Bien sûr que le prolétariat est un terrain inépuisable. Mais, qu’est-ce que les frères Dardenne qui le filment depuis des décennies, ont-ils encore à dire de neuf sur le sujet ? C’est l’un des enjeux de leur neuvième long métrage de fiction : Deux jours, une nuit. Avec une nouveauté de taille. Pour une fois, ils confient le premier rôle à un star internationale confirmée (et non à une actrice en devenir) : Marion Cotillard, qui joue Sandra.
On avait laissé Mathieu Amalric réalisateur en pleine introspection sur son métier, charmé les formes voluptueuses et opulentes des danseuses New Burlesque qu’il a largement contribuées à remettre au goût du jour. Depuis, on le croisait régulièrement comme acteur. Le revoilà donc et pour la quatrième fois derrière une caméra.
Dans les griffes d’une prédatrice
Amalric a choisi d’adapter un roman de Georges Simenon et s’amuse des codes du polar, pas tant pour les détourner que pour les pousser dans leurs retranchements. L’argument est simple, une histoire d’adultère qui tourne mal, très mal. Lui est un concessionnaire de machines agricoles qui a a réussi, marié, père d’une petite fille.
Il est revenu depuis quelques années dans la région de son enfance et y retrouve Esther, une amie de lycée, mariée elle aussi et devenue la pharmacienne de la petite ville de province où tout ce beau monde habite. Dès qu’elle le revoit, Esther le veut. Elle l’aura. Au prix fort.
Bien monté
Ce qui est le plus réussi dans ce drame provincial qu’Amalric s’applique pour le coup à détourner en choisissant des lieux non pas emblématiques mais plus modernes, comme cette superbe maison où il habite, c’est le montage scrupuleux du film. Un montage original du récit tout d’abord où se mêle l’histoire de l’adultère, l’enquête policière puis le jugement et cela sans temps mort.
Mais surtout, Amalric a utilisé une astuce qui dynamise le récit : les dialogues sont légèrement décalés et amorcent ce que l’on voit à l’écran, l’oral devançant de quelques secondes la preuve apportée par l’image. Ce qui parvient en même temps à renforcer le suspense et impulse un rythme particulier au film.
Manque de passion
Jamais Amalric réalisateur, n’avait jamais tant fait la preuve de son talent. Pour la première fois, il ne base pas du tout son film sur une seule idée maligne (la révélation du New Burlesque par exemple) mais multiplie les qualités pour se parer de tous les atouts : la musique est envoûtante, la prise de vue intéressante et le jeu des acteurs à l’unisson, sauf et surtout au début, Stéphanie Cléau, sa partenaire à la ville et au scénario. Mais, c’est surtout la structure narrative et son montage décalé qui donne tout ce sel à cette Femme d’à côté, sans toutefois la passion dévorante du film de Truffaut.
De et avec Mathieu Amalric, Léa Drucker, Laurent Poitrenaux, Stéphanie Cléau…
Le papillon, le film précédent du réalisateur Philippe Muyl, a eu tellement de succès en Chine qu’un producteur français installé là-bas lui a proposé d’en imaginer un remake chinois. Muyl a préféré imaginer un autre récit, plus ancré dans la culture locale et co-écrit avec une actrice chinoise.
Deux facettes
Le promeneur d’oiseau qui est avant tout une magnifique promenade entre Chine urbaine et traditionnelle, s’ancre complètement dans la réalité actuelle. Renxing, 10 ans, est l’enfant unique et donc archi-gâtée d’un couple happé par sa réussite sociale et professionnelle. Elle habite à Pékin et ne voit jamais son grand-père, Zhigen.
Au hasard d’agendas professionnels surchargés, Renxing se retrouve à la charge de son grand-père. Ensemble, ils partent pour le village natal de Zhigen qui s’est enfin décidé à tenir la promesse qu’il a faite à sa femme, morte il y a plusieurs années.
Racines
Le film raconte le contexte mais aussi le long périple qui va permettre à la petite fille de découvrir son grand-père, ses racines et une autre culture que celle de la ville tentaculaire qu’est devenue Pékin, de sa solitude et de ses nouvelles technologies. La découverte de la campagne chinoise profonde est vraiment merveilleuse, plus intéressante que l’histoire familiale dopée à l’extrême de bons sentiments inutiles.
De Philippe Muyl, avec Li Bao Tian, Yang Xin Yi, Li Xiao Ran, Qin Hao
Ce qui passionne Sarah, c’est le demi-fond. Elle est douée, s’entraîne méthodiquement et bientôt repérée par la prestigieuse université Mc Gill de Montréal pour intégrer son équipe universitaire. Mais, Sarah a peu d’argent.
