Dans Revoir Paris, Alice Winocour traite de la reconstruction d’une victime après un attentat. Présente à la Quinzaine des réalisateurs 2023, son film est d’une émotion très retenue et pourtant fédératrice.
Survivre à un attentat
Alors qu’elle devait dîner avec son mari médecin, Mia, interprète de russe, se retrouve seule et décide d’aller prendre un verre. Elle s’installe dans une brasserie typiquement parisienne bientôt envahi par un des tireurs fous. Il tire à tout va. Mia réussit à sauver sa peau malgré le carnage.
A peine blessée mais traumatisée, elle revient à Paris après quelques mois au loin et se rend compte qu’elle ne se souvient de rien. Des petites choses de la vie quotidienne réveillent peu à peu sa mémoire. Elle comprend bientôt qu’il va lui falloir faire ce chemin difficile vers la vérité pour pouvoir continuer à vivre.
Revoir Paris est inspiré des attentats du 13 novembre 2015, en particulier de celui du Bataclan. Le frère de la réalisatrice Alice Winocour assistait au concert des Eagles of Death Metal. Il a survécu. Ce film est composé à partir des discussions qu’ils ont eues ensuite et que la réalisatrice a replacé dans un nouvel évènement, un autre contexte.
Étrangement, même si le sujet est dur, d’une violence inouïe puisque l’attentat est en partie filmé, le film est lui plutôt doux. On y suit donc le parcours de Mia, interprétée par Virginie Efira, une jeune femme pleine de vie dont un évènement improbable va modifier à jamais la trajectoire. Quand Mia revient à Paris après la première convalescence, celle de ses blessures physiques, elle semble bien aller, apte à reprendre une vie normale. Un gâteau d’anniversaire lui prouve qu’elle est dans le déni de ce qui lui est arrivé. Mais que pour se souvenir, elle qui a tout oublié, va devoir faire un sacré chemin.
C’est cette reconstruction pleine de heurts, d’incompréhensions et de quelques allers et retours que filme de manière précise Alice Winocour. Elle s’attarde sur les errances et les obstacles que doit traverser une victime, choquée, installée dans un déni de survie pour y parvenir. Le chemin est indispensable mais ne garantit en rien que la personne revivra comme avant, ni aux côtés des mêmes personnes. Car communiquer ce mal être ne semble possible qu’auprès de ceux qui ont vécu le même traumatisme.
Ce processus est donc mal aimable et ne progresse qu’à petits pas, à force d’abnégation.
Virginie Efira qui porte le film et a reçu le César 2023 de la meilleure actrice pour ce rôle, revient à communiquer à la fois cette distance qui la tient hors du monde et cette quête qu’elle n’accepte que contrainte. Mais cette retenue bien maîtrisée et d’une pudeur à respecter empêche le torrent d’émotions sur l’on aimerait ressentir à son endroit, à l’endroit de toutes les victimes de ces actes de barbarie injustes. C’est dommage mais si cette tentative pudique reste à saluer.