Pascale Diez, la réalisatrice de ce documentaire étonnant, est une spécialiste de l’éducation par le cinéma. Sa longue expérience a récemment abouti à un constat : la mixité sociale à l’école n’existe plus, au contraire, l’école ne fait que renforcer les inégalités culturelles et sociales.
Pour lutter contre, elle a eu l’idée de mener une opération innovante. Tout au long d’une année scolaire, deux classes de CM1 de Paris, l’une des très beaux quartiers, l’autre d’une zone populaire à forte population immigrée, vont travailler à monter un spectacle ensemble. Tous ensemble… Et si au début de l’expérience, les relations sont tendues, des liens et des amitiés vont commencer à se tisser à travers et grâce aux disciplines artistiques explorées.
Par un montage judicieux, la réalisatrice prend d’abord le temps de bien souligner les différences culturelles, de langage qui fragmentent ces enfants qui ont pourtant tous le même âge. Jamais elle ne juge, laissant au contraire à chacun la place qui lui revient de par sa personnalité et sa culture. On comprend alors aisément comment on peut grandir en apprenant des autres, de tous les autres.
De Pascale Diez, avec Cécile Gérard, Karine Durand, Christophe Cagnolari et les enfants des classe de CM1 des écoles de Belleville et de la rue St Jacques de Paris, année scolaire 2010-2011.
Cine-Woman est le premier web-magazine qui parle de cinéma aux femmes. Rien qu’aux femmes ? Pas tout à fait, mais il s’adresse majoritairement à elles.
Tout commence par un échange de valise. Le truc idiot qui arrive parfois à l’aéroport quand on a une valise qu’on peut confondre. (enfin, moi ça m’est déjà arrivée et depuis ma valise est jaune). Arrivée à son hôtel, Marjane Satrapi découvre que celle qu’elle a emportée est pleine de volants et de raquettes de badminton. Pas son truc… Elle convoque donc les propriétaires de l’autre valise, deux mecs qui font des tournois et s’en suit un road-movie meurtrier complètement foutraque et loufoque à travers l’Espagne.
Ne cherchez pas de sens à ce film très amusant et plutôt inédit dans son ambition comme dans sa forme. Certes, il y est question, comme le dit la bande annonce, de mafia, de meurtre, de mystère, de glamour, d’aventure et surtout de manipulation et d’ennui. Mais, rien ne répond aux critères habituels et surtout pas les savoureux dialogues complètement gratuits de Marjane. « Stéphanie, c’est un prénom de salope! » annonce-t-elle péremptoire lors du premier dîner que les trois protagonistes passent ensemble.. et tout est sur ce ton décalé, irraisonnable qui font le charme de ce petit objet cinématographique mal identifié. Mais c’est tant mieux. Rien à voir non plus avec ses films précédents de la réalisatrice (Persépolis, Poulet aux prunes) qui étaient tous les deux plus ou moins sur son passé ou sur ses origines.
Celui-ci est jouissif, gratuit, différent mais sans jamais que sa réalisation soit négligée, loin de là. Certains plans sont à tomber et franchement, on n’avait jamais vu l’Espagne filmée de la sorte.
Avec Marjane Satrapi, Mattias Ripa, Stéphane Roche et Ali Mafakheri.
Ce film est un exploit. Et un témoignage vivant de l’épouvantable condition de la femme en Arabie Saoudite. On sait déjà qu’une femme n’a pas le droit d’y conduire une voiture. On apprendra aussi qu’elle est donc dépendante, adulte, de la bonne volonté de son chauffeur et enfant, qu’elle n’a même pas le droit de faire du vélo!
Wadjda, elle, jeune fille pleine de vie de 12 ans, aimerait bien pouvoir envoyer toutes les règles idiotes et ultra-contraignantes qui régissent la vie des filles et des femmes là-bas. Une jeune fille bien élevée ne doit jamais rester dans la ligne de mire d’un homme mais vite se précipiter à l’intérieur, et cela, même si elle est couverte d’un voile noir qui le recouvre des pieds à la tête. Une jeune fille ne peut toucher le Coran lorsqu’elle est « impure », elle n’apparaît jamais dans un arbre généalogique, ne peut pas se mettre de vernis à ongles, porter un bracelet à l’école etc etc etc et bien sûr, elle sera mariée à peine adolescente à un homme qui pourra la répudier ou la remplacer comme il voudra, si elle ne lui donne pas le fils espéré.
Wadjda, donc du haut de ses 12 ans, va se rebeller à sa manière contre ce système, en souhaitant avoir un vélo pour pouvoir battre son copain Abdallah à la course. Et elle n’en démordra pas même si tout joue contre elle.
