L’interview de Yann Arthus-Bertrand
En réalisant Woman avec Anastasia Mikova, Yann Arthus-Bertrand poursuit sa compréhension de l’humanité et donne la parole à sa moitié la moins écoutée. Il explique sa démarche à Cine-Woman.
En réalisant Woman avec Anastasia Mikova, Yann Arthus-Bertrand poursuit sa compréhension de l’humanité et donne la parole à sa moitié la moins écoutée. Il explique sa démarche à Cine-Woman.
Avec L’Empereur, Luc Jacquet revient sur cet animal des grands froids qui avait fait son succès. Sans rien apporter de bien nouveau.
Anne-Dauphine Julliand a perdu une petite fille gravement malade. Et les mistrals gagnants, son documentaire, rend hommage à ces jeunes enfants menacés par la mort mais que la vie porte. Haut. Très haut.
Quand une contrainte devient une ode à la liberté et l’occasion de revenir sur son existence… Voilà Louise en hiver, le dernier dessin animé de Jean-François Laguionie, un film-bilan et une réflexion philosophico-poétique sur sa propre vie.
Du 18 octobre 2016 au 8 janvier 2017, agnès b. dévoile une partie de sa collection particulière dans une exposition radieuse qui s’appelle Vivre !!
A la faveur de ses 7 César, Timbuktu ressort dans 300 salles ce mercredi 25 février.
En 2012, Tombouctou, ville érudite et tolérante du Nord-Mali, est tombée aux mains des djihadistes. Sous leur menace, la vie a changé du tout au tout : obligation pour les femmes de se couvrir entièrement, interdiction de fumer, de jouer au ballon, d’écouter de la musique…
Le 22 juillet 2012, à Aguelhok, toujours au nord du Mali, un jeune couple, parents de deux enfants, est lapidé pour ne pas s’être uni devant Dieu. C’est ce fait divers, tragique, peu relaté par les médias internationaux qui a finalement décidé Abderahmanne Sissako à prendre sa caméra pour dénoncer l’obscurantisme imposé aux habitants du coin.
Dans sa subtile chronique d’une région affectée, infectée, il s’oppose avec tact et en prenant soin de multiplier les angles de vues et les personnages concernés, et montre comment une poignée de désespérés vont semer la terreur sur des citoyens lambda. Pour rien, si ce n’est pas ignorance et par besoin d’exister.
Par la force, le poids des armes et sous couvert d’une religion que le responsable de la mosquée leur dénie, ils vont brutaliser cette ville, imposer des règles idiotes, terroriser les unes et les autres et sévir au travers d’un tribunal régi par on se sait quelle loi.
Toute occasion est bonne pour imposer leur diktat. Que cet éleveur Touareg ait tué un pêcheur parce que celui-ci avait supprimé sa vache préférée, prise dans ses filets, que ce couple vive sans le savoir dans le péché, que ces jeunes se détendent en chantant chez eux un soir… Eux, en revanche, abusent de leur pouvoir en toute impunité : ils fument, menacent les filles qui refusent de les épouser etc…
Ils sont pourtant bien faibles, ces « connards » comme les interpelle la folle du village. Il suffit souvent de les défier sur leur propre terrain pour qu’ils abandonnent la partie : l’imam les chasse de la mosquée, la vendeuse de poisson refuse de se couvrir les mains etc.
Sissako décrit ainsi avec douceur et sans ostentation la vie telle qu’elle est ici imposée. A tous. Même au Touareg qui vit sous sa tente dans le désert. Chronique d’une ville sous influence malsaine, il décrie cet enfer, cette terreur inutile, ces résistants en s’inspirant de cas réels tout en se moquant de la bêtise de ces pauvres types que le désespoir a conduit au pire.
Le film, très calme, superbement filmé, est salutaire, indispensable, parce qu’il exprime, représente ce que fut, ce qu’est toujours le quotidien atroce de milliers de gens. Au Mali ou ailleurs.
Pour cet exemple, pour ce qu’il dit au moment où il le dit, ce film aurait dû figurer au palmarès du Festival de Cannes 2014. Ce n’est pas le cas. Une occasion manquée qui malheureusement, risque de ne pas se représenter de sitôt. Sissako a su témoigner. Dommage de ne pas l’avoir mieux entendu. Voilà pourquoi aller voir ce film reste un acte militant. Allez-y!
