Faut-il dégenrer les prix de cinéma?
Dégenrer les Ours d’argent ! Dès 2021, La Berlinale récompensera la meilleure interprétation et le meilleur second rôle. Sans plus distinguer s’il s’agit d’une femme ou d’un homme. Une bonne idée?
Dégenrer les Ours d’argent ! Dès 2021, La Berlinale récompensera la meilleure interprétation et le meilleur second rôle. Sans plus distinguer s’il s’agit d’une femme ou d’un homme. Une bonne idée?
Une fois n’est pas coutume, Cine-Woman s’intéresse à un superbe premier film qui traite presque exclusivement de virilité, de rivalité masculine à l’adolescence : Sleeping giant.
Anéantie par ses échecs amoureux à répétition, la réalisatrice Tatjana Bozic retrouve ses ex éparpillés dans toute l’Europe afin de leur demander pourquoi leur relation a échoué et les filme dans Happily Ever After. Une audace ? Une folie ? Elle s’explique.
Un homme en crise de la cinquantaine décide de larguer les amarres. Voilà Comme un avion, la nouvelle comédie pleine de charme de Bruno Podalydès. Réjouissant!
Le monde serait-il différent s’il été dirigé par des femmes ? Riad Sattouf (Les beaux gosses) prétend que non, mais en s’amusant à détourner le rôle traditionnel que jouent les deux sexes, il livre une parodie acerbe du pouvoir dans les pays musulmans et du sexisme culturel (donc ordinaire).
Jacky (Vincent Lacoste) est comme tous les garçons de son âge. Il est cantonné au foyer à touiller la bouillie. Son rêve ? Aller au grand bal de la Bubunerie pour rencontrer l’héritière dont il est amoureux depuis toujours. Mais, l’accès au bal n’est pas donné à tous et lui a un casier particulièrement chargé : il est pauvre, sa mère meurt, son oncle est le pire ennemi du régime et ses cousins lui volent le précieux sésame qui lui aurait ouvert les portes du palais.
Cendrillon un peu modernisé (quoique) et plongé au cœur d’une dictature tenue d’une main de fer et depuis des générations par des femmes, « Jacky » est une satire courageuse et bien pensée du monde actuel et en particulier des régimes dictatoriaux des pays d’islam (mais pas que), de ceux qui vantent leur conscience de la démocratie pour mieux y interdire les libertés publiques, notamment celle d’expression.
Riad Sattouf est mi-syrien, mi breton, ce qui lui donne une liberté de vision et de ton inégalée dans notre cinéma français. Une crédibilité aussi. Sa tentative de décrire ainsi une réalité sordide et sur laquelle on ferme les yeux n’en est que plus inquiétante.
En faisant la fine bouche, sa parodie n’est pas complètement exempte de défauts (la toute fin par exemple est maladroite). Il n’empêche qu’elle a le mérite de monter l’ignominie de ces dictatures et la manière dont elles fonctionnent toutes : en s’appuyant sur des croyances idiotes (celle du chevalin), sur une armée solide (arbitraire et corrompue), sur la peur des populations et sur leur abrutissement.
Il montre aussi le formatage des contes de fées (celui de Cendrillon, ici) et la manière dont ils prédéterminent le rôle de chacun et de chacune. En le glorifiant, bêtement et sans aucune imagination, ni esprit de rébellion.
Finalement, avec sa comédie quasi moyenâgeuse (le vocabulaire inventé et la manière de parler sont à cet égard une trouvaille), Riad Sattouf vise en plein dans le mil : en pleine folie suicidaire syrienne et en plein retournement réactionnaire de la société française, contaminée par toutes les théories de repli les plus relou, la fameuse théorie du genre n’étant pas la moindre. Difficile d’être plus en phase… Réjouissant !
2013 – France – 1h30
A venir une interview d’Anne-Dominique Toussaint, la productrice de Riad Sattouf.
©Les Films des Tournelles
Wajma a 20 ans, elle est étudiante en droit et belle comme un coeur. Mustafa lui fait une cour appuyée. Elle finit par se laisser faire, tombe enceinte. Il refuse de l’épouser. Rien de bien grave, en apparence. Mais, Wajma habite à Kaboul en 2013. Qu’elle ait eu une attitude « aussi irresponsable » va sceller à jamais son destin.
