Comment relater la vie d’un des chefs d’entreprise les plus charismatiques du XXème siècle? En s’appuyant sur un de ses points forts, répond le réalisateur Danny Boyle : les keynotes, ses fameuses conférences/présentations de nouveaux produits dans lesquelles Steve Jobs, le patron d’Apple, excellait.
Un biopic en 3 keynotes
Comment raconter la vie de Steve Jobs? D’une manière innovante, répond Danny Boyle. En utilisant les fractions les plus intenses de sa vie, ses shows, ses fameuses keynotes que vous ne verrez pas ici mais qui sont vus et revus et disponibles sur youtube. Le cinéaste choisit lui de se concentrer sur les 40 minutes qui les précédent et durant lesquelles la vie de Steve Jobs risque de basculer à chaque fois. Trois quarts d’heure de tensions extrêmes qui se concentrent pour le mettre en danger et qui finissent par donner une structure répétitive formelle proche mais moins pertinente que celle de Slumdog Millionnaire.
Ce séquençage offre toutefois de vrais avantages. Il permet de structurer sa vie autour de trois temps forts professionnels : ses débuts avec le lancement du Macintosh en 1984, ses échecs autour de NeXtcube en 1988 qui lui vaudra d’être rappelé à la tête d’Apple, sa société dont il avait pourtant été écarté, sa consécration avec l’invention de l’IMac en 1998.
En coulisse
Chacun de ses épisodes est l’occasion de traiter de sa vie professionnelle et de revenir sur son parcours, ses embûches, ses coups de génie, ses « emprunts », les relations complexes qui le lient à ses anciens collègues et associés, son éviction d’Apple et son retour fracassant etc… Mais aussi, ce qui est moins connu, sa vie privée à travers ses souvenirs d’enfant abandonné et adopté, ou son premier mariage raté et sa difficulté à reconnaître Lisa, sa fille.
Cette dramaturgie est bien sûr une construction pour les besoins du film. Justifiée puisqu’elle ne pourrait coller à aucun autre, elle met en place un dispositif répétitif donc, mais surtout excessivement bavard en offrant aucune autre possibilité narrative que le dialogue ou plutôt les échanges verbaux entre Steve Jobs et les autres – sa directrice du marketing, ses associés, ses collègues, son ex-femme, sa fille – et cela même si Danny Boyle illustre certaines discussions souvent houleuses par des flash-backs plus explicatifs.
Steve Jobs en négatif
Sous ce flot de paroles ininterrompu, d’une densité éprouvante, Steve Jobs est alors dépeint comme un type abject, odieux, sûr de lui, peu reconnaissant, vengeur, égoïste, égocentrique, victime de sa propre suffisance, génial, en avance sur son temps, visionnaire, imaginatif, qui s’est beaucoup plus construit contre les autres, contre lui même parfois bien plus qu’avec eux. Seules, deux femmes ont réussi à le faire plier : Joanna Hoffman, sa directrice du marketing et Lisa, sa fille reconnue sur le tard.
On reproche souvent aux biopics d’être sirupeux. Celui-là ne l’est pas mais le portrait en négatif qu’il dessine n’est pas toujours assez subtil pour être honnête. Comme si la notoriété et le fan attitude concernant Steve Jobs contre-balançaient déjà nécessairement ce film très attendu (et un livre, celui de Walter Isaacson dont ce long métrage est inspiré).
Michael Fassbender au top
Les acteurs sont formidables. Michael Fassbender, plus Steve Jobs que nature, est incroyable. Il est de tous les plans, avec une énergie formidable qu’il met au service de ce personnage négatif, détestable mais fascinant. Kate Winslet fait mieux qu’assurer en directrice du marketing et fidèle bras droit de Jobs, même si on comprend mal ce qui la retient tant à ce poste-tampon, conciliant et hyper stressant, alors qu’elle pourrait s’épanouir ailleurs, elle donne à contrario son humanité à son patron revêche.
Pour le reste, on apprend peu sur le personnage qui n’ait déjà été dit, sauf sur son insensibilité apparente, le dernier tiers de sa vie n’étant pas du tout traité.
De Danny Boyle, avec Michael Fassbender, Kate Winslet, Seth Rogen, Jeff Daniels…
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