montré.
The Apprentice débute quand le jeune Donald Trump réussit à s’infiltrer dans un club privé dont il admire les hommes puissants qui s’y côtoient. Il est très vite invité à la table de Roy Cohn, un avocat charismatique et véreux qui navigue avec un certain bonheur et un cynisme extrême entre mafia, illégalité, procès gagnés ou perdus etc. Il se prend de sympathie pour Donald Trump, qui n’est alors qu’employé de son père, promoteur immobilier, chargé de collecter les loyers.
Poker menteur
Donald voit grand et réussit un premier coup de poker, grâce aux trois leçons que lui inculquent Roy Cohn. A l’époque, à la fin des années 1970, New York n’est que l’ombre d’elle-même, une ville décadente rongée par les dettes. Trump a des ambitions : lui redonner son faste en construisant des tours puissantes et clinquantes.
Comme le lui a inculqué son père de substitution, tous les moyens sont bons pour arriver là où il voulait arriver. « Il n’a honte de rien », glisse sa femme lors d’un dîner – c’est d’ailleurs la meilleure scène du film. En tous cas, il n’est jamais ni humain, ni loyal, ni redevable à ceux qui l’ont aidé. C’est ainsi que le montre le film d’Ali Abbasi qui s’intéresse aux débuts de son ascension. Le film s’achève quand commenceraient ses vrais premiers ennuis, après la construction d’Atlantic City. C’est dommage car on aimerait le voir en proie à plus d’adversité, face à quelqu’un qui lui pose réellement problème. Là, Trump survole à peu près toutes les situations sans gros problème : c’est lui le maître du jeu et cela le rend plutôt sympathique. Presque un self made man que les Américains nous ont appris à aimer, voire à admirer.
Des roles models virils
Le parti pris du film est vraiment de montrer comment un ambitieux a été guidé par des modèles masculins qui l’ont construit. Il y a d’abord son père autoritaire et cinglant, son frère Frédéric, pilote déconsidéré par leur père car il ne gagne pas assez d’argent, et Roy Cohn, qui lui enseigne tout ou à peu près. Ce qui donne paradoxalement de Donald Trump presqu’un portrait de bon élève qui aurait fini par dépasser ses maîtres, avec un cynisme inhumain.
Malgré cette mise en garde et cette mauvaise conscience qui reste après avoir vu le film, The apprentice est un prodigieux numéro d’acteurs. Sebastian Stan qui incarne Trump est formidable, et tient parfaitement son rang face l’incroyable Jeremy Strong qui donne un charisme subtil à l’avocat Roy Cohn.
Un Trump trop sympathique
Cela ne suffit pourtant pas à emporter la mise. Il nous faudrait la suite (Atlantic City, la téléréalité, son ascension à la présidence, sa chute…) pour déconstruire la sympathie que Trump provoque encore ici. Ni son narcissisme, ni sa mégalomanie ne sont suffisamment insupportables pour qu’on envisage le président dangereux qu’il va devenir. Il n’est alors qu’un chef d’entreprise véreux, qui revendique déjà un certain nationalisme mais rien ne laisse à penser qu’il sera le président populiste, irresponsable et abominable qu’il a été et risque de devenir à nouveau.
D’Ali Abbasi avec Sebastian Stan, Jeremy Strong, Maria Bakalova…
2024 – Canada/Danemark/Irlande – 2h
The Apprentice d’Ali Abbasi a été présenté en compétition officielle du 77e Festival de Cannes. Il est en lice pour la Palme d’or. Sa date de sortie est fixée au 9 octobre 2024.