Peut-on aller voir un film juste sur son affiche ? Et pourquoi pas, après tout ? Celle de « L’étrange couleur des larmes de ton corps » est magnifique, en rupture complète avec les codes habituels.
Visuel et sonore
Dans une esthétique Art Nouveau, une blonde torse nu tient un tout petit homme dans sa main. Et c’est toute l’histoire de ce film ou plutôt de cette expérience visuelle et sonore.
Ici, pas de narration ou presque. Un homme revient d’un voyage d’affaires. Il pense retrouver sa femme mais elle a disparu. Sans laisser de trace et sans que l’appartement, fermé de l’intérieur, n’ait été visité. L’homme commence son enquête, mais ce sont bientôt le passé de l’immeuble et ses démons intérieurs qui vont prendre le pas sur sa quête.
Fantastique expérimental belge
Dans la veine du cinéma fantastique expérimental, « L’étrange couleur des larmes de ton corps » est une expérience unique, éprouvante qui vaut surtout et avant tout par les décors qu’elle met en scène : une série d’appartements Art nouveau, dont regorge Bruxelles (et pas Paris), une architecture noueuse (on parle de style Nouilles), luxuriante mais dont l’aspect très décoratif serait une sorte de couverture pour dissimuler l’inavouable (mais quel est-il d’ailleurs?)
De même, les réalisateurs ont accordé une attention toute particulière à la bande originale. Beaucoup plus qu’à la lisibilité de leur histoire et de leur propos. Ici, l’enveloppe vaut plus que ce qu’elle contient. Mieux vaut le savoir.
De Bruno Forzani et Hélène Cattet, Klaus Tange, Sam Louwyck, Sylvia Camarda, Anna d’Annunzio…
Joseph et Catherine (Yvan Attal et Charlotte Gainsbourg) sont mari et femme et projettent d’avoir un enfant ensemble. Mais, le passé de l’un est trop lourd et le regard de l’autre trop violent.
Quête (ir)rationnelle
Soudain, Catherine disparaît. Joseph retrouve finalement sa trace en Inde, au sein de la communauté tamoule quand une de ses anciennes connaissances prétend être « possédée » par elle.
Film à cheval entre deux continents et deux cultures complètement différentes, « Son épouse » est l’histoire d’une quête, celle d’un mari qui cherche à retrouver sa femme, une quête à priori rationnelle mais qui bascule dans un monde fantasmagorique.
La fascination de l’Inde
Michel Spinosa, manifestement bouleversé par sa rencontre avec l’Inde et la manière dont on y traite les malades mentaux et ceux qui se disent possédés par des esprits, a donc cherché un moyen d’y faire un film qui respecte la culture indienne tout en ayant un écho ici. Il s’accroche donc à cette histoire d’un couple en souffrance dont la séparation brutale et radicale mène de la campagne française à la côte du Tamil Nadu.
Est-ce intéressant ? A part la partie quasi documentaire où Spinosa filme les centres où sont attachés et « traités » les malades – ce qu’il fait d’ailleurs très bien, sans jugement et avec un regard plutôt bienveillant- l’histoire d’amour de Joseph et Catherine est tellement ténue, sans émotion ni enthousiasme qu’il est très difficile de se sentier concerné par ce qui leur arrive.
Comment souvent chez lui, Spinosa part d’une idée intéressante – l’époque bénie où la pilule était autorisée et le sida inconnu dans « La Parenthèse enchantée » ou l’érotomanie d’une femme dans « Anna M. » – mais il traite le sujet platement, sans fougue, sans relief comme s’il refusait de se confronter à des émotions trop fortes, celles qui semblent l’intéresser pourtant au départ. Sauf qu’ici, le sujet, même s’il est étonnant, n’est pas forcément enthousiasmant. Un documentaire aurait sans doute été plus judicieux…
De Michel Spinosa, avec Yvan Attal, Charlotte Gainsbourg, Mahesh, Janagi…
Si l’héroïne ne s’était pas appelée Veronica, jamais je serai allée voir ce film. Dommage! Car il vaut bien plus que le prénom de la jeune femme dont il dresse un portrait inédit.
Du sexe
Veronica aime baiser, à 2 ou à plusieurs. peu importe avec qui et peu importe le nombre. Elle aime aussi la mer, la plage de Recife où elle habite, son père avec qui elle vit, ses amies avec qui elle sort. Gustavo, aussi, qui a tout pour lui et serait prêt à faire sa vie avec elle. Pas elle.