Pas rose, le mariage
Alors, pour assurer son déménagement et sa survie à Montréal, elle qui vient de la banlieue de Québec, elle se marie à Antoine, un de ses amis, les jeunes couples d’étudiants mariés pouvant postuler à des bourses gouvernementales.
Pour Sarah, c’est un mariage blanc, un arrangement financier qui n’a aucune autre signification. Pour Antoine, c’est un peu différent. Mais, il ne parviendra pas à modifier la trajectoire de Sarah, entièrement dévouée à sa course et au contrôle de ses émotions. Enfin, jusqu’à un certain point.
Féminin
Présenté à Un Certain Regard en 2013, ce film est très emblématique de la relève québécois. Par sa jeune actrice tout d’abord, Sophie Desmarais, impeccable dans son rôle d’athlète déterminée mais bientôt ébranlée par des sensations inconnues et imprévues, qui collent mal avec les codes qu’elle s’est imposée et dans lesquels elle ne se reconnaît finalement pas.
Pour sa réalisatrice ensuite, une jeune québécoise de 25 ans qui signe ici son premier long métrage mais déjà sa deuxième sélection cannoise. Chef de meute, son 5e (!) court-métrage ayant été en lice pour la Palme d’Or en 2012. Et elle s’est depuis attaquée à son prochain projet, Féminin/féminin, une série TV sur l’homosexualité féminine.
Relève québécoise
Deux talents à regarder de plus près, Sophie Desmarais s’étant déjà illustrée en 2013 dans Le démantèlement de Sébastien Pilote, un très beau film sur la fin d’une ferme et d’une génération au Québec dans lequel elle jouait la fille urbaine du fermier.
De Chloé Robichaud, avec Sophie Desmarais, Jean-Sébastien Courchene, Geneviève Boivin-Roussy, Hélène Florent…
Emilie Dequenne ne lira pas le livre de Philippe Vilain avant l’été. En l’adaptant, Lucas Belvaux lui a pourtant offert un grand rôle. Pourquoi ce livre ? Pourquoi cette actrice ? Voilà ce qu’ensemble, ils nous ont confié concernant Pas son genre, en salle mercredi 30 avril 2014.
Qu’y avait-il de si fort dans le livre de Philippe Vilain qui vous pousse à en faire un film ?
Lucas Belvaux : J’ai eu envie de faire le film avant de lire le livre. J’avais entendu Clémentine Autain en parler à la radio. Elle en parlait si bien que sur le chemin de la librairie j’avais déjà envie de l’adapter, sans même connaître l’auteur. L’histoire et les personnages étaient suffisamment forts.
Qu’avez-vous gardé du livre ?
L B : L’essentiel, c’est-à-dire l’histoire, des séquences, des dialogues. Mais pas le style de récit à la première personne du personnage masculin. J’ai mis Clément et Jennifer à égalité parce qu’une histoire d’amour est toujours plus jolie à deux et surtout bien plus vivante racontée ainsi.
La rencontre d’un prof de philo et d’une coiffeuse. C’est pas un peu cliché ?
Emilie Dequenne : Sauf que l’amour que Lucas Belvaux porte à ses personnages est présent dès les premières lignes du scénario. Je n’ai jamais eu peur ! Clément m’a intriguée très vite. Quant à Jennifer, j’avais envie d’être sa copine : elle est très sympathique, pleine de vie, très ouverte et finalement, la plus libre des deux. Très loin d’une caricature donc.
Qu’avez-vous fait pour l’éviter ?
E D : Dès la construction du personnage avec les chefs costume, coiffeur, maquilleuse, accessoires, déco…, nous avons tout fait pour que Jennifer soit pleine de vie, haute en couleur, avec un souci du beau, du détail. Elle s’occupe d’elle, embellit la vie… et donne de suite envie de l’aimer.
LB : J’écris des scénarios précis, en faisant très attention que les séquences de présentation définissent déjà où les personnages iront. Pour Clément au contraire, j’ai travaillé sur les clichés, sur des signes immédiats qui le définissent immédiatement : ses vêtements, ses femmes, son appart, le bar où il boit son café le matin. On le comprend en 4 ou 5 images. Très vite, on peut donc passer à autre chose : affiner les caractères pour surprendre.
Quand Clément rencontre Jennifer, en tombe-t-il amoureux?
