Le Palmarès du 69e Festival de Cannes est tombé, dimanche 22 mai au soir… sans honorer les femmes attendues. Encore un raté!
De l’art d’éviter les femmes
C’est à désespérer ! Longtemps, il y a eu de quoi râler pour parvenir à une relative représentation des femmes dans la sélection cannoise, autant le message semble commencé à être reçu. On est encore loin de la parité entre cinéastes homme et femme, puisque seulement trois réalisatrices – Andrea Arnold, Nicole Garcia et Maren Ade – avaient cette année les honneurs de la Compétition Officielle, mais certaines semblaient majeures – inattendues et majeures.
Et, à défaut, de très beaux rôles de femme ont été défendus par des actrices et des réalisateurs. La moins attendue, Andrea Arnold, figure au palmarès aux côtés d’une Caméra d’Or coup de coeur, remise à Divines de Houda Benyamina mais par un jury différent.
Des femmes en puissance pour un palmarès alternatif
À côté de quoi, ce jury dirigé par le surestimé George Miller – son dernier film Mad Max Fury Road est une abomination sexiste – est-il donc passé ?
A côté du merveilleux Toni Erdmann de la réalisatrice allemande Maren Ade, qui met en scène dans une histoire irrévérencieuse et touchante, un père original en manque d’amour de sa fille, une businesswoman ambitieuse. Le duo est merveilleux, le film plein d’audace et l’acteur Peter Simonischek, qui joue le père, exceptionnel.
A côté aussi, du très subtil Aquarius du brésilien Kleber Mendonça Filho que l’actrice Sonia Braga porte sur ses épaules avec une grâce et une dignité magnifiques. On comprend mal là encore sur le prix d’interprétation féminine lui ait échappé.
A côté de la sulfureuse Isabelle Huppert qui revendique avec Paul Verhoeven dans Elle, le droit à une sexualité dérangeante, différente, rarement mise en scène et avec autant d’élégance.
Le film le plus à sa place dans ce palmarès est sans doute Bacalaureat de Cristian Mungiu dont le scénario analyse les rouages infernaux de la corruption en Roumanie est un modèle du genre, dans un film toutefois moins bouleversant et moins dramatique que 4 mois, 3 semaines et 2 jours qui avait eu la Palme d’or en 2007.
Mais, c’est sa mise en scène (!) qui a été récompensée, ex-aequo avec Personal shopper d’Olivier Assayas, avec la brillante Kristen Stewart.
Des habitués du palmarès
Même demi-enthousiasme concernant Le client de Asghar Farhadi, invité tardif de la compétition et qui repart avec deux prix (c’est beaucoup). Celui du scénario qui salue l’aptitude inhabituelle d’un cinéaste/scénariste/dialoguiste à imaginer une histoire complexe, riche en rebondissements, à partir d’un fait banal du quotidien banal (ici, un déménagement).
Il met ici en place la même mécanique que celle d’Une séparation, Ours d’Or à Berlin en 2011 et succès public du cinéma d’auteur en France avec plus de 900 000 entrées, mais qui traitait d’un sujet plus grave : le divorce. Farhadi a déjà été primé à Cannes, en 2013, pour Le passé, à la mécanique scénaristique moins brillante, pour lequel Bérénice Bejo a reçu le prix d’interprétation féminine. En 2016, c’est l’acteur qui est primé : Shahab Hosseini, qui jouait aussi dans Une séparation. On tourne en rond.
Pour le reste, le palmarès – le prix audacieux à un Ken Loach (79 ans) déjà sacré en 2006 pour Le vent se lève, un de ses films les plus bancals, le prix de l’émotion à Xavier Dolan, pour Juste la fin du monde, un de ses films les plus mineurs, ou le prix d’interprétation à Jaclyn Jose dans Ma’ Rosa réalisé par Brillante Mendoza, laisse perplexe.
Le palmarès de la Compétition officielle
Longs métrages
- Palme d’or I, Daniel Blake réalisé par Ken Loach
- Grand Prix Juste la fin du monde réalisé par Xavier Dolan
- Prix de la mise en scène Ex-Aequo Cristian Mungiu pour Bacalaureat et Olivier Assayas pour Personal Shopper
- Prix du scénario Asghar Farhadi pour Le Client
- Prix du Jury American Honey réalisé par Andrea ARNOLD
- Prix d’interprétation féminine Jaclyn Jose dans Ma’ Rosa réalisé par Brillante Mendoza
- Prix d’interprétation masculine Shahab Hosseini dans Le Client réalisé par Asghar Farhadi
Courts-métrages
- Palme d’or Timecode réalisé par Juanjo Gimenez
- Mention spéciale du Jury A moça que dançou com o diabo (La Jeune fille qui dansait avec le diable) réalisé par João Paulo Miranda Maria
Caméra d’Or Divines réalisé par Houda Benyamina présenté dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs
Le Prix Vulcain de l’artiste-technicien (CST) Seong-Hie Ryu pour la direction artistique de Mademoiselle réalisé par Park Chan-Wook.