A travers la quête de Wadjda et la description de sa vie en famille, auprès de sa mère et de son père absent, Haïfaa Al Mansour offre le premier témoignage vivant, nourri de la vie en Arabie Saoudite, pays où le cinéma est proscrit, où il n’existe aucune salle de cinéma et où elle peut se vanter d’avoir tourné le premier long métrage de l’histoire. Sans démonstration et avec un sens aiguë de la narration, elle dresse ainsi un portrait très complet et tout à fait sensible de la place de la femme et de la petite fille dans ce pays, souvent ami des Occidentaux. Et la leçon est des plus terrifiantes mais des plus efficaces.
Encourageons-la, elle et ses futures consoeurs, à produire encore et encore de nouveaux témoignages aussi bien menés. Peut-être qu’alors le cinéma aura cette utilité sociale, provoquera l’avancée indispensable que méritent ces femmes là-bas ou ailleurs. Chapeau à elle, en attendant.
Avec Waad Mohammed, Reem Abdulah, Ahd, Abdullrahman Al Gohani
Personne ne savait que Marjane Satrapi, en plus d’être une réalisatrice originale et confirmée –son troisième film, La Bande des Jotas sort le 6 février- , était aussi peintre, même si ce n’est pas très difficile à imaginer.
Pour la première fois, elle dévoie ses toiles au public. Une vingtaine de portraits de femme, seule ou à plusieurs, qu’elle a peint entre 2009 et 2012, sont exposées dans la galerie Jérôme de Noirmont. On saisit immédiatement l’évolution de son travail, les premiers tableaux étant sombres, parfois même en noir et blanc, et finalement proches de ses dessins de Persépolis, tandis que sa production prend, depuis, des couleurs de plus en plus vives, tout en continuant à exprimer une étrange mélancolie.
« Derrière l’homme, cherchez la femme ». Pas la blonde à la séduction glacée, non la petite et sémillante matière grise qui a su insuffler à Alfred Hitchcock son bon génie. C’est du moins la thèse défendu dans ce film, un biopic qui n’en est pas vraiment un puisque recentré autour d’un événement et qui a pour intention de montrer l’âme et le génie du maître du suspense.
Selon le film, Hitchcock vient de tourner un de ses chefs d’oeuvre, La mort aux trousses, qui a remporté un beau succès public et critique, et il songe à son prochain film. Or, Hollywood, les studios, qui ont pour devise qu’on recommence jusqu’à épuisement une recette qui a bien fonctionné, souhaitent qu’Hitchcock poursuive dans la même veine. Lui n’a qu’un souhait : ne jamais se répéter. « Le style, c’est de l’auto-plagiat » a-t-il coutume de dire. Il cherche donc une nouvelle histoire qui pourrait le motiver et tombe sur Psycho, l’histoire d’un tueur en série de l’Amérique profonde qui vivrait sous la coupe de sa mère, morte. Personne n’y croit, évidemment. Sauf sa femme, Alma, qui accepte d’hypothéquer leur maison pour financer le projet, de sacrifier son confort, de supporter les humeurs de son mari et surtout de participer au scénario pour le rendre plus efficace, et cela, bien sûr et comme d’habitude, sans jamais être créditée au générique.
La génèse de Psychose
Adapté du livre de Stephen Rebello, « Alfred Hitchcock and the making of Psycho », le film semble assez bien documenté sur cette phase de préparation de Psychose et sur son tournage, et défend son point de vue selon lequel le génie d’Hitch s’écrivait à quatre mains. De plus, il ne passe sur aucun des tocs ou de défauts du maître, à savoir son esprit tyrannique, son humour glaçant, sa jalousie, son côté très obsessionnel, son amour de blondes sexy, ses répartis cinglantes, sa boulimie, son goût pour l’alcool, sa mauvaise foi, son arrogance… bref, tous ces défauts masculins que l’on attribue souvent aux créateurs et qui sont sans doute et parfois (avec des variantes ) vrais. D’un autre côté, il tente dans un équilibre un peu imparfait de raconter comment sa femme, lassée de veiller son mari comme un enfant, tout en l’aidant dans sa création, avait besoin d’air, de romance et menaçait de tomber sous la coupe du premier séducteur venu. Enfin, et c’est une des parties intéressantes, il relate comment Hitchcock avait un autre génie, celui du marketing…
Sans être un bon film, le matériau en est intéressant, très anecdotique toutefois, même quand il relate les trouvailles de tournage d’Hitch. La figure omnipotente d’Anthony Hopkins est, elle, sans aucune finesse (sa silhouette au latex renforcé grotesque), Helen Mirren est plus intéressante… Et évidemment qu’à l’hommage, qu’on peut toutefois regarder comme un document accessible à tous, il faut préférer les films du « maître »….
