Cinquante nuances de Grey
Alors, que vaut 50 nuances de grey, ce blockbuster sorti pour la Saint-Valentin ?
Alors, que vaut 50 nuances de grey, ce blockbuster sorti pour la Saint-Valentin ?
Longtemps, deux projets biographiques sur Yves Saint Laurent se sont téléscopés. Le premier, Yves Saint-Laurent, officiel voulu par Pierre Bergé et réalisé par Jalil Lespert, est sorti le 8 janvier 2014. Saint Laurent, le second, non autorisé, réalisé par Bertrand Bonello, est précédé d’une odeur de souffre et d’un buzz critique positif depuis sa sélection à Cannes. Alors?
Voulant à tout prix déroger à la règle du biopic classique, Bertrand Bonello a concentré son film sur dix années de la vie du couturier. De 1967 à 1976, une décennie qui aurait dû être prodigieuse. Saint Laurent a alors une petite trentaine, son talent est connu depuis longtemps et sa notoriété est au top. Mais, le succès commence à lui peser.
Profitant de la liberté que lui offre et sa réussite et son époque (on est en 1968), YSL commence à dévier : ses nuits deviennent plus belles que ses jours, ses paradis artificiels et ses amours interdites, décadentes. Il sort donc du droit chemin que lui a balisé Pierre Bergé pour se frotter à ses démons, à sa face sombre qui toutefois n’entraveront ni sa créativité, ni son talent de couturier.
Le film se vit donc comme une longue errance dans les méandres et les déviances de Saint Laurent (Gaspard Ulliel, convaincant), sans plus d’explications que ce qui est montré en images : la rigidité et la hiérarchie silencieuse d’une maison de couture, la cage dorée dans laquelle Pierre Bergé l’a enfermé et où il se déploie autant qu’il étouffe, ses nouvelles amitiés, plus libres, sa passion destructrice pour Jacques de Basher, ses pannes d’inspiration, au final toujours compensées par une créativité nouvelle…
Pourquoi se limiter à 1967-1976? Parce qu’elles signent « la rencontre entre l’un des plus grands couturiers de tous les temps avec une décennie libre dont aucun des deux ne sortira intacte », pitche Bertrand Bonello. Ce parti pris était indéniablement passionnant, à condition qu’on le comprenne (mais si Bonello a un talent, c’est de très bien parler de ses films) et/ou que le réalisateur nous y fasse adhérer. Ce n’est jamais le cas. Saint Laurent était-il cet artiste maudit, incompris, au-dessus de la mêlée et dont le génie transpirait par tous les pores? Ou était-ce type corseté par sa vie organisée, qui rêve de faire exploser le carcan dans lequel il s’est lui-même enfermé?
Bonello ne se prononçant pas, les 2h30 que dure son film finissent par donner l’impression d’une vision linéaire, d’une exploration plutôt répétitive d’un homme certes touchant, doué, talentueux, aux prises à ses démons. Rien de plus, si ce n’est quelques scènes bien tournées, notamment toutes celles où apparaît Pierre Berger (Jérémie Renier). De là à penser que plus de contrainte aurait salutaire à Bonello…
Un conseil : voir Yves Saint-Laurent avant Saint Laurent (et surtout pas l’inverse), histoire de connaître la vie du couturier avant de plonger dans la face sombre de l’homme.
2014 – France – 2h30
Umber Singh, le père d’une famille bourgeoise indienne et sikh, a déjà trois filles. Sa femme est à nouveau enceinte et il est impensable qu’elle mette au monde une autre fillette.
Umber veut un fils pour restaurer l’honneur qu’il a déjà perdu en abandonnant sa maison et en fuyant son village, lors de la partition de l’Inde et du Pakistan en 1947. L’enfant nait fille, mais Umber décide de cacher son sexe à tous et de l’élever comme un garçon. Il parvient même à le marier. Mais à quel prix ?
Ce film dur, teinté d’exil, de mort et de malheurs, traite simplement de sujets très forts : le poids des traditions, notamment celle de l’honneur, l’identité sexuelle, l’autorité toute puissante du père et le traumatisme de la partition de l’Inde en 1947, souvent abordée dans le cinéma d’auteur indien.