Veronica vient d’obtenir son diplôme de psychologue et a trouvé un emploi dans un hôpital. Ce nouveau travail, ses responsabilités, la maladie de son père devraient la pousser à changer de vie. Mais, non, Veronica ne veut pas renoncer à sa liberté, à ses pulsions sexuelles, à son libertinage. Aimer, elle n’en est pas capable, mais baiser en revanche lui fait un bien fou…
Et peu d’amour
Rarement, un tel sujet est abordé de cette manière, à la fois simple et frontale. Veronica n’a rien d’une fille volage, écervelée, légère. Elle est brillante, intellectuellement épanouie (elle réussit un examen très difficile et aura même une promotion rapide), un peu dépendante affective de son père qui l’a élevée seul et en manque de certains repères. Quoique…
Ce qu’elle fuit surtout et avant tout, ce ne sont même pas les responsabilités, mais plutôt l’engagement et les conventions sociales. Le sexe la rassure, calme ses angoisses alors que l’amour la mettrait en danger. Et ce qui est vraiment intéressant dans ce portrait tout en finesse de cette génération individualiste et libérée, c’est justement la rupture avec la tradition qui voudrait que sa démarche soit plus masculine que féminine.
Portée par Hermila Guedes, une actrice intrigante, qui parvient à se montrer aussi adulte qu’immature, aussi déterminée qu’incertaine, cette histoire simple met l’accent sur une évolution significative des moeurs sans jugement aucun mais avec la nécessaire remise en cause qu’elle provoque. Ici, aujourd’hui, ou à là-bas à Recife. Dans la société comme dans nos têtes.
De Marcelo Gomes, avec Hermila Guedes, W.J Solha, Joao Miguel, Renata Roberta…
Le monde serait-il différent s’il été dirigé par des femmes ? Riad Sattouf (Les beaux gosses) prétend que non, mais en s’amusant à détourner le rôle traditionnel que jouent les deux sexes, il livre une parodie acerbe du pouvoir dans les pays musulmans et du sexisme culturel (donc ordinaire).
Homme au foyer et à touiller
Jacky (Vincent Lacoste) est comme tous les garçons de son âge. Il est cantonné au foyer à touiller la bouillie. Son rêve ? Aller au grand bal de la Bubunerie pour rencontrer l’héritière dont il est amoureux depuis toujours. Mais, l’accès au bal n’est pas donné à tous et lui a un casier particulièrement chargé : il est pauvre, sa mère meurt, son oncle est le pire ennemi du régime et ses cousins lui volent le précieux sésame qui lui aurait ouvert les portes du palais.
Cendrillon un peu modernisé (quoique) et plongé au cœur d’une dictature tenue d’une main de fer et depuis des générations par des femmes, « Jacky » est une satire courageuse et bien pensée du monde actuel et en particulier des régimes dictatoriaux des pays d’islam (mais pas que), de ceux qui vantent leur conscience de la démocratie pour mieux y interdire les libertés publiques, notamment celle d’expression.
Parodie réjouissante
Riad Sattouf est mi-syrien, mi breton, ce qui lui donne une liberté de vision et de ton inégalée dans notre cinéma français. Une crédibilité aussi. Sa tentative de décrire ainsi une réalité sordide et sur laquelle on ferme les yeux n’en est que plus inquiétante.
En faisant la fine bouche, sa parodie n’est pas complètement exempte de défauts (la toute fin par exemple est maladroite). Il n’empêche qu’elle a le mérite de monter l’ignominie de ces dictatures et la manière dont elles fonctionnent toutes : en s’appuyant sur des croyances idiotes (celle du chevalin), sur une armée solide (arbitraire et corrompue), sur la peur des populations et sur leur abrutissement.
Il était des fois…
Il montre aussi le formatage des contes de fées (celui de Cendrillon, ici) et la manière dont ils prédéterminent le rôle de chacun et de chacune. En le glorifiant, bêtement et sans aucune imagination, ni esprit de rébellion.
Finalement, avec sa comédie quasi moyenâgeuse (le vocabulaire inventé et la manière de parler sont à cet égard une trouvaille), Riad Sattouf vise en plein dans le mil : en pleine folie suicidaire syrienne et en plein retournement réactionnaire de la société française, contaminée par toutes les théories de repli les plus relou, la fameuse théorie du genre n’étant pas la moindre. Difficile d’être plus en phase… Réjouissant !
De Riad Sattouf, avec Vincent Lacoste, Michel Hazanavicius, Charlotte Gainsbourg, Anémone, Noémie Lvovstky…
2013 – France – 1h30
A venir une interview d’Anne-Dominique Toussaint, la productrice de Riad Sattouf.