LB : Il veut de la compagnie, mais tombe progressivement amoureux. C’est une histoire d’amour asymétrique : dès qu’elle le voit passer derrière une vitrine, elle est attirée par lui. Lui non. Mais, elle choisit de se laisser séduire, et pas seulement draguer. Elle veut faire durer le plaisir de la séduction. Lui n’est pas contre, même s’il trouve que ça dure un peu longtemps.
La lecture les rapproche et un livre les éloigne. Etait-ce la même chose dans l’œuvre de Philippe Vilain ?
LB : Je ne m’en souviens plus, mais je trouvais important ce geste qu’il n’a pas pour elle parce qu’il ne veut pas passer pour un pédant, pour un prétentieux, et qu’elle interprète comme du mépris.
ED : La littérature les lie dès le début, même si ce n’est pas la même. Quand il ne partage plus, elle prend une claque ! C’est dur pour elle !
Vous vous servez du karaoké comme d’un élément du récit…
LB : Oui, c’était un moyen pour exprimer dans le film ce qui est dit en pensée, en mots dans le livre. Les chansons ne sont pas décoratives, elles font avancer le récit et racontent beaucoup Jennifer. Elle chante avec sérieux avec l’envie de transformer sa vie en comédie musicale.
Et à jouer, comme était-ce ?
ED : C’était amusant, mais le répertoire choisi était dur. Je comptais prendre des cours de chant, mais Lucas m’a calmée en me disant : « Jennifer est coiffeuse, pas chanteuse. Elle s’éclate en chantant, mais c’est tout. Essaie de chanter juste ». Donc mon travail a été de connaître suffisamment les chansons qu’on a enregistré en studio avant, pour être très à l’aise sur le tournage.
Les auteurs redoutent d’écrire des rôles de femmes. Avez-vous bien réussi Jennifer, parce qu’elle est lisible, facile à comprendre ?
LB : Elle était avant tout très bien décrite dans le livre. Et j’avoue avoir autant de points communs avec elle qu’avec Clément. La différence fondamentale entre les hommes et les femmes est un rapport au temps et à l’engagement. Clément, intello, parisien de 38 ans, est encore en pleine ascension : pour lui, le meilleur est à venir. En se burinant, il ne sera que plus séduisant. Jennifer, 33 ans, mère célibataire, coiffeuse à Arras, se vit déjà sur le déclin. Elle appréhende déjà de vieillir, elle a l’impression que les mecs ne l’aiment que pour son physique. Elle se bat contre tout , contre le temps qui passe, contre la peur de voir les hommes s’éloigner.
Du coup, c’est un film pessimiste ou réaliste ?
ED : pour moi, c’est un film qui fait du bien, riche en sensations, en émotions, sur une femme libre et heureuse.
LB : C’est un film qui dit que l’amour est fragile, qu’il demande de l’attention, de l’écoute et qu’il n’est jamais acquis. Mais, ce n‘est pas pessimiste.
Lire aussi la critique Pas son genre
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Kim Vercoe est une actrice de théâtre australienne qui n’aime rien moins que sortir des sentiers battus. Une année, elle décide de venir passer ses vacances, seule, en Bosnie. Avertie, elle les prépare en lisant plusieurs livres dont un guide de voyage et se retrouve à séjourner quelques jours à Visegrad, un village qui ne semble pas avoir été affecté par la guerre : aucune trace de démolition, aucun mémorial ne sont apparents.
Hôtel hanté
Pourtant, les nuits qu’elle passe à l’hôtel recommandé par son guide, sont atroces. Kim finit par se renseigner et découvre avec horreur que 1757 personnes ont été assassinées à Visegrad et 200 femmes ont été violées et tuées dans l’hôtel où elle loge. Les meubles de chambres n’ont même pas été changés depuis.
Traumatisée, Kim rentre chez elle mais les fantômes de Visegrad la hantent tant qu’elle décide d’écrire une pièce de théâtre. C’est en découvrant la vidéo de Sept kilomètres Nord-Est que la réalisatrice Jasmila Zbanic, révélée par son film Sarajevo, mon amour, – Ours d’Or à Berlin en 2006, lui aussi sur la vie d’une femme et de la fille qu’elle a eut suite à un viol pendant la guerre de Bosnie-, la contacte.
Honorer les victimes
Ensemble, elles décident alors de revenir sur ce qui s’est passé à Visegrad et expriment la même nécessité à honorer la mémoire de toutes ces victimes. L’histoire est puissante, tellement troublante que ce film, mi-fiction, mi-documentaire, mériterait un fort impact.
