The substance
Avec The Substance, Coralie Fargeat fait de la quête de l’éternelle jeunesse une surenchère gore sans limite. Jouissif mais pas très féministe. Prix du Scénario au Festival de Cannes 2024.
Avec The Substance, Coralie Fargeat fait de la quête de l’éternelle jeunesse une surenchère gore sans limite. Jouissif mais pas très féministe. Prix du Scénario au Festival de Cannes 2024.
Dans Rêves de jeunesse, Alain Raoust revient sur la perte des idéaux de jeunes gens d’aujourd’hui. Démonstratif, décousu et maladroit, le film fait l’ouverture de l’Acid à Cannes le 15 mai 2019.
En 1950, Billy Wilder tourne « Boulevard du Crépuscule », sublime film qui ausculte, à travers le destin et les névroses d’une ancienne star du muet, les démons du système hollywoodien. Lui y est arrivé au milieu des années 1930 comme scénariste et talent désormais indésirable en Europe.
Il ne lui a fallu que quelques années pour y percer et en 1950, le cinéma lui doit déjà quelques films incontournables qu’il a soit scénarisés, soit réalisés : « Ninotcha », « Assurance sur la mort », « La valse de l’empereur », « la scandaleuse de Berlin ». Doué d’une intelligence exceptionnelle (tous ses films le prouvent), Billy Wilder n’a eu besoin que de quelques années pour comprendre que les chimères de l’univers dans lequel il évolue et pour se donner les moyens de le critiquer ouvertement mais subtilement.
Il faut croire que le sujet le hante, car en 1978, pour son avant-dernier film, il s’y attaque à nouveau avec la même hargne, la même violence rentrée. « Fedora » traite du même thème que « Boulevard du Crépuscule », mais en négatif. Et la désillusion est encore plus cruelle.
Barry Detweiler, un producteur fauché tente de se refaire en proposant un rôle, l’ultime rôle, à celle qui fut en son temps la star des stars, Fedora. Mais, depuis des années, l’actrice vit retirée de tout et de tous dans une maison isolée et inviolable sur une petite île proche de Corfou. Barry brave les obstacles et les interdits pour tenter de la rencontrer. Il finit par parvenir et ce qu’il y découvre est encore pire que ce qu’il aurait pu imaginer…
Bien moins connu que les autres films de Wilder, Fedora revient donc aujourd’hui en version restaurée. La couleur un peu passée de la fin des années 1970 lui donne un charme suranné. Le réalisateur a aussi un peu perdu le sens du rythme qui donna un tempo formidable à ses comédies. Mais, son propos est tellement puissant, son histoire tellement cruelle que, même si son talent est un peu fatigué, (Wilder le tourne à 72 ans et s’est épuisé à le faire financer – il n’a trouvé de l’argent qu’en Europe, ce qui fait de Fedora son film tardif le plus européen- ), Fedora reste un grand film qui mérite dix fois qu’on s’y attarde. C’est aussi un des grands rôles de Marthe Keller, qui, bien que dissimulée, brille de toute sa beauté dans les scènes dévoilées et soutient presque la comparaison avec Greta Garbo, dont la véritable histoire aurait inspiré ce chant du cygne à Wilder.
1978 – RFA/France – 1h50
Evidemment quand on voit un film après en avoir entendu parler (en bien et par des gens de confiance), on en attend beaucoup. Trop, parfois ! Frances Ha s’annonçait donc comme une belle promesse et à vrai dire, c’en est une. Mais, sans l’enthousiasme espéré.
L’historie est simple. Frances a 27 ans et se cherche. Elle a dû mal à quitter non pas l’adolescence mais sa jeunesse, ses repères, ses amis, son style de vie sans responsabilités pour rentrer dans le monde adulte. Elle rêve d’être chorégraphe mais mange la poussière en attendant : elle n’a pas d’argent, pas de mec, une roomate qu’elle adore et qui la quitte pour suivre sa propre route.
Frances est fantasque, originale, un peu perchée même, mais c’est tout ce qui fait son charme et l’intérêt de son personnage. Elle est surtout interprétée par Greta Gerwig, déjà croisée dans « Damsels in distress » et une pléiade de films indies, et c’est la meilleure idée du film dont elle a contribué à écrire le scénario.
