The Tribe
Sans voix
The Tribe est un film comme vous n’en avez jamais vu, une expérience incroyable, puissante, sombre aussi, dure, très dure. Mais, pour une fois, impossible de se perdre en conjectures : le film est visuel, totalement visuel et pourtant complètement parlant.
Un monde à part
The Tribe, la tribu, le clan, est un huis-clos ouvert sur un monde qui nous est fermé : celui des sourds-muets. Un jeune garçon, qu’on appellera Sergueï, arrive dans un internat spécialisé pour y vivre.
On est en Ukraine, dans une partie austère de Kiev, un quartier typique de ces villes de l’Est, aux immeubles en piteux état, aux couleurs froides où l’on sent que n’importe quoi peut y arriver. Sans état d’âme.
Un monde cruel
Sergueï débarque et doit trouver sa place dans cet établissement aux codes bien établis : un groupe a imposé son diktat, organise trafics en tous genres, prostitution, et fait régner son ordre à grands coups d’humiliations ou de claques dans la gueule.
Bref, pour gagner ses galons, sa place ou plus simplement un lit pour dormir, Sergueï doit le mériter. Il est costaud, Sergueï et suffisamment intelligent pour s’imposer. Mais, c’est aussi un cœur sensible, va tomber amoureux d’Anna, une jeune ambitieuse qui se prostitue et envisage un avenir meilleur, à l’Ouest.
Un monde du silence
Une histoire d’amour adolescente dans un contexte différent, ce n’est que ça The Tribe. Pas du tout ! Car, en plus d’être frontal, dur, de n’esquiver à l’image aucune des épreuves que subissent ces jeunes gens et même les plus insupportables, – une scène d’avortement filmé en plan séquence, plein cadre et qui dure un temps infini, est un vrai choc – , le film est entièrement muet, en langage des signes et sans aucun sous-titres.
Du coup, on ne le comprend que par l’image et par quelques bruitages. D’ailleurs, même si les protagonistes sont très bavards (mais, à moins de comprendre le langage des signes, rien n’est compréhensible), leur monde est incroyable feutré, plus que dans la réalité où les signe s’accompagnent souvent d’onomatopées, de claquements de langue, de doigts, de soupirs, bref de bruits corporels que le réalisateur n’a pas gardés.
Autre bémol, mineur mais réel, certains plans séquences, notamment sur des conversations dont on comprendra la teneur plus tard, sont longs, très longs.
Un film multi-primé
Sombre, noir, violent, The Tribe, premier film signé Myroslav Slaboshpytskiy, n’en reste pas moins une expérience très forte, inédite. Un coup de poing sans concession, un coup de force qui a lui a valu de remporter le Grand Prix Nespresso, le prix Révélation France 4 et l’aide de la Fondation Gan à la Semaine de la critique de Cannes 2014, et une superbe carrière en festival.
De Myroslav Slaboshpytskiy, avec Grigory Fesenko, Yana Novikova, Rosa Babiy…
2014 – Ukraine – 2h12