La peintre Paula Modersohn-Becker était encore inconnue en France en 2015. Mais Marie Darrieussecq lui a consacré un livre Etre ici est une splendeur et le musée d’arts moderne de la Ville de Paris une exposition. Et voilà le film.
Que ma vie soit une fête !
Elle avait tout pour elle, Paula Becker. Une envie folle de croquer la vie, la jeunesse, le charme et le talent. Mais elle est née trop tôt, à une époque où les femmes avaient tout à prouver, et surtout qu’elles pouvaient choisir leur vie.Issue d’une bonne famille de Brême, elle décide très tôt de devenir peintre. Mais son père ne l’entend pas ainsi.
Qu’importe. Elle intègre le Worpswede, une colonie d’artistes allemands pour se former. Là-bas, art, discipline et rigueur collent mal à sa nature fantasque et à sa volonté d’exprimer et de vivre ses émotions. Y compris à travers sa peinture. Mais elle fascine Otto Modersohn, le peintre allemand le plus doué et réputé de sa génération qui l’épouse.
Paula, une peintre de femmes
Se moquant des conventions, Paula Modersohn-Becker poursuit sa quête artistique en peignant les gens, les paysans qui vivent à proximité et surtout les femmes. Des femmes pleines, puissantes souvent quand elles sont mères ou prêtes à l’être. Elle, justement, à ce sujet, est très frustrée.
Son mari, veuf et père d’une petite fille, ne parvient pas à l’honorer. Apres cinq ans sans relations sexuelles, et alors qu’elle revendique de vivre sa vie pleinement et aussi d’un point de vue sensuel, elle quitte son mari et le Worpswede pour Paris.
Paula, révélée puis oubliée par Paris
Là, elle découvre la vie, les hommes, la liberté… Et trouve une inspiration prolifique. Mais son passé et les conventions de son époque étriquée, trop petite pour ses désirs, la rattrapent.
De retour en Allemagne, elle meurt à 31 ans après avoir donné naissance à une petite fille et à une œuvre riche de plus de 700 tableaux.
Paula, la première peintre à avoir un musée dédié
Elle reste la première femme peintre à qui un musée est consacré à l’œuvre. Il se trouve à Brême, où elle a vécu. Son œuvre est très féminine de part les sujets qu’elle aborde. Elle a peint beaucoup de portraits de femmes, en maternité ou avec de jeunes enfants, tous représentés avec des yeux hypertrophiés.
Un siècle plus tard, elle commence à prendre la place qui est la sienne dans l’histoire de la peinture, celle d’une créatrice originale, rare et prolixe à l’univers fort. Apres l’exposition, du Musée des arts modernes de la ville de Paris en 2016, le livre de Marie Darrieussecq « Etre ici est une splendeur« , ce film devrait contribue à mieux la faire connaître.
En quête de liberté
Tout en relatant fidèlement les événements de sa vie, il s’attache surtout à montrer à la fois l’ambition et la quête absolue de sensualité qui guide Paula. Convaincue très tôt de son talent et de sa vocation, elle n’autorisera rien ni personne à lui faire obstacle.
Et elle saura faire preuve d’une liberté franche dans sa vie comme comme dans son art. D’une certaine manière, Otto Modersohn, son mari, sera un allié précieux.
Une femme absolue
Le film de Christian Schwochow insiste beaucoup sur la nature originale et forte de Paula. Dès la première scène, on comprend qu’elle ne cédera pas. Le réalisateur en fait un être entier, mue par une envie irrépressible d’être elle-même. Les autres personnages, parmi lesquels le poète Rilke, passent donc au second plan. Ils deviennent des sortes de spectateurs de cette femme absolue.
Pour reprendre son souffle, il choisit de glisser entre deux scènes intenses des plans de « contemplation » dans lesquels il filme joliment la nature, les fleurs, le monde autour de Paula, celui qui lui inspire sa sensualité débordante. Paula est au sens esthétique un « beau » film, conventionnel certes, mais interprété avec enthousiasme par Clara Juri. C’est surtout une introduction facile à sa nature et à son travail de peintre.
De Christian Schwochow, avec Clara Juri, Albrecht Abraham Schuch, Calra Westhoff…
216 – France/Allemagne – 2h03