Saul Dibb signe une adaptation réussie de Suite française, le roman posthume et inachevé d’Irène Némirovsky. Et montre l’exode, l’Occupation et la guerre au féminin.
La guerre au féminin
En 2004, Suite française d’Irène Némirovsky a obtenu le Prix Renaudot. A titre posthume. Son auteure est morte en 1942 à Auschwitz. Le manuscrit inachevé venait d’être retrouvé par sa fille. Il reste un témoignage bouleversant à la fois l’exode de 1940 puis la vie quotidienne sous l’Occupation dans un village imaginaire baptisé Bussy.
Suite française ou la vie avec l’occupant
La jeune Lucille Angellier (Michelle Williams) attend le retour de son mari, prisonnier de guerre, dans la demeure bourgeoise de sa belle-famille. Elle s’entend mal avec sa belle-mère (Kristin Scott Thomas). C’est une femme autoritaire, sèche, austère, bourrée de principes, alors même que l’époque est difficile pour tout le monde. Surtout, Lucille s’ennuie profondément de son mari.
Alors que le village a déjà dû mal à absorber le flot de réfugiés, l’occupant allemand impose sa loi. L’hôtel particulier qu’elles partagent est bientôt réquisitionné pour loger un officier allemand (Matthias Schoenaerts). L’homme est délicat, éduqué, très sensible au charme de Lucille et est, comme elle, pianiste.
Amours interdites
Les deux jeunes gens ne tardent pas à tomber amoureux l’un de l’autre. La situation est pour le moins délicate. Mais, elle est complètement irrésistible pour l’un comme pour l’autre. Elle va pourtant s’avérer très utile et révéler l’humanité de ce trio forcé à cohabiter.
Fidèle au livre, le film de Saul Dibb adopte le point de vue rare, inédit des femmes sur la seconde guerre mondiale. Désormais seules, elles assurent la survie des exploitations et des familles. Tout en se protégeant de l’ennemi, parfois en risquant leur vie.
Le point de vue des femmes
Pour une fois, le film ne traite ni de l’Etat major, ni de la souffrance des combattants mais bien de la vie qui continue, au quotidien. Avec le poids du manque, de l’absence, des privations, des injustices, des arrangements avec ceux qui restent et qui dévoilent une face inconnue d’eux-mêmes dans cette adversité du quotidien.
D’autres y révèlent une humanité, un engagement, des valeurs insoupçonnées. C’est le cas de nos deux héroïnes, jouées avec sa distinction habituelle par Kristin Scott Thomas, et par la jeune Michelle Williams, fausse innocente au jeu figé. A cette déception près, cette adaptation signée Saul Dibb, à qui on devait déjà une superbe Duchesse, reste tout du long d’un élégance rare et d’un intérêt soutenu.
De Saul Dibb, avec Michelle Williams, Kristin Scott Thomas, Matthias Schoenaerts, Lambert Wilson…
2013 – Royaume-Uni/ Etats-Unis/ France – 1h47
© Steffan-Hill