Mais, les spectateurs enfants et adolescents seront sans doute surtout intéressés ou troublés par le fait d’avoir été élevé dans le déni de son sexe de naissance. Cette histoire, inspirée par des coutumes locales et l’expérience du réalisateur Anup Singh, est très maitrisée dans sa première partie plus narrative. Elle est moins compréhensible à la fin, quand les fantômes reviennent hanter les jeunes mariés en proie au doute et au choix de leur destinée, de toute façon malheureuse.
2013 – Inde – 1h49
En partenariat avec Grains de Sel
Hollywood. Sexe. Pouvoir. Le tout emmené par Paul Schrader, Bret Easton Illis et Lindsay Lohan. Ca devrait donc dépoter, briser les conventions, déranger les esprits, sentir le vénéneux et la perversité à mille lieux à la ronde…
Mais non ! Rangez vos illusions. Non pas que « The canyons » soient un modèle d’angélisme, mais c’est un peu comme-ci le vénéneux des années 1980, vu et archi revu depuis, avait vraiment perdu tout son soufre aujourd’hui.
A Hollywood, derrière la baie vitrée d’une magnifique villa des collines, vit un couple, Christian et Tara. Il est producteur, elle est actrice. Il est jaloux, elle ne lui a pas tout dit mais le tient plus ou moins en acceptant ses jeux sexuels assez pervers. Devenu fou quand il découvre qu’elle connaît l‘acteur qu’il vient d’engager, Christian fait n’importe quoi… Sans limites.
Sexe et manipulations, voilà un cocktail qui ne fait plus tellement frémir depuis longtemps. Surtout quand il est filmé avec un tel désir de provoquer que l’effet tombe aussitôt.
On reconnaît volontiers l’attirance de Paul Schrader (American Gigolo, Patty Herast ou encore les scénarios qu’il a écrit : Taxi driver, La dernière tentation du Christ…) pour ses sujets borderline, la perversité décadente de Bret Easton Illis (auteur d’ « American Psycho ») et cette manière de filmer complètement datée, dépassée.
Enfin, en confiant le rôle principal à Lindsay Lohan, pas mauvaise mais tellement abimée par ses excès et par la chirurgie esthétique, les deux auteurs signent une sorte de testament auquel ils ne croient plus eux-mêmes, mais sans savoir quel nouveau chemin ils pourraient emprunter. On a rarement vu un film aussi décadent et décati.
Un seul bon point : le super générique avec des très belles images de vieilles salles de cinéma abandonnées. C’est tout dire…
2013 – Etats-Unis – 1h39
Si l’héroïne ne s’était pas appelée Veronica, jamais je serai allée voir ce film. Dommage! Car il vaut bien plus que le prénom de la jeune femme dont il dresse un portrait inédit.
Veronica aime baiser, à 2 ou à plusieurs. peu importe avec qui et peu importe le nombre. Elle aime aussi la mer, la plage de Recife où elle habite, son père avec qui elle vit, ses amies avec qui elle sort. Gustavo, aussi, qui a tout pour lui et serait prêt à faire sa vie avec elle. Pas elle.
Veronica vient d’obtenir son diplôme de psychologue et a trouvé un emploi dans un hôpital. Ce nouveau travail, ses responsabilités, la maladie de son père devraient la pousser à changer de vie. Mais, non, Veronica ne veut pas renoncer à sa liberté, à ses pulsions sexuelles, à son libertinage. Aimer, elle n’en est pas capable, mais baiser en revanche lui fait un bien fou…
Rarement, un tel sujet est abordé de cette manière, à la fois simple et frontale. Veronica n’a rien d’une fille volage, écervelée, légère. Elle est brillante, intellectuellement épanouie (elle réussit un examen très difficile et aura même une promotion rapide), un peu dépendante affective de son père qui l’a élevée seul et en manque de certains repères. Quoique…
Ce qu’elle fuit surtout et avant tout, ce ne sont même pas les responsabilités, mais plutôt l’engagement et les conventions sociales. Le sexe la rassure, calme ses angoisses alors que l’amour la mettrait en danger. Et ce qui est vraiment intéressant dans ce portrait tout en finesse de cette génération individualiste et libérée, c’est justement la rupture avec la tradition qui voudrait que sa démarche soit plus masculine que féminine.
