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Smithereens

Smithereens, le premier long-métrage de Susan Seidelman, est projeté le 18 septembre à 18h30 au Lincoln, dans le cadre du 10e Champs Elysées Film Festival. Une rareté qui préfigure un film culte, lui aussi introuvable : Recherche Susan Désespérément.

Wren perdue à Manhattan

En 1982, le Festival de Cannes s’ouvre, pour la première fois, au cinéma indépendant américain en sélectionnant Smithereens, le premier long métrage de Susan Seidelman. Elle repartira sans prix mais avec une force énorme. Celle de reprendre la caméra, de filmer à nouveau le New York interlope de l’époque et de signer, trois ans plus tard, le film d’une génération : Recherche Susan Désespérément. Le premier rôle au cinéma de Madonna.

L’affiche originale tellement 80’s de Smithereens

Smithereens a la fraîcheur des débuts. Susan Seidelman y suit Wren, une jeune fille à la mode, qui a quitté son New Jersey natal, pour fréquenter la scène musicale punk de l’époque. Wren est stylée – on disait lookée à l’époque. Elle porte en toute occasion des bas résille, une mini-jupe, une ceinture ou une cravate fluo, des lunettes de soleil à la monture graphique. Elle est brune – la mode était aux brunes – , pimpante, sans cesse en mouvement. On la suit passer des vieux « dépanneurs » où elle sirote une bière, où l’on joue au Pac-Man aux lofts à peine meublés, aux frigos vides, aux murs en brique blancs que décorent des graffitis et habités par des hordes d’artistes qui se connaissent à peine.

New York – 1980’s

Avec sa bobine, et son allure, Wren séduit Paul dans le métro. Il vient de débarquer du Montana pour tenter sa chance à New York lui aussi. Il vit dans un van coloré, perdu sur un terrain vague en plein Manhattan, au milieu des prostituées hautes en couleur. Mais, Paul est prévisible quand Wren veut rêver. Elle lui préfère rapidement Eric, un chanteur punk qui promet de l’emmener à LA. Quand Wren se retrouve en galère et à la rue, elle passe de l’un à l’autre… au risque de les perdre tous les deux.

Susan Berman est Wren, l’héroïne fracassée mais volontaire de Smithereens

Installée au coeur de cette faune qui l’inspire et qu’elle filme au plus près, Susan Seidelman reste le témoin essentiel du New York des années 1980. Celle qui l’a fréquentée et a su le mieux en restituer l’ambiance. C’est aussi la pionnière avant que Martin Scorsese ne suive ses pas avec After hours ou que Jim Jarmusch la fasse voyager à travers les Etats-Unis. A l’époque, New York, surtout le Lower East Side où se situe le film, est malfamée, dangereuse mais hyper créative. C’est là que le punk explose, que la mode se renouvelle, que le graphisme noir et blanc si typique de ces années-là s’impose. Que le cinéma américain s’émancipe des studios et s’invite dans la rue, à suivre les premiers pas et les galères des futurs vedettes de la scène musicale américaine.

Smithereens, la première pièce de Recherche Susan Désespérément…

La ville a changé, le Lower East Side s’est tellement gentrifié qu’il est méconnaissable et l’époque est révolue. N’empêche que suivre les aventures de Wren, si ancrée dans une époque et un univers, est vraiment aussi nostalgique que rafraichissant. Susan Seidelman ne filme rien d’autre que sa vie, l’errance d’une jeune femme paumée qui croit aux chimères, qui ne fait rien d’autre de ses journées que de poursuivre ses rêves. Elle galère, n’a pas d’argent. Mais, une scène chez sa soeur suffit à nous convaincre qu’elle fait bien d’y croire. Que s’abandonner à la vie qu’on lui destine dans le New Jersey n’en est pas une!

Wren (Susan berman) et Eric (Richard Hell)

Wren est interprétée par Susan Berman, pimpante brunette aux cheveux courts et frisés que Seidelman retrouvera dans Et la femme créa l’homme parfait, cinq ans plus tard. Elle ne fera pas carrière, jouera dans  une dizaine de rôles, à peine plus que Brad Rijn (Paul) qui lui donne la réplique. En revanche, Eric revient à Richard Hell, le chanteur et bassiste du groupe The Neon Boys and Television, qui figure dans la BO décoiffante et parfaitement raccord à l’époque et aux quartiers de New York que le film explore.

… et d’un pan entier du cinéma américain

Les mêmes atouts feront les mêmes effets. En plus grand. Smithereens qui peut se traduire par morceaux dans le sens de « en mille morceaux » peut se voir comme l’anti-chambre du grand succès qui attend Susan Seidelman. Recherche Susan Désespérément ne raconte rien d’autre que l’errance de Wren/ Roberta/ Susan et le New York qu’elle fréquente. Son scénario est toutefois plus sophistiqué. La critique sociale de l’Amérique des banlieues résidentielles plus élaborée. La fin est plus optimiste. Mais le fond reste le même : le témoignage d’un lieu et d’une époque si moderne, si créative, si ouverte, complètement disparue.

La vie fauchée de Wren (Susan Berman) au sein du Lower East Side New York dans les 80’s

 

Film fondateur et d’un courant new-yorkais (voir plus haut) et du cinéma indépendant américain, Smithereens, en décrivant les déboires de jeunes femmes qui ont trop crû à l’American Dream à New York, laissera longtemps des traces dans le cinéma de la côte Est. On pense beaucoup au mélancolique Sue perdue à Manhattan d’Amos Kollek, par exemple, voire au plus récent et plus classique Brooklyn de John Crowley.

De Susan Seidelman, avec Susan Berman, Brad Rijn, Richard Hell…

1982 – Etats-Unis – 1h33

Smithereens de Susan Seidelman est à (re)-voir de toute urgence au 10e Champs Elysée Film Festival dans la sélection Riots girls. Il est diffusé le samedi 18 septembre 2021 à 18h30 au Lincoln-salle 3.

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