Pour tous ceux qui auraient raté Le dernier Cercle, l’émission de critiques de cinéma présentée par Frédéric Beigbeder et diffusée le 4 octobre sur Canal+ Cinéma, en voici les extraits les plus marquants c’est-à-dire ceux où Cine-Woman était invitée à s’exprimer.
Les débats contradictoires ont commencé pour cine-woman avec La vie domestique d’Isabelle Czajka, peu soutenu par les critiques féminines. C’est le moins que l’on puisse dire.
Un film sur Diana ? Evidemment ! Elle qui a été la femme la plus connue et la plus photographiée au monde, elle qui fut l’icône de la fin du XXème inspirerait forcément un jour scénaristes, réalisateurs ou producteurs. Encore fallait-il attendre que l’émotion immense qui a suivi sa mort accidentelle, le 31 août 1997, se dissipe en Angleterre et ailleurs, que le deuil soit enfin fait et que la famille royale anglaise découvre d’autres bonheurs. Seize ans plus tard, « Diana », le film, tombe donc à pic.
Sulfureux
Il est plus étonnant que ce soit Oliver Hirschbiegel qui s’y colle. Connu pour avoir tourné « La chute », qui contait de l’intérieur les derniers jours de la vie d’Hitler dans le bunker, ce réalisateur allemand à la réputation de fait sulfureuse ne semblait pas sentimental, pas au point de consacrer un de ses films à une princesse adulée, à la reine de la presse people. Et puis, qu’allait-il nous apprendre qu’on ne savait déjà sur cette femme à la fois ultra-gâtée mais blessée par la vie, sur cette mère écartelée entre son devoir, les contraintes dues à son rang et des émotions qu’elle avait la réputation de ne pas bien savoir maîtriser ?
Plutôt que de retracer Diana à travers les grandes dates qui ont jalonné sa courte existence, Stephen Jeffreys, le scénariste, et Ecosse Films, la société de production qui a eu l’idée de ce récit, se sont concentrés sur l’épisode sans doute le plus paradoxal de sa vie. En 1995, alors qu’elle est en plein divorce d’avec le prince Charles, Diana est en train de se sculpter un nouveau personnage médiatique : elle n’est plus depuis longtemps la cruche blonde choisie pour son sang bleu comme potentielle représentante de la monarchie anglaise, ni l’empêcheuse de tourner en rond dans l’organisation huilée du palais, ni même l’épouse bafouée d’un prince qui ne l’aurait jamais aimée.
Reborn
Non, elle est une femme de son temps, amincie, épanouie, enfin jolie, qui semble en voie d’assumer sa personnalité et ses propres désirs. Sa notoriété est immense, sa popularité au top. Et pourtant, c’est au moment où elle occupe sans cesse le devant de la scène qu’elle va le mieux parvenir à dissimuler ce qui comptera le plus dans sa vie : son envie d’être utile et son amour le plus sincère.
Le film commence (après une scène de flash back sur sa dernière soirée à Paris) donc au moment où Diana, séparée, est en train de découvrir la liberté et surtout de se demander ce qu’elle pourrait bien en faire. Donner un sens sa vie, voilà la question. Une visite dans un hôpital va la guider dans ce choix. Elle y rencontre un chirurgien passionné par son métier, Hasnat Khan, avec qui elle ne tarde pas à débuter une liaison. Elle l’admire, il ne la traite pas comme une princesse, elle le respecte, il s’intéresse à l’être humain qui est en elle et lui fait comprendre comme utiliser à bon escient son statut, sa notoriété, bref son pouvoir à un peu plus que des bonnes oeuvres. Ce qui n’avait jamais été le cas jusqu’à présent… Diana s’engage alors dans ce qui restera son combat le plus pertinent : la lutte contre les mines antipersonnel.
