3 coeurs
Dans 3 coeurs, centré sur 3 femmes liées par le sang et un homme, Benoît Jacquot filme la passion comme une bombe à retardement. Tentant.
Dans 3 coeurs, centré sur 3 femmes liées par le sang et un homme, Benoît Jacquot filme la passion comme une bombe à retardement. Tentant.
Différent ou complémentaire ? Voilà la question abordée par ce programme de 7 courts-métrages sans paroles, datant de 1960 à 2011, provenant de Pologne, Royaume-Uni, Israël, Canada, Russie, Allemagne et Bulgarie.
Quatre d’entre eux parlent d’animaux. Des éléphants rayés sont rejetés par leur troupeau ; un chien a réussi à attraper sa queue qui devient de plus en plus autonome ; une éléphante trouve sa trompe et ses oreilles trop grandes et se les fait réduire ; enfin, un chien est habité par un chat et ni l’un ni l’autre ne peuvent se faire des amis.
A chaque fois, les techniques animation sont différentes et créatives : une simple feuille de papier Canson crayonné pour le chien et sa queue, de très beaux papiers découpés et colorés pour les éléphants rayés, la ville de Paris dessiné en pop aplati pour le chien/chat…
Les trois autres films sont plus abstraits. Le premier raconte, dans un dessin au trait minimaliste, l’histoire d’un jeune fantôme qui a peur de tout. Celui de l’Ecole des ronds et des carrés, avec un graphisme très simple et très géométrique, parle de l’intégration d’un octogone violet dans une classe de figures bleues et rouges.
Notre préféré reste celui du squelette gentil, qui s’échappe de son cercueil pour découvrir la grande ville moderne, le tout avec des bruitages exceptionnels, des dessins aux couleurs simples et chaleureuses et un joli trait d’humour.
1960/2012 – Pologne, Royaume-Uni, Israël, Canada, Russie, Allemagne/Bulgarie – 0h37
En partenariat avec Grains de Sel
Donner vie aux peintures d’Edward Hopper et les lier en un film. Sur le papier, l’idée est passionnante, intrigante. Animer ses personnages statiques, saisis sur l’instant alors qu’on devine toujours qu’ils ont une vie avant et après le tableau, les relier dans une histoire, ancrée dans l’euphorisante Amérique des années 1930 à 1960 est une évidence.
Gustav Deutsch, cinéaste expérimental, a ainsi sélectionné 13 tableaux d’Hopper, certains très célèbres. Il a choisi la plupart du temps des peintures représentant un personnage féminin – la muse d’Hopper était sa femme, Joséphine-.
Cette héroïne est ici toujours incarnée par Stéphanie Cumming, une danseuse à la maitrise des mouvements exemplaires. Le réalisateur a imaginé qu’elle était une actrice à la carrière chaotique, marié à un photoreporter, engagée et vigilante observatrice des trente années qu’elle traverse.
La succession de tableaux reprend à la fois l’histoire des Etats-Unis, racontés par le biais d’un journal radiophonique, et le monologue intérieur de cette femme, qui analyse son époque, sa vie professionnelle et personnelle, en se prenant peu à peu sa place dans la peinture puis en la quittant. On regarde ainsi une succession de saynètes dans laquelle la jeune actrice parle des errances de son métier comme de ses incertitudes maritales, ou encore du chaos ambiant.
Il faut un temps d’adaptation avant de comprendre comment fonctionne ce dispositif. Notamment parce que le premier tableau choisi par Gustav Deutsch est un des plus énigmatiques. Dans Chair car (1965), Shirley prend place dans le compartiment d’un train, tourne son fauteuil et s’installe pour lire. Ainsi commence ce voyage inédit, envoûtant. Sa radicalité devient toutefois lassante sur la longueur, même si on ne peut qu’apprécier la minutie de la reproduction.
