La Venus à la fourrure
Leçon de soumission
Un travelling sur une allée parisienne bordée d’arbres… En un seul plan, on devine qu’un grand réalisateur est aux commandes. On suit ainsi sans rien en voir Roman Polanski se glisser jusqu’à l’entrée d’un théâtre parisien. Une double porte s’ouvre toute seule, sur une pancarte bricolée annonçant une audition. Au loin, dans la salle, un metteur en scène (Mathieu Amalric) se lamente au téléphone de n’avoir pas trouvé de sa journée ratée. Aucune comédienne n’a été à la hauteur de ses attentes pour jouer dans sa pièce, La Vénus à la fourrure, inspirée d’un roman de Sacher-Masoch.
« Rien n’est plus cruel pour un homme…
Arrive alors Vanda (Emmanuelle Seigner), une inconnue vulgaire et sans gêne, qui, en plus du prénom de l’héroïne, prétend posséder le rôle sur le bout des doigts. Elle est très en retard. Il se méfie. Elle le poursuit et finit par lui prouver, accessoires à l’appui et texte appris au cordeau, qu’elle est bien la Vanda qu’il attend.
Mais, Vanda n’est pas un rôle comme un autre : c’est celui d’une jeune femme apparemment sans histoire, qui se révèlera une redoutable séductrice de l’homme à qui elle s’adresse. Un étrange rapport de séduction/ domination/soumission se met en place entre Vanda et le metteur en scène, qui finit par lui donne la réplique. Mais, est-ce toujours du théâtre ?
…que l’infidélité d’une femme »
Dans un décor unique (une salle de théâtre, de la partie publique aux coulisses) et avec en tout et pour tout, seulement deux acteurs, Polanski réussit la prouesse de bousculer les codes du cinéma et de la séduction. Le texte magnifique mériterait d’être écouté plusieurs fois. Un jeu étrange s’installe entre ce que l’on voit, ce qui est joué, ce que l’on sent et ce que l’on sous-entend. Le jeu des acteurs (même si Emmanuelle Seigner est un peu énervante au début) est sidérant. Elle parvient, grâce à sa plastique parfaite, sexy et un réel pouvoir de séduction, à instaurer un trouble palpable aussi bien chez le spectateur que chez le partenaire/metteur en scène qui lui fait face.
Avec si peu de moyens, ce nouveau film de Polanski, le second adapté du théâtre après « Carnages » et nettement plus réussi, prodigue un maximum d’effets. Une véritable leçon de séduction porté par un texte d’une intelligence et d’une sensualité torride. Brillant !
De Roman Polanski, avec Emmanuelle Seigner et Mathieu Amalric
2013 – France/Pologne – 1h35
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