Pour son deuxième film, Barmak Akram, afghan de naissance et français d’adoption, diplômé de la prestigieuse école de cinéma, la Femis, choisit un sujet difficile, révoltant. Mais, il choisit de le traiter d’abord avec une certaine légèreté – le flirt est d’ailleurs vraiment bien filmé, mettant en scène autant le trouble suscité chez Wajma par les sentiments affichés de Mustafa et la manière dont elle cédera à leur désir-. Puis, dès que le père de la jeune fille intervient, la caméra devient plus lourde, plus attendue aussi et donc moins intéressante.
Le réalisateur parvient toutefois à montrer toute la violence subie par cette jeune femme de la part des hommes, qu’il s’agisse de son père ou de son petit ami. Ce que vit Wajma est évidemment intolérable, inacceptable et pourtant, son destin ne semble offusquer personne. Même pas sa mère, qui a averti le père en sachant probablement comme il se comporterait, à peine sa grand-mère qui finit par lui apporter à manger et un peu de chaleur quand la jeune femme sera mis au ban, de sa famille, comme de la société.
Au nom de l’honneur, tout est accepté et paradoxalement, c’est la police, la force de la loi qui finira par protéger une famille régie par des traditions occultes alors qu’elle semblait vivre avec son temps, puisque Wajma est autorisée à suivre des études ou à utiliser un téléphone portable par exemple.
Outre son sujet, crucial aujourd’hui, l’autre intérêt du film, c’est qu’il a été financé et tourné entièrement en Afghanistan. On observe donc comme s’organise la vie d’une famille afghane derrière les murs et les portes fermées de la maison, conçue en plusieurs petits bâtiments qui ont chacun leur fonction et qui sont répartis autour d’une courette.
A d’autres moments, on perçoit comment s’organise la vie sociale afghane, qui mixte les traditions les plus fortes et une certaine modernité. Enfin, on y perçoit l’extrême rigueur du climat hivernal, la neige, ainsi que la magnifique localisation de Kaboul, ville rarement filmée à part dans les JT, au pied d’une majestueuse chaîne de montagnes, enneigées en hiver. magnifique.
Ce film a eu les honneurs de l’Acid, à Cannes 2013, et du Festival de Sundance 2013 où il a remporté le prix du meilleur scénario.
2013 – Afghanistan/France – 1h26
Les autres sorties 27 novembre critiquées par cine-woman :
Un travelling sur une allée parisienne bordée d’arbres… En un seul plan, on devine qu’un grand réalisateur est aux commandes. On suit ainsi sans rien en voir Roman Polanski se glisser jusqu’à l’entrée d’un théâtre parisien. Une double porte s’ouvre toute seule, sur une pancarte bricolée annonçant une audition. Au loin, dans la salle, un metteur en scène (Mathieu Amalric) se lamente au téléphone de n’avoir pas trouvé de sa journée ratée. Aucune comédienne n’a été à la hauteur de ses attentes pour jouer dans sa pièce, La Vénus à la fourrure, inspirée d’un roman de Sacher-Masoch.
Arrive alors Vanda (Emmanuelle Seigner), une inconnue vulgaire et sans gêne, qui, en plus du prénom de l’héroïne, prétend posséder le rôle sur le bout des doigts. Elle est très en retard. Il se méfie. Elle le poursuit et finit par lui prouver, accessoires à l’appui et texte appris au cordeau, qu’elle est bien la Vanda qu’il attend.
Mais, Vanda n’est pas un rôle comme un autre : c’est celui d’une jeune femme apparemment sans histoire, qui se révèlera une redoutable séductrice de l’homme à qui elle s’adresse. Un étrange rapport de séduction/ domination/soumission se met en place entre Vanda et le metteur en scène, qui finit par lui donne la réplique. Mais, est-ce toujours du théâtre ?
Dans un décor unique (une salle de théâtre, de la partie publique aux coulisses) et avec en tout et pour tout, seulement deux acteurs, Polanski réussit la prouesse de bousculer les codes du cinéma et de la séduction. Le texte magnifique mériterait d’être écouté plusieurs fois. Un jeu étrange s’installe entre ce que l’on voit, ce qui est joué, ce que l’on sent et ce que l’on sous-entend. Le jeu des acteurs (même si Emmanuelle Seigner est un peu énervante au début) est sidérant. Elle parvient, grâce à sa plastique parfaite, sexy et un réel pouvoir de séduction, à instaurer un trouble palpable aussi bien chez le spectateur que chez le partenaire/metteur en scène qui lui fait face.
Avec si peu de moyens, ce nouveau film de Polanski, le second adapté du théâtre après « Carnages » et nettement plus réussi, prodigue un maximum d’effets. Une véritable leçon de séduction porté par un texte d’une intelligence et d’une sensualité torride. Brillant !