Gustav Deutsch prétend que son film a demandé neuf ans de préparation, le temps de définir précisément une palette de couleur, de lumière, d’imaginer le fil conducteur de ce voyage, d’ajuster les cadrages… C’est vrai et très réussi, mais cette perfection extrême, cette démarche radicale méritent une attention d’une exigence qui dépasse celle d’une salle de cinéma.
Surtout, il faudrait pourvoir comparer avec le tableau, confronter notre interprétation avec la sienne. Mais ce qui reste troublant, et c’est instant unique où le film reproduit exactement le tableau, un moment furtif sur lequel Gustav Deutsch ne s’appesantit jamais et qui finit, donc, par valider l’entièreté de sa démarche.
2013 – Autriche – 1h32
© Jerzy-Palacz
Et revoilà la si sympathique petite taupe dans cinq épisodes inédits datant de 1963 à 1976. Née sous la plume du peintre et illustrateur tchèque Zdenek Miler en 1957, récompensée dès son premier épisode au Festival de Venise, elle a parcouru plus d’une cinquantaine d’aventures et plus de 80 pays. Son réalisateur a signé sa dernière contribution en 2002, à l’âge de 81 ans !
Pour ceux qui ne la connaissent pas encore, la petite taupe porte les yeux d’un enfant sur le monde. Elle est drôle, amicale, très curieuse.
Elle vit entourée d’une bande de joyeux animaux qu’elle croise soit dans la forêt où elle habite ou dans les jardins privés ou dans les parcs publics où elle déplace sa taupinière.
Un rien l’amuse et est matière à découverte : un parapluie, un tuyau d’arrosage, un masque de carnaval ou des lampions ou encore une sucette abandonnée sur un banc par des enfants gourmands.
Surtout, la petite taupe a une haute conscience de la justice et malheur à tous ceux qui se seraient moquer d’elle ou de ses amis, comme l’apprendra le corbeau, voleur de sapin de Noël, ou les abeilles rieuses à leurs dépens.
Evoluant dans des décors simples, colorés et agréables, la petite taupe, adorable avec ses trois poils sur la tête et ses yeux si expressifs, reste une incontournable découverte pour les plus petits.
1963/1976 – République Tchèque – 0h40
En partenariat avec Grains de Sel
Il y a sept ans que Martin (Fabrice Luchini), ex-critique littéraire, a délaissé Paris pour reprendre la boulangerie de son village d’origine, en Normandie. Sa vie s’écoule au rythme de son pétrin quand de nouveaux voisins viennent s’installer en face de chez lui. Une histoire banale si ces nouveaux venus n’avaient pour nom Gemma et Charles Bovery…
Le point de départ de ce film littéraire est un roman graphique anglais de Posy Simmonds qu’Anne Fontaine a choisi d’adapter. Une BD caustique qui se moque des néo-ruraux, des yuppies anglais et de la culture romanesque.
Martin tombe immédiatement amoureux de Gemma. Ou plutôt de l’idée qu’il se fait de Gemma, ce double contemporain d’Emma Bovary, dont il dessine le destin en suivant pas à pas le livre de Gustave Flaubert. Cet amour par procuration est à la fois l’événement et la douleur de sa vie. Il devient même son obsession et un dessein qu’il entreprend de modeler comme ses miches (de pain).
Gemma (Gemma Arterton, à la sensualité torride), elle, n’a pas lu Flaubert et entend bien vivre sa vie comme elle en a envie. L’amour de son mari Charles (Jason Flemyng) ne lui suffira bientôt plus et c’est avec délice qu’elle va se glisser dans une relation adultère avec le châtelain du village, le jeune bellâtre Hervé de Bressigny (Niels Schneider), sans parvenir à oublier ni son ennui, ni ses déceptions.