La liberté et l’audace que s’accorde Lulu, on en a toutes rêver! Prendre la tangente sans calcul préalable, ne pas rentrer chez soi pour profiter du temps, du vent, des gens, de soi…
Rébellion féminine
Lulu est mère d’une famille de 3 enfants, exigeants forcément, et épouse d’un homme qui ne la voit plus depuis longtemps. Il la traite comme un meuble. Elle est utile (en gros, elle gère l’intendance familiale, docilement). Et il la veut comme ça. Mais, Lulu a des velléités d’indépendance : elle veut travailler. C’est d’ailleurs à l’issue d’un entretien d’embauche raté qu’elle met les voiles. Tranquillement, en se laissant aller aux rencontres éphémères, mais qui finiront par modifier sa vie.
Le cinéma a aussi vocation à faire rêver, et c’est justement ce qui ne va pas ici. La parenthèse de vie que s’offre Lulu a beau être sympa, elle ne donne pas envie. Pourtant, elle est loin d’être réaliste.
De fil en aiguille
Du coup, les événements se succèdent comme des mini-tranches de vie qui la rapprochent peu à peu du dénouement final, la confrontation avec sa famille, son mari.
Et puis, Lulu est un peu trop godiche, un peu trop cruche, pour qu’on s’attache à son personnage. Et bizarrement, Karine Viard, d’habitude assez subtile dans ses compositions, renforce encore cet aspect-là.
Par touches
Ce qui n’empêche évidemment pas quelques bons moments : le dîner romantique avec Bouli Lanners, la teinture de cheveux avec Claude Gensac… et le final étonnant, différent de la BD dont le film est adapté.
De Solveig Anspach, avec Karin Viard, Bouli Lanners, Claude Gensac, Corinne Maseiro…
De Delphine de Vigan, on connaît surtout (et on aime) les romans – « Les heures souterraines », « Rien ne s’oppose à la nuit » – , ceux portés à l’écran par d’autres – « No et moi » réalisé par Zabou Breitman. Moins son travail pour le cinéma. On lui doit la co-écriture du scénario de « Tu seras mon fils » réalisé par Gilles Legrand.
Performance
La voilà réalisatrice d’une comédie sentimentale qui se veut moderne puisqu’elle aborde frontalement des sujets peu abordés au cinéma, à savoir la performance sexuelle des femmes et leur volonté de s’améliorer « pour devenir le meilleur coup de Paris ».
C’est en tout cas la volonté d’Emma (interprétée par Laurence Arné), une jeune première de la classe qui vient de décrocher un boulot génial de journaliste dans un magazine économique. Elle a tout pour plaire, elle est brillante, très belle, devient très vite la chouchoute du patron. C’est aussi une bombe sur laquelle tous les hommes se retournent… mais qui est une véritable limace au lit. Bref, un super mauvais coup.
De la bombe
Serait-ce donc pour cela qu’à à peine 30 ans, elle est encore célibataire ? Que sa vie est ratée ? Puisqu’Emma est avant tout une bonne élève très consciencieuse, elle va s’appliquer à devenir une bombe sexuelle avant de découvrir que la performance ne vaut rien si elle n’est pas accompagnée d’amour…
On a rarement une comédie plus téléphonée que celle-là. Dès le décor posé, on sait exactement ce qui va se passer d’ici la fin du film et c’est évidemment un handicap sérieux à l’intérêt qu’on lui porte.
Postulat nul
Passons sur les clichés sur la presse (c’est étonnant comment la vie des rédactions de journaux sont filmées de manière édulcorée, fantasmée), sur les définitions très caricaturales des personnages, sur la réalisation très banale de ce film pour aborder le problème de base : comment peut –on partir avec un postulat aussi con ?
La fameuse Emma a beau avoir une confiance en elle relative, avoir été élevée dans le culte de la performance, elle est bien trop intelligente et de son temps, pour avoir cette ambition débile de vouloir être le n°1 du sexe à Paris. Surtout si c’est pour découvrir que quand on aime, on donne plus et mieux.
A sauver
Les (quelques) bonnes idées du film : avoir confié le rôle à Laurence Arné, une quasi inconnue pour ceux qui ne sont addicts ni aux one-woman show, ni aux séries françaises – elle joue dans Workingirls, diffusée sur Canal+. Elle tient son rôle avec tenue, à l’aise aussi bien dans les scènes drôles que plus émouvantes.
