Nahid
Dans Nahid, la jeune réalisatrice iranienne Ida Panahandeh aborde l’amour contrarié d’une femme divorcée pour un homme veuf. Un premier film subtil, très réussi.
Dans Nahid, la jeune réalisatrice iranienne Ida Panahandeh aborde l’amour contrarié d’une femme divorcée pour un homme veuf. Un premier film subtil, très réussi.
The Tribe est un film comme vous n’en avez jamais vu, une expérience incroyable, puissante, sombre aussi, dure, très dure. Mais, pour une fois, impossible de se perdre en conjectures : le film est visuel, totalement visuel et pourtant complètement parlant.
The Tribe, la tribu, le clan, est un huis-clos ouvert sur un monde qui nous est fermé : celui des sourds-muets. Un jeune garçon, qu’on appellera Sergueï, arrive dans un internat spécialisé pour y vivre.
On est en Ukraine, dans une partie austère de Kiev, un quartier typique de ces villes de l’Est, aux immeubles en piteux état, aux couleurs froides où l’on sent que n’importe quoi peut y arriver. Sans état d’âme.
Sergueï débarque et doit trouver sa place dans cet établissement aux codes bien établis : un groupe a imposé son diktat, organise trafics en tous genres, prostitution, et fait régner son ordre à grands coups d’humiliations ou de claques dans la gueule.
Bref, pour gagner ses galons, sa place ou plus simplement un lit pour dormir, Sergueï doit le mériter. Il est costaud, Sergueï et suffisamment intelligent pour s’imposer. Mais, c’est aussi un cœur sensible, va tomber amoureux d’Anna, une jeune ambitieuse qui se prostitue et envisage un avenir meilleur, à l’Ouest.
Une histoire d’amour adolescente dans un contexte différent, ce n’est que ça The Tribe. Pas du tout ! Car, en plus d’être frontal, dur, de n’esquiver à l’image aucune des épreuves que subissent ces jeunes gens et même les plus insupportables, – une scène d’avortement filmé en plan séquence, plein cadre et qui dure un temps infini, est un vrai choc – , le film est entièrement muet, en langage des signes et sans aucun sous-titres.
Du coup, on ne le comprend que par l’image et par quelques bruitages. D’ailleurs, même si les protagonistes sont très bavards (mais, à moins de comprendre le langage des signes, rien n’est compréhensible), leur monde est incroyable feutré, plus que dans la réalité où les signe s’accompagnent souvent d’onomatopées, de claquements de langue, de doigts, de soupirs, bref de bruits corporels que le réalisateur n’a pas gardés.
Autre bémol, mineur mais réel, certains plans séquences, notamment sur des conversations dont on comprendra la teneur plus tard, sont longs, très longs.
Sombre, noir, violent, The Tribe, premier film signé Myroslav Slaboshpytskiy, n’en reste pas moins une expérience très forte, inédite. Un coup de poing sans concession, un coup de force qui a lui a valu de remporter le Grand Prix Nespresso, le prix Révélation France 4 et l’aide de la Fondation Gan à la Semaine de la critique de Cannes 2014, et une superbe carrière en festival.
2014 – Ukraine – 2h12
Arman (Vincent Macaigne) n’a jusqu’à présent pas fait grand chose de sa vie : les beaux–arts à Bordeaux, des petits boulots à Paris et des histoires un peu foireuses avec des filles trop belles pour lui. A 33 ans, il décide de prendre son destin en main. Première résolution : il fera régulièrement du jogging. C’est là qu’au détour d’un chemin, il rencontre pour la première fois Amélie. Elle est jolie, travaille dans une galerie et est aussi un cœur isolé.
A raison d’une succession d’événements annoncés par un carton noir souvent amusant, Sébastien Betbeder raconte l’histoire qui va lier Arman et Amélie. Une histoire d’amour originale, parsemé d’événements gravissimes et d’anecdotes beaucoup plus légères qui, ensemble, donnent un drôle de ton au quatrième long métrage du réalisateur.
Très ancré dans la réalité des trentenaires d’aujourd’hui, il prône en même temps une sorte de sentimentalisme et de romantisme d’un autre âge. En filmant ses acteurs face caméra, lorsqu’ils expriment leurs sentiments, leurs réflexions, il semble que le réalisateur ait voulu à la fois offrir un témoignage emprunt de réalisme et en même temps dessiner une romance avec ses hauts et ses bas, sans toutefois se laisser porter par l’emballement des émotions. Du coup, on reste entre deux états, à distance et sans réelle empathie ni pour les personnages, pourtant bien portés par les acteurs (quoique ce serait bien de voir Vincent Macaigne dans un autre registre que l’amoureux loser bavard, gentil mais un peu maladroit, l’adolescent éternel au physique négligé) ni pour leur histoire. C’est dommage.
2013 – France – 1h30
On ne vit l’extraordinaire que par amour. A la fin des années 1970, Alain rencontre Jasmine, une jeune iranienne qui étudie en France. En 1978, elle se décide à rentrer à Téhéran, juste au moment où le peuple iranien se soulève contre le Shah et son régime tyrannique.
Une épisode d’espoir qu’Alain va vivre intensément. Il a rejoint Jasmine, habite au cœur de la capitale iranienne et regarde les habitants se battre pour un régime politique meilleur. Ils en appellent à Khomeiny, pensant que celui-ci les libérera du joug de la dictature. Quand Alain comprend que la libération annoncée va devenir une nouvelle aliénation, il fuit Téhéran, sans parvenir à convaincre Jasmine de le suivre. Il n’aura bientôt plus aucune nouvelle.
Ce film est étrangement construit : il progresse au gré d’images d’archives d’actualité, de la lecture des superbes lettres d’amour que Jasmine a envoyées à Alain avant qu’il ne la rejoigne à Téhéran et une fois qu’il en est revenu. Et aussi par la voix off qui incarne Alain, au gré de ses réflexions et des détails qui sont nécessaires à la compréhension de cette histoire.
Mais, leurs personnages prennent corps dans de drôles de bonhommes en pâte à modeler qui parviennent certes, à exprimer certaines émotions mais qui sont tellement schématiques, désincarnées qu’il devient difficile de s’y attacher. Bleus sont les Iraniens, beige est Alain. Ils se meuvent dans une ville complètement factice faite de polystyrène.
Le décalage constant entre les magnifiques émotions décrites dans ses lettres par Jasmine et l’aspect très conceptuel de la mise en scène de cette histoire d’amour est finalement malhabile. Peut-être que le dessin aurait été plus approprié.
Prenant place dans un contexte difficile, contrariant de la Révolution Islamiste iranienne, portée par des sentiments extrêmement forts et nobles, et par des voix très judicieusement choisies – Jean-Pierre Darroussin pour Alain, et Fanzaneh Ramzi pour Jasmine – cette histoire d’amour avait tout pour être bouleversante. Sa forme trop conceptuelle, pas assez charnelle en refroidit l’ardeur. Dommage…
2013 – France – 1h10
Les autres sorties du 30 octobre traitées par cine-woman :
©Shellac et ©Alhambra-Amélie Debacker