Oublions tout de suite la fin grotesque, et la toute fin, virgule amusante, de ce film ambitieux mais pas totalement réussi. La trame narrative, bien qu’originale, souffre de pas de côté contemporains qui alourdissent le propos. Par exemple, les personnages caricaturaux d’Elsa Zylberstein et de son mari gonflent artificiellement cette critique de ses nouveaux snobs venus envahir à grand renforts de fric et de mauvais goût l’authenticité des campagnes. De plus, la manière dont Anne Fontaine se débarrasse de son héroïne, n’a aucune finesse, un peu comme la musique pesante qui sur-signifie l’époque contemporaine de manière choquante. .
En revanche, le casting est formidable: le rôle était incontestablement taillé pour Fabrice Luchini, qui parvient la plupart du temps à contrôler ses pulsions démonstratives pour un peu plus d’émotion. La scène où il se déclare en metteur en scène de la vie d’Emma, au marché, est à cet égard savoureuse, comme celle où il lui apprend à pétrir le pain. Emma Arterton, débordante d’une sensualité naturelle, est merveilleuse, appétissante, enjôleuse à souhait en partie grâce son très joli accent anglais.
L’autre intérêt du film tient à ce qu’il est avant tout une comédie romantique, platonique, un amour non consommé mais d’autant plus ardent. Un genre où Anne Fontaine est désormais plus à l’aise que dans la parodie dont elle étaye, parfois et souvent à contretemps, son propos.
2014 – France – 1h39
Nira est institutrice. Elle enseigne en maternelle depuis plusieurs années et ses méthodes n’ont jamais dérogé à la règle. Mais, quand elle décèle chez Yoav, un petit garçon de 5 ans, un talent inné pour la poésie, elle est littéralement fascinée. Persuadée d’être investie d’une mission que personne ne lui a pourtant confiée, elle est prête à tout pour révéler à tous le génie pur de cet enfant.
L’institutrice est l’histoire d’une folie ordinaire, celle qui gagne quand l’ennui a triomphé de l’excitation de la vie. Nira n’est pas folle, loin de là. Elle essaie surtout de redonner du piment à son existence un peu morne – un vieux mari, des enfants devenus autonomes…-. D’ailleurs, elle participe elle-même à des ateliers de poésie et se confronte à chaque fois aux limites de son inspiration, de son talent.
Quand elle entend Yoav déclamer ses vers libres, spontanément, elle est subjuguée, révélée. Pour elle, Yoav est un génie incompris, notamment pour son père qui s’oppose farouchement aux conseils de l’institutrice. Elle n’en tiendra pas compte…
Faire aujourd’hui un film ayant pour thème principal la poésie est vraiment gonflé. Comment intéresser en image à partir d’un sujet considéré comme aussi superfétatoire et en rupture total avec la recherche effrénée de rentabilité à outrance ? Voilà justement le propos de ce jeune cinéaste israélien qui en profite pour imposer une caméra sereine, simple, et à juste distance de ses deux protagonistes : une institutrice ultra, libre de ses convictions et un enfant charmeur et déjà manipulateur.
Pourtant, son propos, aérien, perd de sa puissance en devenant irrationnel. Et la confrontation entre la fausse naïveté de l’enfant et la liberté que s’autorise l’institutrice, investie d’une mission absolue, prend un envol extrême inattendu et inconcevable qui, du coup, annihile la légèreté qui avait prédominé jusqu’alors. Ce film, le second du réalisateur, était présenté en séance spéciale à la Semaine de la Critique, en mai 2014.
2014 – Israël – 2h
Mercredi 10 septembre 2014, la nouvelle Fondation Jérôme Seydoux-Pathé ouvre au public les portes de son bâtiment tout neuf, dessiné par Renzo Piano.
Située dans l’ancien théâtre puis cinéma des Gobelins, fermé depuis 2003, dans le XIIIe arrondissement de Paris, ce bâtiment épuré derrière sa façade sculptée par Rodin, regroupe à la fois un petit musée, d’un centre de documentation, des ateliers pour les enfants, une galerie d’exposition et une salle de projection de films de patrimoine.
