Détroit
La réalisatrice Kathryn Bigelow reprend sa caméra pour ressusciter une page tragique de l’histoire contemporaine des Etats-Unis : les émeutes de Détroit en 1967. Jusqu’à en faire un cas d’école. Brillant!
La réalisatrice Kathryn Bigelow reprend sa caméra pour ressusciter une page tragique de l’histoire contemporaine des Etats-Unis : les émeutes de Détroit en 1967. Jusqu’à en faire un cas d’école. Brillant!
« La femme est la fierté de l’homme », balance entre deux répétitions, le James Brown taillé ici par Tate Taylor, « mais elle ne doit jamais l’empêcher d’attendre son but ».
On ne saura donc rien de cette partie de la vie du fabuleux M Dynamite, lui qui fut traumatisé dans son enfance par l’abandon, à deux reprises, de sa mère adorée. Non, le propos de ce biopic sur James Brown, produit (sauvé ?) par Mick Jagger, n’est pas pour les fillettes. Mais pour qui alors ? Et ce n’est là qu’un des problèmes de ce film attendu.
Le projet de cette biographie consacrée au « parrain de la soul » date de la fin des années 1990. Le producteur Brian Grazer (Un homme d’exception, Da Vinci Code…) en a l’idée après avoir traîné dans le milieu du hip-hop et rencontré Eminem pour 8 Mile. En 2000, il réunit une équipe de scénaristes mais la production du film est suspendue par la mort du chanteur, fin décembre 2006. Finalement, la fondation James Brown relance le projet aux côtés de Mick Jagger. Le script est enfin validé par tous et sa réalisation confiée à Tate Taylor, qui sort tout juste du succès de La couleur des sentiments (2013).
Une genèse aussi contrariée est rarement bon signe. Le film a toutes les chances d’être médiocre à force de compromis. C’est le cas ici mais ce n’est pas le pire de ses défauts. Si James Brown n’apparaît jamais sous son plus mauvais jour – ses relations avec les femmes ou avec ses enfants par exemple sont réduites à leur plus simple expression – , les partis pris scénaristiques pêchent bien moins que ceux de la mise en scène.
Pour éviter de tomber dans le biopic classique, Tate Taylor eu l’idée de rompre avec la chronologie et de découper la vie de James Brown autour de moments musicaux, la plupart du temps des extraits de concerts. Son récit en devient incompréhensible : si on perçoit bien les traumatismes qui l’ont construits (abandon de sa mère, violence du père, extrême pauvreté…), on comprend mal à qui et à quoi il doit son ascension. Tout est mis sur un même plan.
Du coup, on peine vraiment à percevoir ce qui fut déterminant pour lui : est-ce la découverte du gospel ? la pauvreté ? la concurrence ? l’audace ? la mauvaise foi ? son opportunisme ? Enfin, en quoi a-t-il eu une influence majeure sur l’évolution musicale ( il ne suffit pas de l’asséner, il faut le montrer !) ? . Et c’est sans compter les énormes « trous » de l’histoire.
On ne sait jamais rien de la fabrication de ses tubes et les plus populaires (est-ce pour une question de droits ? ) comme Sex Machine ou A man’s man’s man’s world sont à peine suggérés. Sa mort elle-même et sa difficile succession – il a été enterré plus d’un an après sa mort – ne sont même pas mentionnés.
A de rares exceptions près – le début du concert de Boston, la nuit de l’assassinat de Martin Luther King, la confrontation avec Jagger à l’Appolo Theater en 1962…-, le film sort de la confusion générale pour prendre (un peu) corps et mieux retomber ensuite. Rien à redire en revanche sur le casting : Chadwick Boseman fait le job comme il se doit et les autres sont à peu près à l’unisson.
Au final, on ressort de 2h19 de film sans en savoir plus sur James Bond, ni même assister à une prestation scénique époustouflante, et encore moins avoir le sentiment de toucher, de saisir l’essence de ce personnage bigger than life.
2014 – Etats-Unis – 2h19