Portée par Hermila Guedes, une actrice intrigante, qui parvient à se montrer aussi adulte qu’immature, aussi déterminée qu’incertaine, cette histoire simple met l’accent sur une évolution significative des moeurs sans jugement aucun mais avec la nécessaire remise en cause qu’elle provoque. Ici, aujourd’hui, ou à là-bas à Recife. Dans la société comme dans nos têtes.
2012 – Brésil/France – 1h32
© F-Gusmao
De Delphine de Vigan, on connaît surtout (et on aime) les romans – « Les heures souterraines », « Rien ne s’oppose à la nuit » – , ceux portés à l’écran par d’autres – « No et moi » réalisé par Zabou Breitman. Moins son travail pour le cinéma. On lui doit la co-écriture du scénario de « Tu seras mon fils » réalisé par Gilles Legrand.
La voilà réalisatrice d’une comédie sentimentale qui se veut moderne puisqu’elle aborde frontalement des sujets peu abordés au cinéma, à savoir la performance sexuelle des femmes et leur volonté de s’améliorer « pour devenir le meilleur coup de Paris ».
C’est en tout cas la volonté d’Emma (interprétée par Laurence Arné), une jeune première de la classe qui vient de décrocher un boulot génial de journaliste dans un magazine économique. Elle a tout pour plaire, elle est brillante, très belle, devient très vite la chouchoute du patron. C’est aussi une bombe sur laquelle tous les hommes se retournent… mais qui est une véritable limace au lit. Bref, un super mauvais coup.
Serait-ce donc pour cela qu’à à peine 30 ans, elle est encore célibataire ? Que sa vie est ratée ? Puisqu’Emma est avant tout une bonne élève très consciencieuse, elle va s’appliquer à devenir une bombe sexuelle avant de découvrir que la performance ne vaut rien si elle n’est pas accompagnée d’amour…
On a rarement une comédie plus téléphonée que celle-là. Dès le décor posé, on sait exactement ce qui va se passer d’ici la fin du film et c’est évidemment un handicap sérieux à l’intérêt qu’on lui porte.
Passons sur les clichés sur la presse (c’est étonnant comment la vie des rédactions de journaux sont filmées de manière édulcorée, fantasmée), sur les définitions très caricaturales des personnages, sur la réalisation très banale de ce film pour aborder le problème de base : comment peut –on partir avec un postulat aussi con ?
La fameuse Emma a beau avoir une confiance en elle relative, avoir été élevée dans le culte de la performance, elle est bien trop intelligente et de son temps, pour avoir cette ambition débile de vouloir être le n°1 du sexe à Paris. Surtout si c’est pour découvrir que quand on aime, on donne plus et mieux.
Les (quelques) bonnes idées du film : avoir confié le rôle à Laurence Arné, une quasi inconnue pour ceux qui ne sont addicts ni aux one-woman show, ni aux séries françaises – elle joue dans Workingirls, diffusée sur Canal+. Elle tient son rôle avec tenue, à l’aise aussi bien dans les scènes drôles que plus émouvantes.
Quelques gags valent aussi le détour et notamment, la révélation François Morel en sexologue hyper convaincu. Et saluons l’écriture des dialogues, très cash qui tranchent un peu avec l’aspect très attendu, pas du tout surprenant de l’histoire.
Pas sûr que Delphine de Vigan, même aidée de Chris Esquerre à l’écriture, soit faite pour la comédie.
2014 – France – 1h31
© Pascal CHANTIER / EPITHETE FILMS
La vie d’Adèle d’Abdellatif Kéchiche a reçu la Palme d’or au Festival de Cannes 2013. Mérité et superbe. Bravo!
Si le paradis sur terre existe, il ressemble sans doute à la magnifique baie qu’habitent Lil et Roz depuis leur enfance. C’est autour de cette plage magnifique, accueillant une mer idéale pour surfer ou pour s’y baigner, déserte autant qu’elle est bordée d’une luxuriante végétation que leur vie s’est construite. A l’abri des regards.