Ce ne sera sans doute pas le cas –c’est une petite sortie- et pourtant, il mène une enquête salvatrice sur les difficultés de vivre après une guerre, en gardant vivace la mémoire de ce qui s’est passé, Sans déni, sans outrance, sans jugement même. Avec un regard juste, légitime et tout simplement humain pour les victimes et leurs mémoires. Ce qui est loin d’être facile mais reste indispensable.
De Jasmila Zbanic, avec Kim Vercoe, Boris Isakovic, Simon McBurney…
C’est la toute fin de l’été dans cette petite ville perdue du nord des Etats-Unis. Il ne se passe rien, sinon la chaleur accablante et la rentrée prochaine… et l’évasion d’un certain Frank de la prison voisine.
Solitudes
A la lisière de cette ville, dans une grande maison un peu isolée et sombre vit Henry, un jeune ado, seul avec sa mère, Adèle. C’est lui qui va nous raconter l’histoire, inspirée de Long week-end, un best-seller signé Joyce Maynard.
Adèle est une femme triste, lugubre même depuis que le père d’Henry l’a quittée. Elle ne sait plus quoi attendre de la vie, elle qui n’existe que quand elle est aimée et amoureuse.
Rencontre
En allant faire des courses au supermarché du coin, Adèle et Henry tombe justement sur un homme, qui les force à le conduire chez eux. C’est Frank qui n’est évidemment pas aussi méchant que la réputation qui le précède. Au contact d‘Adèle, il va même s’adoucir totalement et commencer à la séduire.
Aucun doute, l’histoire est extrêmement téléphonée mais l’inverse nous aurait déroutés. Donc, Adèle et Frank s’apprivoisent et se séduisent mutuellement, l’un précipitant sa perte quand l’autre réapprend à vivre.
Vieillot
Mais pourquoi diable, avoir fait de cette comédie sentimentale un peu vaine une sorte de roman-photo vieillot, avec des images qui sentent la naphtaline alors que le film est sensé se passer dans les années 80 ?
Et que dire de ces flash-backs pleins de poussière qui viennent de temps à autre, expliquer la vie de l’un à l’autre (c’est d’une lourdeur !) en tant de lui faire comprendre qu’ils sont tous les deux victimes d’une erreur de jeunesse ?
Du chili et une tarte
En plus, le scénario est bourré d’anachronismes, de scènes inutiles (pourquoi l’attache-t-il à la chaise à part pour aggraver son cas ou booster l’érotisme de leur rencontre ?
Qu’y-a-il à sauver de ce cinquième opus de Jason Reitman – on lui doit Thank you for smocking, Juno ou In the air) – dont aucun n’était aussi daté ? Le couple Kate Winslet et Josh Brolin, assurément et deux recettes de cuisine : celle du chili con carne et surtout celle de la tarte aux pêches.
De Jason Reitman, avec Kate Winslet, Josh Brolin, Gattlin Griffith…
On la savait styliste, galeriste, innovatrice, photographe, productrice, mécène etc., agnès b. est aussi cinéaste. Elle réalise son premier film, Je m’appelle hmmm… un film dur mais plein de charme.
Avant que Khumba naisse, les zèbres d’Afrique du Sud vivaient heureux autour d’un point d’eau, protégé d’un enclos, à l’abri de tout prédateur. Quand le petit apparaît, la robe seulement à moitié recouverte de rayures, la vie change.
Un vilain petit zèbre
Khumba, rejeté, n’a qu’un rêve : parvenir à retrouver ses zébrures complètes. On prétend même que son infirmité est un mauvais sort. L’eau commence à manquer… Khumba n’a d’autre issue que de quitter les siens.
Récit initiatique et aventureux, ce dessin animé en 3D revisite le conte du vilain petit canard en le dynamisant. Ici, le destin du héros n’est plus personnel. Il s’agit de sauver une communauté apeurée et trop renfermée sur elle-même.
Peut mieux faire…
Maniant comme la plupart des grosses productions animées d’aujourd’hui, un peu d’humour, un zeste d’aventure et des (bons) sentiments familiaux, ce film remplit le cahier des charges sans soulever l’enthousiasme.
Il manque un peu d’audace, des personnages vraiment décalés. En revanche, il tient sa morale : « le fait d’être unique est déjà un pouvoir ». A noter aussi le soin apporté à certains décors et la scène amusante des « marmottes » en folie.
D’Anthony Silverston, avec les voix françaises du Djamel Comedy Club
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