Vincent Lindon campe le sculpteur Rodin sous la caméra de Jacques Doillon. Une association qui donne envie mais qui n’est que très partiellement réussie.
Empêché par les femmes
Sur le papier, un film sur Rodin signé Jacques Doillon et incarné par Vincent Lindon, donne envie. Et il semblait logique qu’il ait les honneurs de la compétition officielle cannoise.
En le voyant, l’enthousiasme retombe tant l’incarnation tant souhaitée est froide, distante. Académique même, ce qui est un comble! Pas tant du côté de Vincent Lindon d’ailleurs que de celui de Jacques Doillon.
Rodin : « Je ne cherche pas à plaire mais à être vrai »
Le film débute quand le sculpteur commence à avoir du succès. Rodin vient de recevoir sa première commande de l’Etat, celle du portail adapté de la Divine Comédie de Dante. Il vient aussi d’intégrer à son atelier de sculpture, une jeune assistante : Camille Claudel. En parallèle, le film va donc montrer le succès, l’ascension et la reconnaissance du sculpteur et les tourments de sa vie sentimentale.
Totalement dédié à son art, Rodin est en constante recherche de la vérité. » Je ne cherche pas à plaire, dit-il. Je veux seulement être vrai ». Il peaufine sans cesse, affine la courbe d’un corps, la tension d’un muscle. Quand sa jeune assistante, aux émotions à vif, magnifie les mouvements et la sensualité de corps. Il est bluffé, tombe amoureux même s’il n’est pas libre.
Rodin, entre deux femmes
Leur passion durera une dizaine d’années et portera leur génie créatif à son sommet. Mais, le monde des arts est cruel et misogyne.
Camille Claudel lui reproche bientôt d’être un obstacle à sa réussite professionnelle. Selon le film, Rodin n’y pouvait rien et aurait même tout fait pour aider Camille, allant jusqu’à subvenir à ses besoins quand elle était en détresse.
Il montre aussi que Rodin n’a pas choisi entre sa maîtresse Camille et sa gouvernante Rose à qui il a fait un enfant sans jamais le reconnaître.
Rodin, un sculpteur libre, un homme entravé
À vrai dire, l’homme semble empêché, dans sa sensualité et dans ses responsabilités. Il revendique une liberté, celle qu’il prend dans son travail, en « abîmant » Balzac, une gloire nationale qu’il représente ventru et difforme. Mais si celle-ci sied à son art, elle ne convient pas à ses femmes.
Le propos reste intéressant même si le film l’est moins. Pour plusieurs raisons. La mise en scène de Doillon est glaciale, distante. Et ce ne sont pas les quelques scènes d’amour ou de promenade au bord de l’eau où Rodin caresse un arbre qui change quoi que ce soit. Rien ne vibre ici, à part la jeune Izïa Higelin qui interprète une Camille Claudel moderne (moins fiévreuse que celle d’Isabelle Adjani).
Une interprétation sans génie
Lindon lui s’impose de manière monumentale, mais il marmonne tellement dans sa barbe, avec sa voix sourde et grave, qu’on ne comprend pas un mot de ce qu’il dit durant la première heure du film. C’est dommage car le film est plutôt dialogué.
Quand à Séverine Caneele, elle campe sans génie une Rose jalouse, lourdaude dont on se demande bien ce qu’il lui trouve.
La réalisation, enfin, laisse vraiment à désirer. Doillon parvient à signer un film parfaitement académique – on dirait une oeuvre de commande, ce qui était le cas au départ mais dont il dit s’être affranchi – sans âme, ni inventivité. Et son système de prise de vues en tournant autour des œuvres ou de ses personnages les fige dans une ronde factice et répétitive qui n’a pas d’intérêt.
De Jacques Doillon, avec Vincent Lindon, Izïa Higelin, Séverine Caneele…
2017 – France – 1h59
Rodin de Jacques Doillon était présenté le 23 mai 2017 en compétition officielle au 70e Festival de Cannes. A ce titre il concourrait à la Palme d’or. Le film est sorti le 24 mai 2017.