A sa perte
Pourtant, même si leur amour est vraiment partagé, il va être sérieusement contrarié par des obstacles multiples : l’extrême médiatisation de Diana, qui ne facilite pas l’intimité, la tradition musulmane de la famille du médecin, l’impétuosité de leurs caractères respectifs, les contraintes de leurs occupations respectives… Au bout de deux ans et après plusieurs ruptures, le couple se sépare une nouvelle fois. Par dépit (selon la thèse du film) Diana accepte l’invitation de Dodi Al-Fayed à passer des vacances sur son yacht et invite les photographes à la rendre publique. On connaît la suite et sa fin tragique…
En révélant cette histoire d’amour plutôt discrète et surtout ce qu’elle a changé dans la personnalité et l’attitude de Diana, le film a l’intelligence d’éviter tous les travers d’une hagiographie qui n’aurait pas été palpitante. Certes, ce portrait n’est pas à charge, mais il a l’humilité de chercher à comprendre un personnage éminemment public à travers une histoire fondamentale dans son cheminement personnel mais qui aurait gagné justement à rester très privée. On s’intéresse de très près au destin contrarié de cette femme, apparemment puissante mais aux failles (notamment affectives) évidentes, à sa quête d’amour revendiquée, à sa perspicacité dans ce que le monde attend d’elle et ce qu’elle est capable de lui donner… On la découvre intuitive et finalement extravertie, peinant à desserrer le corset de son rang et de son éducation.
Se révéler à soi-même
A travers elle, le film aborde aussi et en finesse une problématique très féminine. Sans se poser plus de questions, Diana a d’abord vécu à travers les autres (son mari, sa charge, ses enfants, sa famille, son rôle dans la monarchie…). Son divorce lui fait prendre conscience qu’elle est une personne à part entière même si cette indépendance a un goût amer. Sa liaison avec ce chirurgien lui prouve qu’elle peut faire quelque chose de sa vie. A elle de décider désormais comment répondre à l’éternel questionnement entre le dévouement et l’accomplissement personnel!
Très bien documenté, conçu et mise en scène avec une précision méthodique, avec sérieux et sans folie, « Diana » est une très belle surprise. Impossible de rester froid aux tentatives de la vraie Diana pour être heureuse, à la conviction qu’elle met dans les projets qu’elle entreprend, à la générosité parfois maladroite dont elle fait part. Naomi Watts, qui l’interprète avec application, rend cette émotion plus que palpable. Et sans vraiment la mimer, elle a su s’approprier ses tics, son accent, l’ensemble de ses expressions. Un seul point faible dans cette recherche: sa démarche beaucoup trop banale.
Complexe
En se concentrant sur son sujet c’est-à-dire sur cette liaison méconnue, le scénario évite aussi tous les travers qui l’auraient rendu peu crédible : on voit à peine les arcanes de la monarchie anglaise, le lustre des palais et les obligations familiales ou « institutionnelles » qui rythment la vie de Diana. Et sa vie telle qu’elle est décrite ne porte ni au fantasme, ni à la pitié populaire. Un équilibre subtil, sensible dont Oliver Hirschbiegel a su se satisfaire et qui révèle au plus près une personnalité plus ambivalente que prévue.
De Oliver Hirschbiegel, avec Naomi Watts, Naveen Andrews, Douglas Hodge, Charles Edwards…
2013 – Grande-Bretagne/France/Belgique – 1h48
A consulter aussi sur cine-woman : la conférence de presse de Paris, avec Naomi Watts, Naveen Andrews, Oliver Hirschbiegel et le producteur Robert Bernstein.
Si le paradis sur terre existe, il ressemble sans doute à la magnifique baie qu’habitent Lil et Roz depuis leur enfance. C’est autour de cette plage magnifique, accueillant une mer idéale pour surfer ou pour s’y baigner, déserte autant qu’elle est bordée d’une luxuriante végétation que leur vie s’est construite. A l’abri des regards.
A quatre
Amies inséparables depuis leur tendre enfance, ces deux très belles femmes se rapprochent encore quand le mari de l’une d’elle décède et que celui de l’autre est muté dans une autre ville. Elles finissent par élever leurs fils du même âge, Ian et Tom, quasiment ensemble. A tel point que devenu adulte, l’un des fils tombe amoureux de la mère de son meilleur ami. Ils débutent une liaison… L’autre couple ne tarde pas à se former. A quatre, dans un îlot idyllique, ils entretiennent une sorte d’inceste d’un nouveau genre, non pas basé sur les liens du sang mais sur une promiscuité amicale, quasi familiale.