2013 – France/Pologne – 1h35
Les autres films du 13 novembre chroniqués sur cine-woman :
Albert Einstein aurait dit que si l’abeille disparaissait du globe, l’homme n’aurait plus que quatre années à vivre. Sans envisager une échéance aussi radicale, ce documentaire suisse tente justement d’établir un bilan sur la situation des abeilles dans le monde.
Et il est catastrophique : entre 50 et 90% des abeilles ont disparu depuis 15 ans sans réelle explication. Or, un tiers de ce que nous mangeons nécessite leur intervention, puisque les fruits et légumes n’existent que par la pollinisation. Nous avons donc besoin des abeilles, c’est ce qu’il faut retenir du message brouillon de ce film. En passant d’une exploitation à une autre, en multipliant les exemples et les contre-exemples à travers le monde, on finit par perdre le fil du discours. Car, si l’auteur explique que les abeilles sont vitales, il reconnaît aussi à plusieurs reprises qu’elles sauront muter et s’adapter pour survivre, comme elles l’ont déjà fait au Brésil et aux Etats-Unis, quitte à devenir dangereuses pour l’homme. Restent que les images sont très réussies (on plonge à plusieurs reprises au cœur d’un essaim ou d’une ruche), que certaines situations sont très éloquentes – en Chine notamment, où la pollinisation se fait à la main humaine, fleur par fleur- et qu’il semble y avoir un espoir.
2012 – Suisse – 1h28
En partenariat avec Grains de Sel
La note Cine-Woman : 3/5
Dans une petite station balnéaire un peu ringarde de la côte picarde, une mère et sa fille ont loué un appartement pour passer une semaine de vacances. Dès leur premier séjour à la plage, elles se font brancher par des jeunes mecs du coin. La mère, la quarantaine sexy et séduisante, apprécie tandis que sa fille, adolescente évanescente mais apparemment plus mûre que sa mère, se méfie. Toute la semaine va se dérouler ainsi : la mère est quasiment prête à tout pour les bras d’un homme, sa fille reste plus discrète et plus exigeante. Sylvain, leur propriétaire, échangerait bien son quotidien pour partager quelques instants avec une femme. N’importe laquelle…
Un monde sans femmes, c’est d’abord et avant tout, l’incapacité d’un homme à partager l’amour. Le film (un moyen métrage) est d’ailleurs précédé d’un court-métrage, Le naufragé, bien meilleur, où l’un des personnages principaux interprété par le même Vincent Macaigne, joue le même rôle. Celui d’un homme mal dégrossi mais gentil, maladroit avec les femmes qui compense en bouffant, en jouant aux jeux vidéos… Mais, c’est aussi le désespoir d’une femme en permanence dans le registre de la séduction que consomme les hommes sans s’y attacher. Le constat est cruel, le film beaucoup moins. Sans la légèreté d’un Rohmer, il traite aussi de la ronde de l’amour sans pesanteur. On l’attend dans un prochain film sur la longueur… A noter: Vincent Macaigne, l’interprète des deux courts-métrages, vient de remporter le Grand prix du Festival International de Clermont-Ferrand, avec Ce qu’il restera de nous, dans un registre plus violent.
2011 – France – 58 mn et 2009 – France – 24 mn
La note Cine-Woman : 1/5
Encore un film sur le divorce, vu du point de vue du père cette fois-ci. Ou comment un mari et père perd sa femme, sa famille et son boulot quand son associé se met en ménage avec son ex-épouse. Commence alors la longue reconquête du goût de vivre, de la reconstruction d’abord auprès de ses enfants qu’il héberge un weekend sur deux puis pourquoi pas auprès d’une nouvelle compagne.
Ici, on assiste à tout. A la dépression qui suit la rupture, à la reconquête de la dignité d’un homme à terre, à son entêtement à ne plus s’autoriser à être heureux jusqu’au jour où… Sans aucune surprise toutefois, si ce n’est que pour une fois, la victime est un homme, interprété par un Thierry Neuvic étalant son malheur et ses mauvaises humeurs sans inspiration. Pour le reste, Louis Becker, le réalisateur de ce film revendiqué comme faussement autobiographique, enfile les scènes attendues les unes derrière les autres. Jamais on ne doute qu’une femme scellera à nouveau son destin au sien. A voir si on a besoin de se réconforter en confrontant son expérience à la sienne, ou bien par compassion, pour se dire qu’un homme peut être détruit par une histoire de couple qui finit mal. Mais ça, on le savait déjà.
2010 – France – 1h30