Ma mère est folle
Diane Kurys (Diabolo menthe, Cocktail Molotov…) revient pour son 14e long-métrage avec Ma mère est folle. Qu’attendre d’un film au titre si fédérateur ?
Diane Kurys (Diabolo menthe, Cocktail Molotov…) revient pour son 14e long-métrage avec Ma mère est folle. Qu’attendre d’un film au titre si fédérateur ?
Avec Louise Wimmer, Cyril Mennegun avait tout raflé : un César, le prix Louis Delluc, un Prix Lumière… Ce ne sera pas le cas avec La consolation, son second opus, un film vide sur le vide.
Raconter Cousteau, c’est raconter le Français qui fut le plus connu au monde avant d’être à peu près oublié aujourd’hui. C’est pourtant l’ambition de L’Odyssée, le biopic paradoxal que Jérôme Salle lui consacre.
Spartacus et Cassandra sont deux enfants Rom mal paris mais qu’une main tendue va sauver. Un documentaire sensible et pertinent, hors clichés.
Le film commence par une fuite. Une mère, manifestement angoissée, attend avec impatience que le père quitte le terrain vague où ils sont installés, dans une caravane. Dès que la voiture disparaît, elle court à perdre haleine avec ses trois fils pour prendre un train. Elle fuit, la peur au ventre.
A juste titre, car Paco, le père de deux de ses enfants va s’arroger des droits qu’il n’a pas. Et cela sans aucune discussion possible. La preuve : ses fils, il va les kidnapper et les faire vivre dans la clandestinité et dans la précarité pendant 11 ans. Onze longues années durant lesquelles ils ne seront jamais plus en contact avec leur mère, ni avec sa famille, ni même avec la société… Et cela au mépris des décisions de justice qui le condamnent.
Cédric Khan prend plaisir à filmer cette longue errance, cette vie sauvage comme il l’appelle. Paco, en rupture totale avec notre société de consommation, s’y connaît en arbres, en plantes, en survie à l’état sauvage. Il aime la promiscuité avec les animaux, partager avec eux son logis, sa nourriture, il a peu de besoin si ce n’est de refuser le monde tel qu’il est.
Ses deux fils auront donc le même mode de vie que lui, et cela sans discussion possible : pas d’école, presque pas d’habits, peu d’objets personnels, pas d’amis non plus… mais, ils seront éduqués, par Paco lui-même : ils sauront lire, compter etc… Penser est un autre défi. Car, Paco déteste la contradiction. Dès que ses fils seront en âge de se rebeller, d’aspirer à une vie plus normale, d’être amoureux aussi, cet idéal de vie commencera à se fendiller.
On connaît la fin puisque ce film est adapté d’un fait divers de 2008, vécu par la famille Fortin. Le père sera dénoncé, les fils retrouveront furtivement leur mère, ils refuseront qu’elle porte plainte, le père sera très peu condamné, les fils continueront à le défendre. Ce qui reste un vrai scandale judiciaire.
Cédric Kahn refuse de prendre parti. Selon ses dires, il a lu les deux livres parus en même temps, celui écrit par la mère, et celui écrit par le père et ses fils. Fasciné par la cavale, il déclare avoir voulu adopter le point de vue des fils. Ce qui revient inévitablement, puisqu’ils n’ont pas revu leur mère pendant 10 ans, à prendre celui du père.
En les élevant dans la nature, sans lien avec la société, sans autre opposition que le vent qui souffle, la pluie qui tombe, le froid qui perce, ou le soleil qui tape, le père les a fait grandir sans jamais leur proposer une alternative à leur mode éducatif, sans contradiction possible. Il imposait, eux disposaient, n’avaient au final aucun moyen de s’opposer, de se défendre.
Ce père est un tyran, non pas parce qu’il est marginal mais parce qu’il impose son point de vue, avec agressivité comme le montre une des rares scènes de confrontation qu’il a avec son ex-femme devant un juge. Dès qu’elle conteste, dès qu’elle exprime une autre idée, ou tout simplement son ras-le-bol de la vie errante, il hurle, n’écoute jamais et impose sa loi.
Malgré les qualités qu’il peut avoir – l’énergie typique de la mise en scène de Cédric Kahn, la beauté avec laquelle il filme la nature, la puissante prestation de Mathieu Kassovitz, toujours très bon acteur -, ce film est une aberration. Il fait l’apologie d’un hors-la-loi, d’un tyran domestique qui a complètement embrigadé ses fils dans son idéal de vie à lui, au mépris de leurs goûts et de leurs personnalités.
