Les oiseaux de passage
Les oiseaux de passage, le film de Cristina Gallego et Ciro Guerra revient sur les débuts des cartels de la drogue en Colombie. Cette saga familiale tragique fait l’ouverture de la 50e Quinzaine des Réalisateurs.
Les oiseaux de passage, le film de Cristina Gallego et Ciro Guerra revient sur les débuts des cartels de la drogue en Colombie. Cette saga familiale tragique fait l’ouverture de la 50e Quinzaine des Réalisateurs.
Une femme jeune et dépendante entre en cure de désintox. Dans Nos vies formidables, Fabienne Godet filme en vrai le long cheminement d’accros vers une nouvelle vie. Terrible mais intéressant.
Longtemps, deux projets biographiques sur Yves Saint Laurent se sont téléscopés. Le premier, Yves Saint-Laurent, officiel voulu par Pierre Bergé et réalisé par Jalil Lespert, est sorti le 8 janvier 2014. Saint Laurent, le second, non autorisé, réalisé par Bertrand Bonello, est précédé d’une odeur de souffre et d’un buzz critique positif depuis sa sélection à Cannes. Alors?
Voulant à tout prix déroger à la règle du biopic classique, Bertrand Bonello a concentré son film sur dix années de la vie du couturier. De 1967 à 1976, une décennie qui aurait dû être prodigieuse. Saint Laurent a alors une petite trentaine, son talent est connu depuis longtemps et sa notoriété est au top. Mais, le succès commence à lui peser.
Profitant de la liberté que lui offre et sa réussite et son époque (on est en 1968), YSL commence à dévier : ses nuits deviennent plus belles que ses jours, ses paradis artificiels et ses amours interdites, décadentes. Il sort donc du droit chemin que lui a balisé Pierre Bergé pour se frotter à ses démons, à sa face sombre qui toutefois n’entraveront ni sa créativité, ni son talent de couturier.
Le film se vit donc comme une longue errance dans les méandres et les déviances de Saint Laurent (Gaspard Ulliel, convaincant), sans plus d’explications que ce qui est montré en images : la rigidité et la hiérarchie silencieuse d’une maison de couture, la cage dorée dans laquelle Pierre Bergé l’a enfermé et où il se déploie autant qu’il étouffe, ses nouvelles amitiés, plus libres, sa passion destructrice pour Jacques de Basher, ses pannes d’inspiration, au final toujours compensées par une créativité nouvelle…
Pourquoi se limiter à 1967-1976? Parce qu’elles signent « la rencontre entre l’un des plus grands couturiers de tous les temps avec une décennie libre dont aucun des deux ne sortira intacte », pitche Bertrand Bonello. Ce parti pris était indéniablement passionnant, à condition qu’on le comprenne (mais si Bonello a un talent, c’est de très bien parler de ses films) et/ou que le réalisateur nous y fasse adhérer. Ce n’est jamais le cas. Saint Laurent était-il cet artiste maudit, incompris, au-dessus de la mêlée et dont le génie transpirait par tous les pores? Ou était-ce type corseté par sa vie organisée, qui rêve de faire exploser le carcan dans lequel il s’est lui-même enfermé?
Bonello ne se prononçant pas, les 2h30 que dure son film finissent par donner l’impression d’une vision linéaire, d’une exploration plutôt répétitive d’un homme certes touchant, doué, talentueux, aux prises à ses démons. Rien de plus, si ce n’est quelques scènes bien tournées, notamment toutes celles où apparaît Pierre Berger (Jérémie Renier). De là à penser que plus de contrainte aurait salutaire à Bonello…
Un conseil : voir Yves Saint-Laurent avant Saint Laurent (et surtout pas l’inverse), histoire de connaître la vie du couturier avant de plonger dans la face sombre de l’homme.
2014 – France – 2h30
Hyun Jae a à peine 18 ans et est une jeune fille plutôt sage quand un jeune homme en uniforme lui offre un verre dans un bar. Il propose en suite de la ramener chez elle en voiture. Elle n’y arrivera jamais. Son « beau pompier » est en fait un rabatteur pour un réseau particulièrement cruel de prostitution et de trafic de drogue.
Enfermée dans un hangar de stockage en plein milieu du désert du Nouveau-Mexique, avec un grand nombre d’autres jeunes filles qui subissent le même sort, Huyn Jae, rebaptisée Eden, se rebelle tout d’abord puis rouée de coups, contrainte de porter un bracelet électronique volé au tribunal par son mac -le sheriff local-, elle comprend que c’est son intelligence qui la sauvera. Armée de la plus grande des patiences, elle parvient à se rendre utile pour le réseau et, à la faveur d’une guerre des chefs, à s’évader de cet enfer.
Sans rien apporter de nouveau, ce film de facture très classique raconte par le menu (sans en montrer les aspects les plus sordides, les scènes de prostitution puis de punition sont suggérées plus que montrées) l’histoire vraie et horrible dont a été victime, Chong Kim, une jeune coréenne immigrée aux Etats-Unis, kidnappée de force par un tel réseau et qui réussira à s’en échapper.
