Dans la veine de Victoria, Sibyl le nouveau film de Justine Triet explore la psyché d’une femme de 30/40 ans en butte à ses anciens démons. Bancal. Sibyl est en compétition au Festival de Cannes et sera en salle dès le 24 mai 2019.
Manipulation au carré
Des qu’elle décide de balancer sa clientèle pour se remettre à l’écriture d’un livre, Sybil vacille. Et le scénario aussi. Pourquoi fait-elle un choix aussi radical? On ne le sait pas très bien mais c’est lui qui dicte l’enjeu et la suite.
Sibyl est psy depuis dix ans. Et elle sent une urgence à reprendre l’écriture. En dehors de toute logique, elle décide de se séparer de la plupart de sa patientèle pour écrire un livre. Sur quoi ? Difficile à dire. Elle veut écrire, c’est tout. Mais au moment où elle fait ce choix, une patiente au bord du gouffre l’appelle. Margot la supplie tellement que Sibyl accepte de la suivre. Elle met alors le doigt dans un drôle d’engrenage.
Foison
Une psychanalyste manipulée par une patiente est un beau sujet, peut-être pas suffisant pour faire un film. Voilà pourquoi Justine Triet qui aime l’abondance et le désordre a cru bon de rallonger la sauce à l’infini.
A vrai dire, la vie de Sibyl est un capharnaüm. Mère de deux enfants (pourquoi deux puisqu’une seule l’intéresse? De qui est l’autre? ), elle vit en couple avec un homme transparent. Complètement. Pourquoi? Peut-être parce qu’elle est encore phagocytée par la passion qui l’a liée au père de sa deuxième fille et dont elle ne se remet pas. Enfin, si en apparence, mais au fond pas.
Double mise en abime
Lorsque Margot l’appelle, enceinte et désespérée de l’être mais pas prête à avorter, Sibyl est interloquée, concernée. Et c’est à travers l’histoire de cette inconnue et de ses démons qu’elle va enfin trouvé une issue à ses tourments à elle. Ils se réveillent, elle va enfin trouver la force de les affronter.
Mais, pour parvenir à cela, Justine Triet nous embarque dans une odyssée chaotique – c’est sa marque de fabrique certes – où les situations se multiplient, les zones de danger aussi et à laquelle échappe toute rationalité. Comme c’est dit dans la bande-annonce, aucune raison de le cacher. Margot est actrice. Elle est en plein tournage et est tombée enceinte de l’acteur principal qui n’est autre que le compagnon de la réalisatrice. Et tout le dénouement va se tramer sur le tournage du film, à Stromboli (!) où Margot fait venir sa psy.
Jeu de miroirs
Le film dans le film n’est pas l’idée la plus habile du scénario, même s’il évoque sans doute à la réalisatrice un sujet qu’elle maîtrise. Mais, c’est ici maladroit. On peut comprendre l’effet de miroir constant qu’a cherché à mettre en place Justine Triet. Mais, c’est une construction trop artificielle pour être crédible.
D’ailleurs , le film pêche par le foisonnement d’idées, de sujets que la réalisatrice veut traiter : l’alcoolisme, la passion amoureuse, l’écriture, la psychanalyse, la manipulation, la vampirisation, la famille, l’épanouissement, la maternité etc… Le trop est l’ennemi du bien.
Menés en bateau
Autant la folie de Victoria et la déviance des personnages que cette avocate dépassée avait à gérer, était sympathique, éloquente. Autant Sibyl apparaît comme un film brouillon, pas assez réfléchi, pleins de fausses bonnes idées mais pas maîtrisées.
De ce magma encore en fusion émergent toutefois toutefois des perles. Dans le désordre,
- les scènes d’amour très vivantes entre Virginie Efira et Niels Schneider,
- le dialogue d’ouverture entre l’éditeur et l’auteur dans le restaurant de sushi (parfaite),
- les actrices – Virginie Efira, Adèle Exarchopoulos et la moins attendue Sandra Hüller, révélée dans Toni Erdman
De Justine Triet avec Virginie Efira, Adèle Exarchopoulos, Gaspard Ulliel, Sandra Hüller, Niels Schneider, Paul Hamy….
2019 – France – 1h40
Sibyl de Justine Triet est présenté en compétition au Festival de Cannes 2019. Le film qui concourt pour la Palme d’Or sortira en salle le 24 mai 2019.