Ses enfants sont dressés, imprégnés, n’ont aucun libre-arbitre comme ils l’auraient été s’iles avaient grandis dans une secte. Si cela avait été le cas, nul doute que Cédric Kahn n’aurait certainement pas fait un film sur eux, surtout pas en adoptant leur point de vue. Car, le seul qui vaille dans cette histoire est celui de la mère.
Sur le même fait divers, un film, La belle vie, est déjà sorti en avril. Et justement, s’il magnifiait lui aussi la vie sauvage, il traitait plus directement de la tyrannie du père, de sa manipulation, de sa folie et surtout de sa mise en échec par la jeune amoureuse de son second fils et par la poésie qu’il s’en dégageait. Un juste retour des choses…
2014 – France – 1h46
© Carole Béthuel
Mommy de Xavier Dolan est un film bourré de talents et d’émotion. Un film qui terrasse et bouleverse jusqu’à l’os. Bravo !
Peut-être vous souvenez vous de ce fait divers, l’affaire Fortin. Deux frères de 18 et 16 ans ont été retrouvés en 2009 en Haute-Ariège après une cavale de 11 ans auprès de leur père. Celui-ci ne les avait jamais rendu à leur mère après des vacances et personne n’avait depuis retrouvé leur trace.
Le premier film de Jean Denizot imagine justement leur sortie de la vie clandestine. Quand et comment ont-ils pu, dû échappé à la vigilance, à l’autorité, à la manipulation de leur père ?
Doucement, selon lui, et c’est l’amour et/ou la sexualité qui décidera de leur sort. Le fils aîné disparaît assez tôt du récit, tandis que le jeune frère, dans une ultime tentative de sauver son père (qui se sait condamné par la justice), va devoir attendre de tomber amoureux pour enfreindre la loi paternelle. Perdue pour une femme (leur mère) mais aussi sauvée par elles (leurs amoureuses).
Road-movie clandestin et campagnard, ce film brille surtout par une prise de vues superbe, qui magnifie constamment les paysages traversés, qu’il s’agisse des Pyrénées ou des bords de Loire.
Les acteurs peu connus, Zacharie Chasseriaud, Solène Rigot, Nicolas Bouchaud, sont eux aussi remarquables, mais c’est quand même l’ode à la nature qui démarque ce film de la production habituelle.
2013 – France – 1h33
Mariana Rondon, artiste plasticienne et cinéaste, est à ce jour la plus grande représentante du cinéma du Venezuela actuellement en pleine ébullition, la seule de réputation internationale (cf. interview d’Erick Gonzalez, le programmateur des Rencontres ciné-latino de Toulouse).
« Pelo Malo », littéralement « mauvais cheveux », expression locale pour désigner les cheveux frisotés, mal vus, est son troisième long métrage. Il a fait le tour des festivals internationaux jusqu’à récolter la Concha d’or à Saint Sébastien en septembre 2013.
Pelo Malo désigne donc les cheveux de Junior, un adorable garçonnet de 9 ans, qui vient de perdre son père. Il vit donc avec son petit frère, un bébé, et sa mère qui cherche à récupérer son travail dans la sécurité.
Mais, au Venezuela, la situation économique est complexe, et les rapports familiaux aussi. Surtout quand on habite, comme Junior et sa mère, dans une cité délabrée, assez loin du centre-ville.
Junior veut des cheveux raides. Sa mère refuse qu’il soit si apprêté, toujours en train de se regarder et de se coiffer. Maintenant que le père est mort, elle pense que c’est à Junior de devenir l’homme de la famille. Et elle sera capable de tout, même de ne plus aimer son fils pour qu’il obtempère.
Pelo Malo est un film dur, sans concession, qui décrit comment un accident de la vie peut avoir pour conséquence immédiate de modifier la construction identitaire d’un être, dans une souffrance réelle et alors, même que celle-ci n’est pas entendue.
Junior a tout pour plaire et notamment les errances et les plaisirs de son jeune âge. Sa mère, malheureuse, le pousse à des responsabilités trop grandes pour lui et à une castration affective qui ne pourra que lui laisser des traces. Et pourtant, elle n’est pas responsable, juste perdue, délaissée, sans argent, trop seule pour avoir la clairvoyance de ne pas rejeter sur son fils, ces manques qui lui sont cruels.
A côtés d’un duo d’acteurs formidable – le jeune Samuel Lange est à la fois charismatique, beau et hyper sensible -, ce film dresse un constat très critique de la vie quotidienne à Caracas, réputée une des villes les plus dangereuses au monde, où les règlements de compte sont légion, la pauvreté galopante et les droits sociaux inexistants. Et cela, sans que jamais cette fiction ne soit un réquisitoire ni politique, ni économique…
2013 – Venezuela – 1h33
Champion olympique, Prix Nobel de physique, businessman avisé, M. Peabody a tous les talents. Depuis le plus bel appartement de New York où il réside, il s’est donné un nouveau défi : devenir père. Et ce n’est sans doute pas ce qu’il a surmonté de plus facile.