Avec Anthony Hopkins, Helen Mirren, Scarlett Johansson, Toni Collette, Jessica Biel…
L’Iran est un grand pays de cinéma. On connaît moins sa création en animation pour enfants mais ces cinq courts-métrages à destination des tout-petits démontrent efficacement sa vitalité. Ce programme enchaîne les surprises.
Tout d’abord, ce sont la beauté des images et la puissance des couleurs chatoyantes utilisées qui frappent, même s’elles varient beaucoup d’un film à l’autre, donnant à chaque histoire une identité marquée. La musique, orientale, entraînante, presque dansante est aussi remarquable. Enfin, les sujets et surtout les animaux ou les végétaux représentés sont très différents de ceux qu’on a l’habitude de voir. Le premier film raconte par exemple le mariage de deux papillons, les deux suivants ont pour héros des corbeaux, le quatrième parle d’une citrouille… A chaque fois, bien sûr, le thème de la famille fait le lien, une famille joyeuse, en pleine fête mais qui doit tout de même affronter des problèmes universels (le danger, les obstacles, les intempéries…). Le mariage du Papillon reste un moment de fête communicative magnifique. Mais, notre film préféré est celui de la Citrouille qui roule où une grand-mère, animé étrangement, part voir son petit fils qui vient de naître et déjoue avec malice tous les dangers sur son chemin. Drôle et tendre à la fois.
De Mohammad-Ali Soleymanzadeh, Morteza Ahadi et Mahin Javaherian
S’il est un président que les Américains vénèrent encore aujourd’hui, c’est bien Lincoln. Maintes fois incarné au cinéma, ce Républicain, moderniste prend une nouvelle jeunesse et une nouvelle dimension dans le film de Steven Spielberg. Plus qu’un biopic classique qui reviendrait sur toute sa vie, ce film se concentre sur les quatre derniers mois de l’existence du seizième président des Etats-unis, ses quatre mois les plus actifs où il a eu l’ambition de mettre un terme définitif à l’esclavage tout en cherchant à renforcer l’Union des Etats d’Amérique alors en pleine Guerre de Sécession. Et qu’il paiera de sa mort.
Ce que réalise Steven Spielberg relève de la prouesse : il parvient à rendre la réflexion et la démarche politique de Lincoln passionnante, les débats parlementaires pas rébarbatifs du tout (quand on regarde ceux de l’Assemblée Nationale à la TV, on apprécie encore plus la performance). Du coup, on perçoit avec un intérêt renouvelé le génie politique de ce personnage, ses prises de liberté avec les conventions sociales, avec certaines règles démocratiques aussi… Car, Lincoln est à peu près à tout : à corrompre, à faire du chantage, à utiliser ou à dévoiler en public toutes les défaillances de ses ennemis sans scrupule aucun, et cela dans le seul but de faire aboutir son projet : ajouter un 13ème amendement à la Constitution qui abolisse définitivement l’esclavage sur le territoire américain (et même dans le monde, puisque son ambition est sans limite), en pleine Guerre de Sécession, c’est-à-dire au moment de l’histoire des Etats-Unis où leur union fut la plus menacée. D’ailleurs, Lincoln gage alors que la suppression de l’esclavage renforcera l’Union, ce qui à l’époque où il l’annonce est très visionnaire.
Le film ne se limite pas au débat politique, mais plonge aussi au coeur de l’intimité de Lincoln, au sein des rapports très compliqués qu’il entretient avec une Mary Todd Lincoln, sonépouse dépensière, dévastée par la perte de son fils mais acquise à la cause de son mari, avec une admiration sans cesse renouvelée. Ce n’est pas la partie la plus intéressante même si en contrastant justement avec la puissance politique du Président, elle permet de relativiser la grandeur de l’homme. Le film évite ainsi l’écueil de l’hagiographie.
Il a fallu dix ans à Spielberg pour monter ce projet. Dix ans de labeur pour le scénariste, Tony Kusher, qui avait déjà travaillé sur Munich, diix ans de recherche pour finalement s’inspirer d’un livre, Lincoln de Doris Kearns Goodwin.
Quant aux acteurs, ils sont irréprochables mais sans modestie. Daniel Day Lewis s’affiche ainsi comme un nouveau hyper favori à l’Oscar, lui qui en a déjà deux. Sally Field, plus timorée, plus énervante aussi, parvient parfois à lui tenir la dragée haute. Même Tommy Lee Jones, en farouche défenseur de l’abolition de l’esclavage, est contenu, beaucoup plus que d’habitude, et c’est très bien comme ça.