Quelques gags valent aussi le détour et notamment, la révélation François Morel en sexologue hyper convaincu. Et saluons l’écriture des dialogues, très cash qui tranchent un peu avec l’aspect très attendu, pas du tout surprenant de l’histoire.
Pas sûr que Delphine de Vigan, même aidée de Chris Esquerre à l’écriture, soit faite pour la comédie.
De Delphine de Vigan, avec Laurence Arné, Eric Elmosnino, Valérie Bonneton, François Morel…
Un travelling sur une allée parisienne bordée d’arbres… En un seul plan, on devine qu’un grand réalisateur est aux commandes. On suit ainsi sans rien en voir Roman Polanski se glisser jusqu’à l’entrée d’un théâtre parisien. Une double porte s’ouvre toute seule, sur une pancarte bricolée annonçant une audition. Au loin, dans la salle, un metteur en scène (Mathieu Amalric) se lamente au téléphone de n’avoir pas trouvé de sa journée ratée. Aucune comédienne n’a été à la hauteur de ses attentes pour jouer dans sa pièce, La Vénus à la fourrure, inspirée d’un roman de Sacher-Masoch.
« Rien n’est plus cruel pour un homme…
Arrive alors Vanda (Emmanuelle Seigner), une inconnue vulgaire et sans gêne, qui, en plus du prénom de l’héroïne, prétend posséder le rôle sur le bout des doigts. Elle est très en retard. Il se méfie. Elle le poursuit et finit par lui prouver, accessoires à l’appui et texte appris au cordeau, qu’elle est bien la Vanda qu’il attend.
Mais, Vanda n’est pas un rôle comme un autre : c’est celui d’une jeune femme apparemment sans histoire, qui se révèlera une redoutable séductrice de l’homme à qui elle s’adresse. Un étrange rapport de séduction/ domination/soumission se met en place entre Vanda et le metteur en scène, qui finit par lui donne la réplique. Mais, est-ce toujours du théâtre ?
…que l’infidélité d’une femme »
Dans un décor unique (une salle de théâtre, de la partie publique aux coulisses) et avec en tout et pour tout, seulement deux acteurs, Polanski réussit la prouesse de bousculer les codes du cinéma et de la séduction. Le texte magnifique mériterait d’être écouté plusieurs fois. Un jeu étrange s’installe entre ce que l’on voit, ce qui est joué, ce que l’on sent et ce que l’on sous-entend. Le jeu des acteurs (même si Emmanuelle Seigner est un peu énervante au début) est sidérant. Elle parvient, grâce à sa plastique parfaite, sexy et un réel pouvoir de séduction, à instaurer un trouble palpable aussi bien chez le spectateur que chez le partenaire/metteur en scène qui lui fait face.
Avec si peu de moyens, ce nouveau film de Polanski, le second adapté du théâtre après « Carnages » et nettement plus réussi, prodigue un maximum d’effets. Une véritable leçon de séduction porté par un texte d’une intelligence et d’une sensualité torride. Brillant !
De Roman Polanski, avec Emmanuelle Seigner et Mathieu Amalric
2013 – France/Pologne – 1h35
Les autres films du 13 novembre chroniqués sur cine-woman :
Jane Campion mérite une exception. Que Cine-Woman délaisse le cinéma stricto sensu pour parler d’une série TV, « Top of the lake » diffusée désormais en VOD sur la plate-forme d’Arte. Mais, du cinéma, « Top of the lake » en regorge. Bien plus que certains films.
Jane Campion, seule réalisatrice à avoir remporté une Palme d’Or à Cannes, n’est pas l’unique réalisatrices de « Top of the lake » mais elle en est l’inspiratrice, la productrice, la co-scénariste auprès de Gérard Lee… Elle l’a bel et bien dirigé un épisode sur deux confiant les autres à un certain Garth Davis. Et sa « patte » ne fait aucun doute : les paysages de Nouvelle-Zélande sont sublimés par sa camera et l’intrigue volontiers teintée d’un féminisme très original lui ressemble parfaitement.
Thriller incestueux
L’ensemble de la série est une longue intrigue policière particulièrement retors et complexe. Mais, c’est aussi beaucoup plus que cela. L’histoire débute par une image, vécue par Jane Campion. Tui, une jeune fille de 12 ans, habillée en uniforme d’école, s’enfonce lentement dans un lac glacial. On découvrira par la suite qu’elle est enceinte. Robin, une policière de la brigade des mineures est justement dans le coin –elle en est originaire, y a grandi et venait rendre visite à sa mère malade -. Pour elle, c’est un cas d’espère qu’il faut absolument résoudre (on comprendra pourquoi plus tard). Elle s’y emploiera hors de toutes limites.
