Chorus
Pas facile de faire un film sur un couple après la disparition de leur enfant. C’est pourtant le sujet de Chorus que le réalisateur québécois François Delisle traite avec beaucoup d’élégance.
Pas facile de faire un film sur un couple après la disparition de leur enfant. C’est pourtant le sujet de Chorus que le réalisateur québécois François Delisle traite avec beaucoup d’élégance.
Un homme en crise de la cinquantaine décide de larguer les amarres. Voilà Comme un avion, la nouvelle comédie pleine de charme de Bruno Podalydès. Réjouissant!
Snow Therapy de Ruben Östlund ausculte au scalpel comment un couple, une famille éclate. A cause d’un rien qui pourtant signifie beaucoup, l’essentiel même.
Avec Arrête ou je continue, Sophie Fillières s’attaque à la fin d’un couple. A sa manière bien sûr, singulière. Et armée d’un chouette couple d’acteurs : Emmanuelle Devos et Mathieu Amalric.
Elise a perdu son mari; Léo, 10 ans, son papa. La vie à deux a retrouvé son équilibre jusqu’à ce que Paul arrive dans cette relation. Mais finalement, le bouleverse-t-il ou l’enrichit-il ce « couple hors normes »?
Inspirée de l’expérience de la réalisatrice, Marilyne Canto -très bonne et très juste comédienne -, « Le sens de l’humour » est le prolongement d’un court-métrage, « Fais de beaux rêves » qu’elle avait réalisé il y a sept ans et qui traitait du deuil d’une femme après la mort brutale de son mari.
Ici, le deuil est plus ou moins consommé. Elise est à l’étape suivante, celle de (l’impossible?) reconstruction. Et c’est Paul qui en fait les frais.
Autant il est amoureux – même si on se demande bien pourquoi et comment il a été séduit, vu comment elle le malmène – autant elle est contradictoire appréciant l’amant, moins l’homme. « Elle n’est pas toujours aimable, mais elle est aimante », prétend la réalisatrice. Ah bon! Mais cela n’apparaît tellement pas à l’écran qu’il devient difficile de s’accrocher à cette histoire, comme le fait Paul.
Du coup, on regrette donc qu’Elise revendique tant son sens de l’humour (absent du film, d’ailleurs à moins que nous n’ayons pas le même) et si peu son sens de l’amour, qui lui fait singulièrement défaut ici. Dommage…
Au crédit de Marilyne Canto, toutefois, les lieux qu’elle a choisis de filmer et qui le sont très peu habituellement : le musée de l’Orangerie et la salle des Nymphéas de Monet, les grandes galeries du Louvre, le quartier autour de la rue de Charenton dans le XIe à Paris… Et le fait qu’elle n’ait pas cherché à lisser son personnage, froid, en lutte constante contre ses émotions. Mais, cela ne suffit pas.
2013 – France – 1h28
©Ivan Mathie
La journée commence mal pour Laetitia. Ses deux gamines sont infernales, elle doit filer au boulot et son ex ne trouve rien de mieux que de vouloir exercer son droit de visite, là maintenant.
Sauf que Laetitia travaille pour la télé et qu’aujourd’hui, précisément, on est le 6 mai 2012, à quelques heures du résultat de la dernière élection présidentielle. Elle a à peine le temps de briefer son baby-sitter avant que la situation ne s’emballe complètement…
Evidemment, se replonger aujourd’hui dans les images de liesse qui ont accompagné l’élection de François Hollande est à la fois touchant et amer. Touchant car l’enthousiasme était réel et massif, amer parce qu’il semble très, très loin le temps où Hollande signifiait encore un élan positif.
Si la galère de Laetitia peut avoir un sens aujourd’hui, c’est bien celui de nous être perdu dans une fête qui n’en était pas une, à l’image de son couple fini qui n’était apparemment qu’une illusion de bonheur et dont il lui faut désormais gérer les conséquences, dans une crise sans issue et finalement dans l’absurdité la plus totale.
Elle vacille mais elle tient bon, Laetitia et on ne sait pas trop ce qui l’empêche de s’écrouler complètement : son boulot ? son nouveau mec, un certain Virgil d’une gentillesse, d’une naïveté insupportable ? L’ancien était irresponsable (il se pointe un jour en retard à la convocation du juge, il se bat), mais au moins, il semblait avoir quelque chose à défendre. Le nouveau, non.
C’est dommage car si Justine Triet, la réalisatrice a eu l’intelligence d’anticiper le contexte en filmant le jour J et jusqu’à pas d’heure, elle n’en fait rien. Elle ne le donne même pas comme enjeu de ce nouveau couple contre l’ancien par exemple. Non, il sert juste à mobiliser Laetitia un dimanche, à amplifier sa panique et son stress (quand elle demande au baby-sitter de la rejoindre dans la foule par exemple). Non, c’est l’immaturité de l’ex couple et la rupture difficile qui capte toute l’attention de la réalisatrice, alors que c’est sans doute la pièce la moins originale de son film.
En revanche, la fraîcheur de l’ensemble est également plutôt bien défendue par les acteurs, encore peu vus au cinéma : Vincent Macaigne en tête (c’est le plus connu des quatre, déjà vu dans Un monde sans femmes) qui parvient à être d’une mauvaise foi totale, sûr de son bon droit, parfois très nerveux et pourtant attendrissant père de famille.