On pourra aussi reprocher au film certains raccourcis maladroits, mais Lincoln reste un grand Spielberg, sans doute pas le plus facile d’accès car c’est son film le moins basé sur l’émotion facile, mais un crû exigeant qui a le mérite essentiel de réhabiliter une certaine foi en la politique, à un moment où celle-ci se dilue dans des débats stériles. Reste l’éternelle question : faut-il un grand homme pour mener une grande politique? Spielberg répond oui, sans aucune hésitation.
Avec Daniel Day Lewis, Sally Field, Tommy Lee Jones, Joseph Gordon-Levitt, James Spader, Hal Holbrook…
Allez comprendre l’engouement autour de ce film! Un effet Bradley Cooper peut-être. Et pourtant, c’est loin d’être l’argument majeur du film.
Soit un pauvre type qui sort d’un long séjour en HP, parce qu’il a pété les plombs quand sa femme l’a quitté. A 30 ans passés, il retourne vivre chez ses parents qui le traite comme un bébé et le surveille comme du lait sur le feu.
A force d’errer dans son quartier, avec une seule obsession, reconquérir sa femme, il finit par rencontrer une jeune veuve au comportement parfois étrange. Elle lui propose de l’aider en échange d’un service rendu.
Voici donc une pure comédie romantique (on connaît donc d’avance la fin) qui a une seule vraie originalité : le combat de TOC que se livrent les personnages principaux. Cooper est obsessionnel compulsif, Jennifer Lawrence (pétillante révélation du film) est sex-addic et De Niro, le père de Cooper, complètement toqué. A part cela, l’ensemble est extrêmement convenu, banal, même si effectivement quelques scènes électrisent un peu la romance puisque les personnages sont disjonctés. Mais Ils reviennent finalement assez vite dans la norme…
Quant à la réalisation, elle reste des plus classiques. Autant David O’Russel semblait complètement barré quand il a réalisé J’adore Huckabees (à l’époque, il donnait ses interviews pieds nus, allongé sur un canapé, la tête sur les genoux de la journaliste qui l’interviewait! ), autant il semble désormais rentré dans le rang. Ce qui lui a sans doute permis de rafler le Prix du Public au dernier Festival de Toronto. Sympa donc, mais rien de plus.
Avec Bradley Cooper, Jennifer Lawrence, Robert de Niro et Chris Tucker
Kathryn Bigelow a son fait d’armes. Elle est la seule femme à avoir remporté un Oscar en tant que meilleure « réalisateur » et en tant que réalisatrice du « meilleur film ». C’était en 2009 pour Démineurs, un film qui avait pour fond la guerre en Irak. Et cette année-là, la concurrence était rude : son ancien mari, James Cameron, concourrait avec Avatar, Quentin Tarantino avec Inglorious Basterds ou encore Jason Reitman avec In the air.
Kathryn Bigelow revient aujourd’hui, en force avec un nouveau « film de guerre », Zero Dark Thirty – 0h30 en jargon militaire, heure à laquelle les militaires américains ont posé le pied dans la maison où se cachait Ben Laden -, un film d’une guerre larvée, celle des dix ans durant lesquels l’armée et les services secrets américains ont recherché Ben Laden après les attentats de 11 septembre. Et là encore, en filmant la guerre comme un homme, en s’intéressant surtout à des sujets qui, d’habitude, ne passionnent pas les femmes, Kathryn Bigelow devient à nouveau une sérieuse concurrente à l’Oscar du meilleur film (mais pas du meilleur réalisateur). Et peut-être encore plus cette fois-ci où elle a eu l’idée (l’audace?) de confier le rôle principal, celui de l’agent de la CIA la plus déterminée à retrouver Ben Laden et celle qui y parvient, à une femme, tordant ainsi un peu le coup à la réalité. C’est la diaphane Jessica Chastain qui s’y colle, elle aussi en lice pour l’Oscar de la meilleure actrice.
Kathryn Bigelow filme-t-elle la violence, l’action d’une autre manière que l’aurait fait un homme? Difficile à dire mais son film reste efficace, haletant, sans réelle concession. Et si certains lui reprochent de ne pas avoir de conscience, au moins, n’a-t-il pas pour pure vocation la propagande de l’armée américaine. Bigelow aura-t-elle l’Oscar? On verra, mais saluons malgré tout sa démarche volontariste d’aller piétiner là où on ne l’attend pas forcément, là où les réalisatrices n’ont pas l’habitude de se risquer.
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