2014 – France/Mauritanie – 1h37
©Les Films du Worso- Dune Vision
Après Félins et Chimpanzés, Grizzly est le nouvel opus de la collection Disney Nature. Comme à chaque fois, la caméra d’Alastair Fothergill et de Keith Scholey raconte une année d’une espèce animale dans son environnement naturel.
Plutôt que la prendre dans son ensemble, elle s’attache et suit une famille – ici, l’ourse Sky et ses deux petits, Scout et Amber – pour mieux nous faire comprendre leur stratégie de survie.
Ce documentaire met ainsi en lumière les dangers de la vie sauvage, la nécessité pour Sky d’être sans cesse sur le qui-vive. Ses petits représentent constamment une proie facile tant pour les autres ours affamés que pour les loups, alors qu’ils l’épuisent en se nourrissant de son lait.
Filmé à hauteur d’animal et avec une proximité réelle, ce film très scénarisé joue évidemment sur l’attachement que l’on ressent pour ces ours que l’on appelle par leur prénom, sur le suspense de leur quête de nourriture et bien sûr sur la beauté de l’Alaska.
Ce serait une très belle découverte si Terre des ours, réalisé au Kamtchaka russe par Guillaume Vincent et sorti le 26 février dernier, n’avait pas déjà raconté exactement la même histoire, dans un paysage volcanique encore plus spectaculaire. Du déjà vu… sauf pour une séance de rattrapage.
2014 – Etats-Unis – 1h18
En partenariat avec Grains de Sel
Comment un film contemplatif japonais du XXième siècle peut-il avoir une telle résonance avec un poème français du XVIIe siècle de Pierre de Marbeuf (cf.ci-dessous)?
Naomi Kawase signe ici, dans un style pur et avec des images magnifiques, une véritable ode à l’amour et à la mer, à l’amer de l’amour, en mettant en scène une adolescente qui perd sa mère au moment où elle devient une femme et découvre la vie.
Still the water, comme son titre l’indique, parle de mer. Le film débute sur une plage où a échoué un cadavre, un homme au dos tatoué. A cause de lui, la plage est interdite le temps de l’enquête. Ce dont Kyoko se fout éperdument, elle qui a pris l’habitude de nager toute habillée en rentrant de l’école.
Qui est donc cet homme? On l’apprendra incidemment, et finalement, cela n’a pas grand importance, le film ne maniant absolument pas le suspens. Non, ce qui passionne Kawase, c’est justement comment cet événement, comme d’autres bien plus nombreux et encore plus signifiants, vont pousser Kyoko et son jeune amoureux Kaito à devenir adultes.
Et comme tous deux ont une lourde histoire – la mère de Kyoko est gravement malade et sa fille va l’accompagner jusqu’à son dernier souffle, les parents de Kaito sont divorcés et il a besoin de se confronter à son père, qui vit à Tokyo, pour mieux comprendre la vie de sa mère -, Naomi Kawase va prendre le temps de filmer (à la perfection) leurs errances, leurs efforts pour se comprendre, les obstacles qu’ils devront dépasser pour enfin accepter de s’aimer.
Navigant entre tradition millénaire et post-modernisme tokyoïte, la réalisatrice se complet dans une certaine contemplation un peu barbante avouons-le, malgré la rupture de rythme apportée par le segment filmé à Tokyo. La longue agonie de la mère est, elle, interminable, et cela, bien qu’on saisisse, à ce moment-là, toute l’ambition du cinéma de Kawase : celle de traiter de la mort, de la vie, de la mer et de la mère, et de l’amour aussi.
En revanche, la beauté des images et des acteurs, beauté qui n’est pas qu’esthétique mais dépasse largement le simple aspect physique, est à couper le souffle. Le contempler aujourd’hui à la lecture du poème de Marbeuf reste un délice voluptueux. Une expérience poétique de toute beauté.
2014 – Japon – 1h58
Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage,
Et la mer est amère, et l’amour est amer,
L’on s’abîme en l’amour aussi bien qu’en la mer,
Car la mer et l’amour ne sont point sans orage.
Celui qui craint les eaux qu’il demeure au rivage,
Celui qui craint les maux qu’on souffre pour aimer,
Qu’il ne se laisse pas à l’amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.