Amies inséparables depuis leur tendre enfance, ces deux très belles femmes se rapprochent encore quand le mari de l’une d’elle décède et que celui de l’autre est muté dans une autre ville. Elles finissent par élever leurs fils du même âge, Ian et Tom, quasiment ensemble. A tel point que devenu adulte, l’un des fils tombe amoureux de la mère de son meilleur ami. Ils débutent une liaison… L’autre couple ne tarde pas à se former. A quatre, dans un îlot idyllique, ils entretiennent une sorte d’inceste d’un nouveau genre, non pas basé sur les liens du sang mais sur une promiscuité amicale, quasi familiale.
Adapté d’une courte nouvelle de Doris Lessing, au titre qui laisse présager de la suite, Les grands-mères, elle-même inspirée d’une histoire vraie racontée par un jeune australien envieux dans un bar, ce nouveau film d’Anne Fontaine est d’une ambiguïté remarquable. Elle commence par envoûter le spectateur par la magie des lieux, par la beauté de ses acteurs : les mères sont idéales, blondes, riches, sportives, élancées et se ressemblent un peu, incarnées par Robin Wright et par Naomi Watts, les jeunes hommes de superbes Apollon, l’un blond, l’autre brun, au corps d’athlète, de surfeur.
Puis, naît ce désir, irrésistible, qui devient hors norme quand il se démultiplie à l’autre couple. Presque naturellement… On ne porte donc pas de jugement moral sur cette double relation, sur cette cellule close dans laquelle ils sont tous enfermés volontaires et vivent épanouis, semble-t-il, sans qu’aucun des quatre ne voient l’intérêt d’en sortir. Comme si ce rêve parfait était trop beau pour être accessible à d’autres avec cette certaine arrogance propre au bonheur qui semble inatteignable (aux autres).
Grâce à la subtilité de ses deux interprètes féminines, à la beauté des jeunes Dieux qui leur redonnent goût à la vie, et à la nature prolifique qui les accueille et qu’elle filme abondamment, Anne Fontaine parvient à jouer de la sensualité des relations sans jamais juger ses personnages. On parierait même qu’elle les envierait même, avec le goût de la transgression qui l’anime toujours, mais encore plus cette fois-ci.
2012 – Australie/France – 1h51
© 2012 CINÉ-@ – MON VOISIN PRODUCTIONS – GAUMONT – FRANCE 2 CINÉMA
Quand Jeff débarque dans la vie de son meilleur pote, en pleine une nuit, Ben est fort occupé à essayer de faire un enfant à sa femme. Qu’importe ! Les retrouvailles de deux copains sont les plus fortes et très vite, Jeff dévie Ben de sa petite routine familiale. Il l’amène dans une soirée interlope où ils font le pari stupide de tourner ensemble un porno pour Hump, le célèbre festival de films amateurs. Rendez-vous est pris à l’hôtel quelques jours plus tard…
Yvan Attal ne s’en cache pas : son troisième film est une commande, celle d’un remake de Humpday, signé de l’américaine Lynn Shelton, qui a connu son heure de gloire en étant sélectionné à Sundance et à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. Il s’en cache tellement pas que c’est non seulement la même histoire, mais évidemment les mêmes situations et à peu près les mêmes dialogues (quasiment les mêmes costumes).
Outre le fait qu’il ne semblait pas indispensable de faire un remake de Humpday aussi vite (le premier date de 2009), Yvan Attal n’apporte finalement pas grand chose qui puisse vraiment nous accrocher. L’intrigue n’est pas passionnante, on se doute assez vite de ce qui va se passer (et en plus, on s’en fout !). Sa manière de filmer, avec flou et mise au point sur certaines parties des plans seulement, est plutôt insupportable. Enfin, la régression de deux hommes d’âge mûr en pleine crise post-adolescente n’est jamais séduisante (surtout pour une femme). Certains hommes s’y retrouveront sans doute. Mais qu’ils sachent quand même que le film n’est pas très drôle (le brief d’Attal était de réaliser une comédie), que les acteurs ne décoiffent non plus… sauf dans la scène de fête destroy où Asia Argento et Charlotte Gainsbourg, en couple lesbo libéré, s’en donnent à cœur joie. C’est un peu court…
2012– France- 1h28