Adapté d’une courte nouvelle de Doris Lessing, au titre qui laisse présager de la suite, Les grands-mères, elle-même inspirée d’une histoire vraie racontée par un jeune australien envieux dans un bar, ce nouveau film d’Anne Fontaine est d’une ambiguïté remarquable. Elle commence par envoûter le spectateur par la magie des lieux, par la beauté de ses acteurs : les mères sont idéales, blondes, riches, sportives, élancées et se ressemblent un peu, incarnées par Robin Wright et par Naomi Watts, les jeunes hommes de superbes Apollon, l’un blond, l’autre brun, au corps d’athlète, de surfeur.
Paradis sulfureux
Puis, naît ce désir, irrésistible, qui devient hors norme quand il se démultiplie à l’autre couple. Presque naturellement… On ne porte donc pas de jugement moral sur cette double relation, sur cette cellule close dans laquelle ils sont tous enfermés volontaires et vivent épanouis, semble-t-il, sans qu’aucun des quatre ne voient l’intérêt d’en sortir. Comme si ce rêve parfait était trop beau pour être accessible à d’autres avec cette certaine arrogance propre au bonheur qui semble inatteignable (aux autres).
Grâce à la subtilité de ses deux interprètes féminines, à la beauté des jeunes Dieux qui leur redonnent goût à la vie, et à la nature prolifique qui les accueille et qu’elle filme abondamment, Anne Fontaine parvient à jouer de la sensualité des relations sans jamais juger ses personnages. On parierait même qu’elle les envierait même, avec le goût de la transgression qui l’anime toujours, mais encore plus cette fois-ci.
Avec Naomi Watts, Robin Wright, Xavier Samuel, James Frecheville
Fils de bonne famille motivé par son patriotisme, J.Edgar Hoover a fini par régner sur le renseignement américain et les puissants de son pays. Et cela, d’après Clint Eastwood, pour satisfaire l’ambition démesurée de sa mère autoritaire. Patriote et anti-bolchévique hautement revendiqué, il a tout au long de sa vie prévenu les attaques réelles ou supposées à l’endroit de son pays et érigé puis dirigé pendant 48 ans une police de protection prête à défendre ses concitoyens et la moralité : le FBI.
Il en prend les rênes assez jeune et profite toujours de circonstances particulières et de méthodes très personnelles pour en augmenter le rôle et la puissance jusqu’à lui donner la suprématie sur les autres polices américaines.
Cultivant un culte du secret à toute épreuve, le sien mais surtout ceux des autres, il parviendra toute sa vie et même au-delà à cacher ses nombreuses zones d’ombre, aidé en cela par une équipe de fidèles parmi les fidèles. Sauf peut-être celui de son homosexualité plus que latente mais tuée dans l’oeuf par sa mère abusive, méprisante avec son père et définitivement castratrice.
La mère: voilà la figure tutélaire qui dresse le caractère d’un homme. Un concept validé des centaines de fois, certes, mais avec lequel Eastwood est manifestement très mal à l’aise. Sans aucune subtilité, il martèle alors la toute puissance de cette femme sur son fils. A sa mort, inconsolable, il ira même jusqu’à lui piquer ses robes!
De facture très classique, ce biopic sans doute nécessaire mais parfois trop décousu reste très imparfait. On se méfie toujours, et avec raison, quand Eastwood aborde les thèmes du nationalisme. Une fois encore, la thèse soutenue est sans surprise. Parade au bolchévisme, l’omnipotence d’Hoover (pourtant très anti-démocratique) est légitimée par Eastwood.
Comme d’habitude, il nous réserve pourtant quelques prouesses remarquables: la parade amoureuse aussi maladroite que savoureuse d’Hoover dans la Bibliothèque quand il tente de séduire Helen Gandy (Naomi Watts) , la scène fondatrice de l’engagement de jeune policier au suspense éprouvé… Mais, dès qu’il approche le terrain psychologique, Eastwood devient convenu et lourdaud. Dommage car les acteurs, et en premier Leo di Caprio, sont formidables…jeunes et même vieux. Mais ils sont alors si mal maquillés qu’ils semblent artificiels.
Avec Leonardo di Caprio, Naomi Watts, Armie Hammer, Josh Lucas, Judi Dench
2011 – USA – 2h17
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