Ce qu’elle a vécu est tout simplement atroce et il faut avoir une force de caractère surhumaine pour s’en remettre et s’en enfuir. Depuis, la vraie jeune femme a qui tout cela est arrivé, Chong Kim est devenue avocate et consacre son temps à lutter contre l’esclavage sexuel et au trafic d’enfants. Ce que l’on apprend jamais (malheureusement) en regardant le film.
Mais ce témoignage reste crucial et important. Surtout quand comme moi, on voit le film le jour où 343 connards qui s’en mordent aujourd’hui les doigts (les pauvres!) signent une pétition pour pouvoir continuer à se payer des putes. S’ils avaient juste la curiosité de regarder comment fonctionne un réseau de prostituées, alors sans doute remontraient-ils leur braguette prestement…
Ce film (une toute petite sortie) restera une goutte d’eau dans un océan. Mais qu’il serve d’avertissement à la fois aux jeunes filles pour qu’elles se méfient des mauvaises rencontres ou aux bad boys et à ceux qui jouent à l’être, c’est déjà un premier pas.
2012 – USA – 1h37
Les autres films du 13 novembre chroniqués sur cine-woman :
Trois films sont produits en Bosnie, les années les plus fastes. En voici, une rareté donc, bon, très bon même. Djeca, enfants de Sarajevo raconte le quotidien d’une jeune femme, Rahima, 23 ans, qui a la charge de son petit frère, Nedim, 14 ans. Tous deux ont perdu leurs parents durant la guerre et ils doivent s’assumer seuls, comme ils peuvent.
Pour gagner leur vie, Rahima travaille dans un restaurant où l’ambiance est aussi explosive qu’affectueuse. Le jour où son frère, en pleine crise d’adolescence, se bat avec le fils d’un ministre à l’école, leur fragile équilibre familial menace de basculer.
En filmant au plus près son héroïne, en adoptant son point de vue, la réalisatrice Aida Begic, à qui l’on doit déjà le très remarqué Premières neiges, prend le parti d’un film singulier, intimiste et à la dynamique calquée sur l’énergie inépuisable de son héroïne.
Elle revient de loin Rahima : une enfance durant la guerre, un séjour à l’orphelinat puis une adolescence rebelle, difficile, sans doute un peu (beaucoup ?) junky… Elle a vécu l’enfer et a dû batailler pour trouver sa place dans la société. La religion (elle porte le voile) l’a sans aucun doute aidée. Bref, elle sait de quoi elle parle et cherche à tout prix à protéger son petit frère de cette pente dangereuse. A l’énergie, à la volonté, bravant tous les entraves qui se retrouvent sur leur route, elle leur trace à un destin dont elle a de quoi être fière, même si ce n’est jamais ce qui la motive.
Ce portrait tout en finesse reste un témoignage puissant de la vie aujourd’hui à Sarajevo, près de 20 ans après le siège de la ville et mérite amplement la mention spéciale que le film a obtenu dans la sélection Un certain regard lors du Festival de Cannes 2012.
2012 – Bosnie-Herzégovine/ Allemagne/ France/ Turquie – 1h30
Whip Whitaker, un pilote d’avion chevronné parvient, grâce à son habileté et à sa compétence, à sauver un maximum de vies humaines lors d’un crash aérien. Mais, les analyses sanguines qu’il subit alors prouvent qu’il avait bu et consommé de la drogue. Il risque la prison à perpétuité. Ce qui, pourtant, pourrait s’avérer moins lourd à porter que de continuer à vivre dans le déni et dans le mensonge.
Flight est donc l’histoire d’une résurrection comme les adorent les Américains. Celle d’un homme apparemment puissant mais finalement faible, qui va apprendre par les épreuves qu’il vaut mieux pouvoir se regarder dans la glace que de vivre constamment dans le mensonge. Bref, qu’avoir bonne conscience est LA condition nécessaire pour être heureux.
Mais, Flight c’est aussi une manière assez originale de le prouver, à travers le destin d’un homme imparfait, donc attachant, un type qui joue bien plus avec sa vie qu’avec celles de ceux dont il a la responsabilité et qui n’existe pas dans la vie, mais est une synthèse de plusieurs hommes (pas tous des pilotes d’ailleurs) existants. Et comme c’est Denzel Washington qui l’interprète, il passe par à peu près toute la palette des émotions possibles et inimaginables et donne corps à un personnage insolite, inédit, intéressant. Et, Robert Zemeckis, que l’on attendait plus dans un tel registre tant il semblait happé par la motion capture et toutes les nouvelles techniques de réalisation, a la sagesse de ne pas en faire des tonnes, mais plutôt de raconter son histoire sagement, sobrement. Mission accomplie donc, sans surprise toutefois.
2012 – USA – 2h18