Message from the King
Message from the King de Fabrice du Welz est un polar sombre dans la plus pure tradition seventies américaines. Et ça fait du bien…
Message from the King de Fabrice du Welz est un polar sombre dans la plus pure tradition seventies américaines. Et ça fait du bien…
Longtemps, deux projets biographiques sur Yves Saint Laurent se sont téléscopés. Le premier, Yves Saint-Laurent, officiel voulu par Pierre Bergé et réalisé par Jalil Lespert, est sorti le 8 janvier 2014. Saint Laurent, le second, non autorisé, réalisé par Bertrand Bonello, est précédé d’une odeur de souffre et d’un buzz critique positif depuis sa sélection à Cannes. Alors?
Voulant à tout prix déroger à la règle du biopic classique, Bertrand Bonello a concentré son film sur dix années de la vie du couturier. De 1967 à 1976, une décennie qui aurait dû être prodigieuse. Saint Laurent a alors une petite trentaine, son talent est connu depuis longtemps et sa notoriété est au top. Mais, le succès commence à lui peser.
Profitant de la liberté que lui offre et sa réussite et son époque (on est en 1968), YSL commence à dévier : ses nuits deviennent plus belles que ses jours, ses paradis artificiels et ses amours interdites, décadentes. Il sort donc du droit chemin que lui a balisé Pierre Bergé pour se frotter à ses démons, à sa face sombre qui toutefois n’entraveront ni sa créativité, ni son talent de couturier.
Le film se vit donc comme une longue errance dans les méandres et les déviances de Saint Laurent (Gaspard Ulliel, convaincant), sans plus d’explications que ce qui est montré en images : la rigidité et la hiérarchie silencieuse d’une maison de couture, la cage dorée dans laquelle Pierre Bergé l’a enfermé et où il se déploie autant qu’il étouffe, ses nouvelles amitiés, plus libres, sa passion destructrice pour Jacques de Basher, ses pannes d’inspiration, au final toujours compensées par une créativité nouvelle…
Pourquoi se limiter à 1967-1976? Parce qu’elles signent « la rencontre entre l’un des plus grands couturiers de tous les temps avec une décennie libre dont aucun des deux ne sortira intacte », pitche Bertrand Bonello. Ce parti pris était indéniablement passionnant, à condition qu’on le comprenne (mais si Bonello a un talent, c’est de très bien parler de ses films) et/ou que le réalisateur nous y fasse adhérer. Ce n’est jamais le cas. Saint Laurent était-il cet artiste maudit, incompris, au-dessus de la mêlée et dont le génie transpirait par tous les pores? Ou était-ce type corseté par sa vie organisée, qui rêve de faire exploser le carcan dans lequel il s’est lui-même enfermé?
Bonello ne se prononçant pas, les 2h30 que dure son film finissent par donner l’impression d’une vision linéaire, d’une exploration plutôt répétitive d’un homme certes touchant, doué, talentueux, aux prises à ses démons. Rien de plus, si ce n’est quelques scènes bien tournées, notamment toutes celles où apparaît Pierre Berger (Jérémie Renier). De là à penser que plus de contrainte aurait salutaire à Bonello…
Un conseil : voir Yves Saint-Laurent avant Saint Laurent (et surtout pas l’inverse), histoire de connaître la vie du couturier avant de plonger dans la face sombre de l’homme.
2014 – France – 2h30