L’amour est un crime parfait
Polar suisse et choc
S’il n’y avait qu’une bonne nouvelle pour le cinéma en ce début d’année –outre les nominations de Jane Campion et de Pierre Lescure à Cannes – , ce serait ce film des frères Larrieu.
Pour adultes
Chacun de leur opus est un petit événement en soi, rappelez-vous « Un homme, un vrai », « Peindre ou faire l’amour » et le sublime « Les derniers jours du monde », au titre toujours prometteur et à l’originalité non revendiquée mais pourtant affirmée.
Voir un film des Larrieu est une expérience, de celles qui vous grandissent et vous font mûrir, réfléchir un peu sur votre propre vie et surtout vous émouvoir. Car, encore plus qu’à l’intellect, c’est à votre capacité à ressentir qu’ils s’adressent à vous. En adulte, ce qui est rarissime ces temps-ci au cinéma.
Thriller dans la neige
« L’amour est un crime parfait » s’inscrit dans cette ligne. C’est un thriller qu’ils qualifient volontiers de suisse, adapté du roman « Incidences » de Philippe Djian. Mathieu Amalric, leur acteur fétiche, y joue Marc, un prof d’université au verbe haut qui passe son temps à séduire ses étudiantes en littérature. Pas toutes. L’homme, beau parleur, est conscient de la puissance de son langage et de son sex-appeal, moins de ses tourments qu’il a profondément enfouis.
Barbara, une de ses étudiantes a disparu sans laisser de traces. Une enquête est en cours. C’est alors que se présente Anna, la belle-mère de Barbara, qui veut comprendre cette disparition. Marc ne va pas rester longtemps indifférent au charme particulier d’Anna…
Réalisateurs de l’espace
Peintres des sentiments vrais, de l’amour et du sexe, qui n’est jamais absent de leur film, Jean-Marie et Arnaud Larrieu sont aussi et avant tout peut-être des cinéastes de l’espace. Le film se passe à Lausanne et ne pourrait s’imaginer nulle part ailleurs.
Ils filment avec une aisance inouïe des paysages et des bâtiments qui s’enchaînent avec une limpidité extraordinaire. L’université de Lausanne, tout d’abord, magnifique Rolex Learning Center réalisé par l’agence japonaise d’architecture SANAA, aux parois de verre et aux circulations fluides devient, grâce à eux, un personnage à part entière de l’histoire, celui de l’ambiguïté entre ce qui est montré et ce qui se cache. La mise ne scène de la prégnance des montages et du lac, lorsque Mathieu Amalric tire le rideau de la salle où il enseigne est à cet égard très révélatrice.
Un lieu, du sens
Le chalet de Megève ensuite et le long cheminement à travers des routes de montagne enneigées qui semble aboutir au bout d’un monde et de ce qui s’y joue, la maison de Denis Podalydès encore, architecture brute et froide, ou celle nouveau riche de la piscine de Sarah Forestier, et enfin, le magnifique hôtel du dénouement, bâtiment fragile en surplomb d’un lac qu’Amalric n’aurait jamais dû perdre de vue.
Il y aurait tant à dire sur ce polar suisse, riche d’ambivalences, de caractères complexes, d’acteurs géniaux, double ou triple, de scènes provocantes, de dialogues éloquents, de réflexe animal dans un monde qui se voudrait ultra-sophistiqué… que le mieux est encore de se limiter à deux mots : Allez-y ! Vous n’en reviendrez pas…
De Jean-Marie et Arnaud Larrieu, avec Mathieu Amalric, Karine Viard, Maïwenn, Denis Podalydès, Sarah Forestier…
2013 – France – 1h50