Capharnaüm
Capharnaüm de Nadine Labaki a frôlé la Palme d’or et est reparti du 71e Festival de Cannes avec le Prix du Jury. Une récompense méritée pour ce beau film sur l’enfance maltraitée au Liban.
Capharnaüm de Nadine Labaki a frôlé la Palme d’or et est reparti du 71e Festival de Cannes avec le Prix du Jury. Une récompense méritée pour ce beau film sur l’enfance maltraitée au Liban.
Dans les quartiers pauvres de Bradford, au nord de l’Angleterre, Arbor et Swifty, deux ados renvoyés de l’école pour violence, se mettent à voler des métaux pour un ferrailleur.
Arbor est attiré par l’argent et l’interdit, Swift par les chevaux que Kitten, le ferrailleur crapuleux, possède et dont il se sert pour des courses clandestines. Quand Kitten propose à Swifty de participer à l’une d’entre elles, Arbor dont le comportement est souvent incontrôlable, est jaloux. Il accepte alors d’aller voler du métal dans un endroit plus que dangereux…
Ancré dans la veine du réalisme social du cinéma anglais, ce premier film signé Clio Barnard reprend à son compte le titre et le thème général d’un conte d’Oscar Wilde en le réactualisant. Le géant égoïste est ce Kitten (chaton en anglais), une figure paternelle de substitution pour ces enfants marginalisés par la pauvreté, qui les autorise à fréquenter son domaine (la ferraillerie et les chevaux) à condition qu’ils travaillent pour lui.
Il est aussi la seule autorité à laquelle ils se soumettent, eux qui ne connaissent que des rapports familiaux débridés, peu aimants et surtout des pères soit absents, soit démissionnaires, puisque sans argent, ni travail. Rien d’aimant là non plus, mais au moins, avec Kitten le rapport de force est clair : ils volent des métaux, ils gagnent un peu d’argent, de quoi aider leurs familles dans le besoin.
Evidemment, à cause de sa fougue, de son absence de self control et bien sûr du fait que Swift est bientôt préféré par le géant, Arbor, 13 ans, n’a pas les armes nécessaires pour gérer cette mise en compétition avec son meilleur ami. Sans limite, ni repère, il accepte tout et n’importe quoi et le paiera au prix fort, lui qui n’est qu’une boule de sensibilité à fleur de peau.
Un portrait très fin et jamais moralisateur d’un enfant brisé malgré ses 13 ans, potentiellement dangereux pour lui et pour les autres, relégué à expulser sans cesse sa colère contre et dans un monde finalement plus proche du Moyen-Âge que d’un XXIème civilisé. Perturbant.
Le film, présenté à la Quinzaine des réalisateurs, a obtenu le Hitchcock d’or au Festival de Dinard 2013 (et deux autres prix).
2013 – Royaume-Uni – 1h31
Les autres sorties 18 décembre critiquées par cine-woman :
© agatha a. nitecka
Fin 2007. La libération de plusieurs otages des FARC, en Colombie, est annoncée. Toutes les parties intéressées (la France donc, dont une ressortissante, Ingrid Betancourt, est détenue depuis quelques années) sont sur le qui-vive. Mais, rien ne se passe et personne ne comprend pourquoi l’annonce n’est pas suivie d’effet.
On imagine une énième manoeuvre politique des FARC, une négociation mal menée par le gouvernement officiel ou une intervention malhabile du Venezuela… Rien de tout cela, en fait. C’est Clara Rojas, ancienne directrice de campagne d’Ingrid Betancourt, qui est concernée. Sa libération est retardée, car le fils qu’elle a eu durant sa détention et qui devait l’accompagner sur le chemin de la liberté a été égaré !
Le film retrace justement le parcours de cet enfant durant les deux ans et demis pendant lesquels il a été séparé de sa mère. Très mal en point, le bébé a été confié à un pauvre paysan pour être soigné. Puis, au hasard d’un enchainement de circonstances incroyables, comment il a disparu… Mais, cet enfant n’est pas le seul à connaître un destin cruel. La famille du paysan concerné est plongée dans un véritable cauchemar kafkaïen dont ce film pourrait bien peut-être faciliter l’épilogue heureux.
En effet, Operacion E a été tourné en Colombie, au plus près des territoires concernés, en plein cœur de la jungle (parfois même dans d’anciens camps de prisonniers FARC) et avec les témoignages des principaux intéressés. On peut faire confiance au réalisateur Miguel Courtois, connu pour son engagement et pour son cinéma politique – on lui doit El lobo ou Gal, qui traitait chacun de l’ETA – pour s’être suffisamment renseigné à la fois sur cette histoire inimaginable et sur les conséquences que pourrait avoir son film sur ses protagonistes. Selon lui, il est légitime d’espérer que le paysan et sa famille finissent par être innocentés et pourquoi pas indemnisés. En tout cas, ce quasi-documentaire, dont les principaux rôles ont toutefois été confiés à des acteurs de renom, l’espagnol Luis Tosar et la colombienne Martina Garcia, va nécessairement remettre sur le devant de l’affiche le sujet plus ou moins réglé des FARC dont l’influence semble toutefois avoir décru ces dernières années. Mais, qu’on ne s’y trompe pas. Si le cinéaste ne prend nullement parti dans ce qui oppose les FARC au gouvernement colombien, il relate méthodiquement la brutalité physique et psychologique dont ces factions armées usent sur ceux qui ont la malchance de tomber sur eux.
2011– France/Espagne – 1h49