Et Robin (Elisabeth Moss, l’ambitieuse de Mad Men) aura fort à faire : non seulement le commissariat est peuplé d’hommes plutôt rustiques, managé par un chef raffiné mais à la moralité douteuse, mais Tui est la fille de Matt (Peter Mullan), un baron local de la drogue qui a un étrange rapport aux femmes (à sa mère et à sa fille notamment) et règne en maître sur un monde qui lui est dévoué. Et puis, Robin doit s’occuper de cette mère malade, mère qui a une ample connaissance des moeurs locales sans les révéler à sa fille. Et Robin renoue aussi avec des vieilles connaissances…
Paradise, lieu d’épanouissement féminin
Enfin, il a cette immense domaine, Paradise, situé en bordure du fameux lac, bordé par des montagnes majestueuses qu’une communauté vient d’acquérir au nez et à la barbe de Matt qui revendique un droit de propriété absolue sur cette terre où sa mère est enterrée.
La communauté de Paradise a une particularité : elle n’est composée que de femmes brisées par la vie. Des femmes violentées, désaimées, qui tentent ici de se reconstruire grâce à l’étrange sagesse de leur gourou : la mystérieuse GJ, une sorte de sorcière aux longs cheveux blancs qui économise ses mots mais s’avère fin psychologue. Elle est interprétée avec distance par une Holly Hunter (La leçon de piano) méconnaissable.
L’histoire commence vraiment lorsque Tui va y chercher refuge. Le lendemain matin, elle a disparu et personne ne sait ce qu’elle est devenue…
Pas un manifeste féministe…
Outre la réalisation qui est vraiment spectaculaire – les paysages crèvent littéralement l’écran, la nature s’imposant à cette communauté rurale jusque dans leurs réactions entre humains, les personnages sont tous d’une originalité troublante, d’une consistance épaisse, l’intrigue est machiavélique à souhait- , ces six épisodes, parfois un peu âpres à avaler d’un seul coup, interrogent tout du long le rôle, la place de la femme dans la société. Et pas seulement là-bas dans les montagnes. Ici aussi.
« Ce n’est pas une manifeste féministe », déclare Jane Campion, et elle a raison. Mais, « L’identification, c’est une porte d’entrée dans cet autre monde créé par le cinéma. Donc cela m’est naturel de raconter des histoires du point de vue d’une héroïne. Il y a tellement peu de réalisatrices, alors si en plus il faut faire des films sur des hommes… Mais peut-être le ferai-je un jour, qui sait ? La sous-représentation des femmes dans le cinéma, c’est un sujet qui donne envie de bâiller et de grincer des dents à la fois. Que rien n’ait changé depuis tout ce temps, c’est d’un tel ennui ! À mon avis, ce qu’il faudrait, c’est qu’Abraham Lincoln revienne et en fasse un décret : « Que la moitié des films dans le monde soient mis en scène par des femmes.» Mais ça ne risque pas d’arriver ».
… Un film féminin
Tout est dit. Et la manière dont elle s’intéresse avec humour à cette communauté de femmes malmenées par la vie, elles qui sont hors des canons de beauté habituelles et dont elle les confronte à la grossesse d’une toute jeune fille, d’une enfant même, est d’une subtilité bien plus intéressante que ne l’aurait été un manifeste plus revendicatif. Et que l’enquête soit menée de bout en bout par une jeune femme en plein questionnement sur sa filiation et ses engagements affectifs est d’une portée vraiment passionnante.
De Jane Campion et Garith Davis, avec Elisabeth Moss, Peter Mullan, Holly Hunter, Thomas M.Wright, Jacqueline Joe
Diffusion sur Arte des trois premiers épisodes le jeudi 7 novembre, des trois derniers le jeudi 14 novembre à partir de 20h50.
Le cinéma a-t-il un sexe? C’est ce qu’ont voulu savoir Julie Gayet et Mathieu Busson dans leur documentaire très instructif : Cinéast(e)s. Tellement cine-woman…
Christie Molia est productrice. C’est sa société Moteur, s’il vous plait qui a financé le documentaire Cinéast(e)s que Julie Gayet et Mathieu Busson ont réalisé sur la question du genre au cinéma. Au sens propre. C’est-à-dire : existe-t-il un cinéma féminin ? Entretien.
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