Sherman, son fils, n’est pourtant pas un enfant très difficile. Mais, M. Peabody est un chien… Heureusement, la machine à voyager dans le temps qu’il a conçue va les aider se retrouver.
Adapté d’une série télévisée américaine des années du début des années 1960, « M. Peabody et Sherman » est un dessin animé complètement délirant. Non seulement le héros est un chien savant, plus qu’intelligent et en même temps bien plus humain qu’il n’y paraît, mais sa machine à explorer l’espace-temps les emmène, son fils et lui, dans des aventures très drôles.
Ca commence par une relecture de la Révolution Française et de la Terreur qui devraient réconcilier avec l’histoire, même les enfants les plus récalcitrants. Pour ceux qui manient l’anglais aisément, n’hésitez pas à voir le film en VO, car les dialogues sont bourrés de jeux de mot difficilement traduisibles en français.
2013 – Etats-Unis – 1h 27
En partenariat avec Grains de Sel
Une femme, la soixantaine bien tenue, Cornelia, se plaint. Son fils unique, Barbu, la tient à distance, loin, le plus loin possible de lui, surtout depuis qu’il s’est mis en ménage avec une mère célibataire. Elle prétend n’avoir que lui et bien qu’il soit sans intérêt ou à peu près, elle ne jure que par lui et veut absolument jouer un rôle de premier plan dans sa vie.
Quand Barbu a un accident de voiture qui provoque la mort d’un adolescent, Cornelia y voit aussitôt une manière de s’imposer à nouveau dans la vie de ce fils, chauffard (il roulait beaucoup trop vite).
Pitcher ce film est un risque, celui d’être dix fois plus explicite que ne l’a voulu le réalisateur Calin Peter Netzer, talent émergent de la nouvelle vague roumaine. Car de démonstration, de sermon appuyé, il n’y en a point dans cette chronique dramatique d’une famille aisée de la Roumanie post-Ceaucescu.
C’est un des premiers intérêts de ce film déroutant et émouvant. Il dresse un portrait sans concession des classes privilégies roumaines. Le père de Barbu est chirurgien, sa femme décoratrice a choisi de ne plus travailler, mais leur réseau est influent et ils ont de l’argent. Suffisamment pour limiter la condamnation de leur fils, pour tenter de corrompre des témoins, pour en proposer aux parents du défunt, bref pour faire à peu près n’importe quoi et se sentir au-dessus des lois, des autres…
Ce qui a le don d’exaspérer Barbu. Lui aimerait bien avoir une certaine droiture, mais il en est incapable, anéanti dans ses moindres désirs, ses moindres initiatives par une mère sur-protectrice. Le pire c’est qu’il paie au prix fort une attention que mériterait son père, si sa mère n’avait pas fait abstraction de sa vie de femme.
En navigant ainsi au plus près des réactions des uns et des autres, on saisit par touche la manipulation dont est capable cette mère déterminée et dynamique, prête aussi bien à s’humilier un moment pour mieux reprendre des forces et de l’entregent afin de s’imposer plus tard, sous prétexte d’agir pour le bien d’autrui.
Et pour mieux montrer l’étau dans lequel se retrouve ce grand fils, sans grande personnalité, qui a beau reproché mais n’est jamais entendu, Calin Peter Netzer a choisi de ne pas lâcher d’une semelle cette mère qu’il filme au plus près, affirmant sans relâche qu’elle est le cœur du problème et qu’elle ne laisserait sa place pour rien au monde.
Plusieurs scènes sont à cet égard particulièrement vibrantes : celle où Cornelia décide d’affronter sa belle-fille qui finit par lâcher prise et raconter une intimité qui ne la regarde pas, celle finale où elle rend visite aux parents endeuillés, devant la douleur desquels elle ne parvient même pas à s’effacer, toute obnubilée qu’elle est par son malheur à elle. On dirait ma mère…
Bravo à Calin Peter Netzer d’être ainsi parvenu à filmer l’indicible, avec intelligence et retenue. Ce talent lui a d’ailleurs valu d’être sacré Ours d’Or et prix Fipresci à Berlin en 2013. Luminita Gheorghiu, qui joue Cornelia, n’aurait pas volé non plus le prix d’interprétation féminine, revenu à la chilienne Paulina Garcia, pour Gloria de Sebastian Lelio.
2013 – Roumanie – 1h52
©cos-aelenei