2012 – France – 1h34
Sorties du 18 septembre 2013 sur cine-woman. Ma vie avec Liberace de Steven Soderbergh, Elle s’en va d’Emmanuelle Bercot, L’oeil du cyclone de Fred Schepisi, Moi & toi de Bernardo Bertolucci et Barcelone, avant que le temps ne l’efface de Mireia Ros
Voilà 18 ans qu’a commencé la love story de Céline, la petite française et de Jesse, l’américain en voyage en Europe. Ils s’étaient rencontrés dans un train, se sont quittés puis retrouvés à Paris et vivent désormais en couple ensemble en France.
Mais, cette fois, ils sont en vacances en famille en Grèce, avec leurs enfants, reçus par des amis, une bande d’intellectuels qui disserte, lors des repas, sur le sens de la vie, sur l’amour, sur le temps qui passe et évidemment sur le couple et donc sur les femmes et sur les hommes.
Alors qu’ils s’apprêtent à repartir, leurs amis leur offre une nuit dans un hôtel de charme, rien que tous les deux, Céline et Jesse, sans les enfants. C’est l’occasion de retrouvailles un peu forcées, un peu hors du rythme de croisière qu’a désormais pris leur couple et donc, comme toujours, celui d’une mise au point. Sévère, la mise au point.
Comme eux, nous avons vieilli, expérimenté la vie, l’amour, la déception et le bonheur, les bonheurs partagés ou non. Comme eux, notre romantisme a été échaudé par la routine, par la prise du pouvoir de l’intendance sur notre vie quotidienne auparavant si riche, si pleine d’élan et de découverte.
Donc, surtout si on les suit en terme d’âge, on ne peut qu’une fois de plus s’identifier au couple à la fois banal et si formidable que forment Céline et Jesse, un couple où la liberté de parole semble totale mais où certains non-dits ont fini par être lourds de conséquences.
Bref, on a rêvé quand ils se sont rencontrés, quand ils se sont retrouvés et l’on constate avec eux un peu amèrement qu’il ne suffit pas de s’aimer pour être heureux mais que ça va quand même mieux en s’aimant! Et qu’il ne suffit plus de vouloir pour pouvoir…
Comme à chaque fois, le principe du film est extrêmement simple : une femme, un homme, chacun avec leur caractère bien trempé, discute d’eux et de leur couple (donc de leurs envies, de leurs désirs, de leurs freins, des faiblesses de l’un, des défauts de l’autre avec une mauvaise fois jubilatoire) en se promenant. Et leurs joutes verbale, extrêmement bien écrites, font toutes la saveur de cette trilogie amoureuse.
Evidemment, le film est du coup extrêmement et quasiment uniquement bavard. A la française, pourrait-on dire. Mais, c’est ce qui fait tout son charme, toute sa force. Il se vit donc plus comme un battle de répliques formidables, celles qu’on aurait adoré sortir quand on s’est retrouvé à leur place ou dans des situations similaires, quand justement la survie de notre couple, de notre histoire d’amour semblait reposer sur le brio qu’on mettait, chacun à sa manière, à la défendre.
Enfin, l’autre valeur du film tient justement au naturel des acteurs. A force de se voir, d’écrire ensemble, de partager les mêmes personnages et d’évoluer à leur rythme, Julie Delpy et Ethan Hawke, et évidemment le réalisateur Richard Linklater, forment un trio indissociable qui partage avec nous une tranche de leur vie qu’on sait très bien continuer à s’écouler hors champ.
Inutile d’avoir les deux épisodes précédents pour se délecter de celui-ci. Malgré tout, mieux vaut être averti du procédé pour apprécier cet échange et supporter leurs bavardages.
2013 – Etats-Unis – 1h48
©Before Midnight Inc. credit Despina Spyrou
Ca y est. Debbie et Pete, un des couples d’En cloque mode d’emploi, s’apprêtent à passer le difficile cap de la quarantaine. Ils sont mariés depuis un moment, la routine gangrène gentiment leur couple, l’une de leurs deux filles est projetée dans l’adolescence
et Pete (Paul Rudd) a de sérieux problèmes à régler : avec son père (re)devenu géniteur à l’âge de la retraite, avec sa boîte de disques ou avec sa verdeur sexuelle qui périclitent… Debbie (Leslie Mann), elle, a une libido au top et continue à vouloir que la vie de tous soit parfaite et surtout sous son contrôle… mais elle se passerait volontiers de fêter son anniversaire. Tranche de vie banale dans une famille normale. So what ?
Ce que je n’aime jamais chez Judd Apatow, c’est l’absence de distance qu’il prend avec ses sujets. En gros, il plaque une caméra dans la vie quotidienne d’une famille relativement banale et en filme la médiocrité. Mais, tout le ponde le sait, rien n’est plus dur que de donner du relief à la banalité, surtout durant 2h14.
Alors, justement, on attend de lui qu’il mette le doigt sur la plaie des petits travers avec une ironie ou un humour décapant. Ce n’est pas le cas ici, comme à son habitude. Tout est filmé de manière frontale, comme si une caméra vidéo suivait en permanence les deux protagonistes principaux et qu’un montage judicieux révélait les moments un peu plus significatifs de leur vie.
J’aimerais que Judd Apatow s’engage, qu’il prenne un point de vue et le tienne, qu’il dénonce plus qu’il ne regarde, qu’il dégomme plus qu’il ne s’apitoie sur ses deux personnages, l’une control freak, l’autre ado mal fini tous les deux insupportables (mais qui est parfait ?) finalement si attachés l’un à l’autre.
Si Apatow prenait de la hauteur, de la distance, plutôt que de multiplier les situations décapantes et les clichés, il signerait une fable grinçante sur notre vie quotidienne, en nous laissant le souffle coupé. Là, on s’en remet très bien, ne se disant finalement que chez soi est loin d’être pire qu’ailleurs.
2012 – USA – 2h14