La mère de l’amour eut la mer pour berceau,
Le feu sort de l’amour, sa mère sort de l’eau,
Mais l’eau contre ce feu ne peut fournir des armes.
Si l’eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Que j’eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.
Sur le papier, le film ne s’adresse pas aux enfants. Il a pourtant reçu le prix du jury jeune au Festival de Locarno. Et son ton est si frais, son histoire si tristement joyeuse qu’il peut incontestablement répondre à certaines angoisses ou questions qu’ils se posent inévitablement.
Claudia, 22 ans, vit seule à dans une grande ville mexicaine en tant que démonstratrice dans un supermarché. Victime d’une appendicite, elle se retrouve à l’hôpital, aux côtés de Martha.
Martha a 46 ans, quatre enfants à charge, une maladie grave et incurable mais une joie de vivre à toutes épreuves. Martha invite bientôt Carla à rejoindre sa folle maisonnée… et petit à petit, dans le chaos ambiant, Claudia va réussir à y trouver sa place.
Le film pourrait être le récit très triste d’une maman qui se sait condamnée et qui laisse derrière elle une tribu qui n’a pas fini de grandir. En fait, c’est une véritable ode à l’entraide, à la joie de vivre, à la révélation des talents et forces de chacun, le tout raconté avec un charme enjoué et inaltérable, sous la caméra délicate d’une jeune réalisatrice mexicaine. Claudia Sainte-Luce signe ici son premier film, multi-récompensé, inspiré de sa rencontre avec la vraie Martha.
Un feel-good movie qui aborde les problèmes les plus graves sans les enjoliver et selon le précepte suivant :« ce qui ne tue pas rend plus fort ». Une superbe leçon de vie.
2013 – Mexique – 1h29
En partenariat avec Grains de Sel
TOM A LA FERME Bande-annonce par diaphana
25 ans, 4 longs métrages et un cinquième, « Mommy » annoncé en compétition officielle du Festival de Cannes 2014. Xavier Dolan est pressé et doué. Et Xavier Dolan est centré sur l’intime disfonctionnel, sur l’incapacité d’une famille à respecter l’individualité de chacun, à tolérer chaque personnalité, à ne pas rejeter les marginalités.
« Tom à la ferme », comme ses trois films précédents est un film fort, puissant, un brûlot contre l’homophobie de la province, de la campagne. L’homophobie des champs.
Adapté d’une pièce de théâtre de Michel Marc Bouchard, le film reprend la trame de l’histoire de Tom. Jeune publicitaire de Montréal, branché, urbain, il débarque comme un cheveu décoloré sur la soupe dans une ferme éloignée de tout. Il y vient pour les funérailles de son amoureux et comprend très vite, que sans être malvenu, il n’y a pas sa place. Personne ne le connaît, personne n’a jamais entendu parlé de lui, personne ne veut surtout savoir qui il est, ni ce qu’il représentait pour le défunt.
Et pourtant, il reste. Subjuqué par cette famille apparemment soudée, fasciné par les travaux de la ferme qui semblent lui redonner une virilité timide, tenu sous la coupe de Francis, le frère aîné du mort qui, on le saura plus tard, est cantonné à son rôle de fils de la ferme sans aucune échappatoire possible.
Dans ce huis-clos pesant, rendu encore plus étouffant par les quelques lignes de fuites qui s’offrent à Tom et qu’il ne saisit jamais, Xavier Dolan signe un réquisitoire efficace et puissant contre les secrets de famille, contre le mensonge, contre les apparences, contre l’homophobie, contre l’intolérance… Avec pour l’objectif de montrer, comme l’écrit si bien Michel Marc Bouchard, « avant même d’apprendre à aimer, les homosexuels apprennent à mentir ». A se mentir aussi.
La réalisation qui joue sur un étouffement progressif reprend avec intelligence les codes du thriller, misant autant sur la terreur psychologique que sur la violence physique , le tout étant emporté par une mise en musique éblouissante. Ce qui n’a rien d’étonnant tant c’est une des marques de fabrique du talent de Xavier Dolan. Sauf que cette fois-ci, c’est Gabriel Yared qui officie. Brillant.
2013 – Canada/France – 1h42
@clara palardy