La seconde est de l’avoir tourné en noir et blanc, ce qui lui donne un côté arty, une saveur très 80’s dans la veine de « Nona Darling n’en fait qu’à sa tête » de Spike Lee ou même des premiers Jim Jarmush. Et puis, nous sommes à New York et cette ville supporte bien mieux que d’autres le blanc et le noir, en n’ôtant rien de son énergie emblématique. Référence 80’s encore revendiquée par le choix de la chanson de Bowie, « Modern Love », dans la bande son. La scène de danse devant la station de métro et dont est tirée l’affiche,devrait rester culte.
Alors que manque-t-il ? Peut-être une sincérité. J’ai lu quelque part qu’il s’agissait d’un vrai film de filles. Certes, mais filmé par un homme et ça change tout. Même si Frances est épatante, intrigante, stimulante, impossible de s’identifier un tant soit peu à elle. Trop posée, trop travaillée, trop positive sauf à quelques rares moments (évidemment les meilleurs du film) : le dîner où elle est insupportable, son voyage à Paris et son retour en taxi à New York.
Je ne vous dirai pas si elle parvient à ses fins, mais Frances aurait mérité d’être un peu plus cabossée par ses échecs. Sans en faire une « Sue perdue dans Manhattan », film magnifique d’Amos Kollek sur le rêve américain, on aurait aimé les coups la façonnent un peu plus. Que cet abandon inévitable de la jeunesse soit un passage, pas juste une étape.
2012 – Etats-Unis – 1h26
Trois films sont produits en Bosnie, les années les plus fastes. En voici, une rareté donc, bon, très bon même. Djeca, enfants de Sarajevo raconte le quotidien d’une jeune femme, Rahima, 23 ans, qui a la charge de son petit frère, Nedim, 14 ans. Tous deux ont perdu leurs parents durant la guerre et ils doivent s’assumer seuls, comme ils peuvent.
Pour gagner leur vie, Rahima travaille dans un restaurant où l’ambiance est aussi explosive qu’affectueuse. Le jour où son frère, en pleine crise d’adolescence, se bat avec le fils d’un ministre à l’école, leur fragile équilibre familial menace de basculer.
En filmant au plus près son héroïne, en adoptant son point de vue, la réalisatrice Aida Begic, à qui l’on doit déjà le très remarqué Premières neiges, prend le parti d’un film singulier, intimiste et à la dynamique calquée sur l’énergie inépuisable de son héroïne.
Elle revient de loin Rahima : une enfance durant la guerre, un séjour à l’orphelinat puis une adolescence rebelle, difficile, sans doute un peu (beaucoup ?) junky… Elle a vécu l’enfer et a dû batailler pour trouver sa place dans la société. La religion (elle porte le voile) l’a sans aucun doute aidée. Bref, elle sait de quoi elle parle et cherche à tout prix à protéger son petit frère de cette pente dangereuse. A l’énergie, à la volonté, bravant tous les entraves qui se retrouvent sur leur route, elle leur trace à un destin dont elle a de quoi être fière, même si ce n’est jamais ce qui la motive.
Ce portrait tout en finesse reste un témoignage puissant de la vie aujourd’hui à Sarajevo, près de 20 ans après le siège de la ville et mérite amplement la mention spéciale que le film a obtenu dans la sélection Un certain regard lors du Festival de Cannes 2012.
2012 – Bosnie-Herzégovine/ Allemagne/ France/ Turquie – 1h30
La note Cine-Woman : 3/5
Au collège Joséphine Baker de Saint-Ouen, en banlieue parisienne, la caméra de Clara Bouffartigue suit l’année d’une classe de quatrième. Principalement durant les cours de français et ceux d’arts plastiques. Sans aucun commentaire.
Dans cet établissement classé en zone d’éducation prioritaire, on assiste donc à la découverte de Victor Hugo, d’Arthur Rimbaud ou de Pierre Soulages, dans un silence appliqué qui alterne brusquement avec un brouhaha assourdissant où quelques fortes têtes font la loi. Car, c’est cela qui frappe : l’ambivalence des situations. Parfois, la classe écoute et capte ce que l’on lui enseigne, sans problème. Mais, le débordement est sous-jacent, la violence rentrée, la vigilance des profs permanente. Et leur patience remarquable. Car, malgré les dérapages incessants de certains élèves, les deux professeurs mettent un point d’honneur à transmettre à tous leurs connaissances sans jamais se décourager, ni les condamner. Un document positif sur l’école (c’est rare) qui insiste sur l’investissement des enseignants comme sur celui de la plupart de leurs élèves. C’est riche d’enseignement.
2012 – France – 1h18