En plus de sa magnifique verrière signée Renzo Piano, qui vaut le coup d’œil, ce lieu concentre toutes les archives disponibles de la maison Pathé, depuis sa création en 1896 : des caméras et des projecteurs exposés au premier étage, des affiches, des photos de tournage, des livres de compte, des dossiers de presse et même des documents scientifiques qui servent aujourd’hui à la restauration des films anciens. On y trouve même le projet de cinémathèque imaginé en lieu et place de l’Hôtel Crillon décrit dans la correspondance qu’échangeaient Charles Pathé et Abel Gance.
Enfin, une salle de projection de 70 places, au sous-sol, propose un programme régulier de ciné-concerts pour (re)découvrir des films oubliés du septième art.
Fondation Jérôme Seydoux – Pathé, 73,ave des Gobelins – 75013 Paris. tel : 01 83 79 18 96.
Photographies de Michel Denancé – Coll. Fondation Jérôme Seydoux-Pathé © 2014 – RPBW
Umber Singh, le père d’une famille bourgeoise indienne et sikh, a déjà trois filles. Sa femme est à nouveau enceinte et il est impensable qu’elle mette au monde une autre fillette.
Umber veut un fils pour restaurer l’honneur qu’il a déjà perdu en abandonnant sa maison et en fuyant son village, lors de la partition de l’Inde et du Pakistan en 1947. L’enfant nait fille, mais Umber décide de cacher son sexe à tous et de l’élever comme un garçon. Il parvient même à le marier. Mais à quel prix ?
Ce film dur, teinté d’exil, de mort et de malheurs, traite simplement de sujets très forts : le poids des traditions, notamment celle de l’honneur, l’identité sexuelle, l’autorité toute puissante du père et le traumatisme de la partition de l’Inde en 1947, souvent abordée dans le cinéma d’auteur indien.
Mais, les spectateurs enfants et adolescents seront sans doute surtout intéressés ou troublés par le fait d’avoir été élevé dans le déni de son sexe de naissance. Cette histoire, inspirée par des coutumes locales et l’expérience du réalisateur Anup Singh, est très maitrisée dans sa première partie plus narrative. Elle est moins compréhensible à la fin, quand les fantômes reviennent hanter les jeunes mariés en proie au doute et au choix de leur destinée, de toute façon malheureuse.
2013 – Inde – 1h49
En partenariat avec Grains de Sel
En 1995, la guerre de Bosnie est finie. Mais, les conflits ethniques entre les Serbes et les Bosniaques, musulmans, sont loin d’être réglés. Après la mort de sa mère, Irina, fillette d’origine serbe, tente avec son père de quitter la zone dangereuse. Les miliciens sont à leurs trousses et parviennent à blesser gravement son père.
Irina n’a d’autre choix que de l’abandonner. Dans sa fuite, elle tombe sur une famille de paysans qui vit à l’écart et la recueille. Irina se lie d’une profonde amitié avec Malick, le fils et avec son chien.
La guerre ou l’après-guerre, vus par les yeux d’un enfant, le sujet n’est pas nouveau mais il acquiert ici une acuité particulière à cause de sa proximité géographique et temporelle. Nous sommes au cœur de l’Europe, il y a moins de 20 ans !
Pourtant, on y trouve des paysans qui y vivent comme au XIXe siècle, dans une masure misérable sans eau, ni électricité mais avec, sous leur aspect bourru, le cœur sur la main et une tradition d’hospitalité vivace.
Le récit s’émancipe peu à peu de ces descriptions convenues et l’histoire de cette petite Irina finit par prendre un tour plus captivant quand son amitié avec Malick devient un échange. mais, elle n’échappe ni à son ambition de téléfilm, ni aux aberrations scénaristiques.
2013 – France – 1h27
En partenariat avec Grains de Sel
Une plongée sincère dans l’univers hospitalier. Voilà Hippocrate, le second film de Thomas Lilti, passionné de cinéma et ancien médecin.