Avec Notre dame, Valérie Donzelli prophétise le débat des anciens et des modernes autour de la reconstruction du coeur de Paris. En plus, elle y plonge une architecte d’aujourd’hui au délicieux nom de Maud Crayon.
Ainsi soit-elle !
Maud Crayon (quelle merveille de nom !) est du genre débordée, flottante. Sur aucun front, elle ne parvient à faire respecter ses désirs et ses envies. Ni en tant que femme séparée d’un compagnon inconstant – le père de ses deux enfants -, ni en tant qu’architecte, maltraitée par son boss.
Toujours un peu en retard, toujours un peu à l’ouest, elle remporte par miracle un concours d’architecture prestigieux : celui de la rénovation du parvis de la cathédrale Notre-Dame. Du jour au lendemain, sa vie change pour un meilleur.
Résurrection
notre dame raconte justement cette transformation, cette période de transition délicate où personne, et surtout pas l’héroïne, n’a conscience de ce qu’elle va devenir. Au début, tout va mal mais elle ne le sait pas encore. Maud est ensuite propulsée dans des habits un peu trop grands pour elle. Elle finira par trouver un équilibre, tellement plus riche que l’était son point de départ.
Décrit ainsi, notre dame repose sur un arc scénaristique parfait. Il l’est. Puisque les fondations sont solides, Valérie Donzelli, la scénariste, réalisatrice et interprète inspirée de Maud Crayon, peut alors distiller sa fantaisie. Et, dans ce registre, elle s’autorise toutes les audaces pour peu qu’elles soient réjouissantes. Tout est à l’unisson : le propos, la mise en scène, la musique (virtuose et entêtante), les accidents de parcours, les légers contre-emplois des acteurs – Samir Guesmi est puissant en chef d’agence autoritaire ! -…
Maud, notre dame du jour
notre dame n’est pas du tout une fantaisie sans propos. Le film aborde de vrais sujets de fonds. Il montre tout d’abord ce que c’est d’être une femme aujourd’hui. Maud est architecte, comme Valérie Donzelli aurait dû l’être. Elle est écartelée presque volontaire entre une vie de famille remplie et rocambolesque, une vie amoureuse chaotique et une vie professionnelle précaire.
Si elle n’a pas confiance en elle, Maud ne manque pas de ressources. Elle est gaie, originale et construit sa vie joyeusement et à sa façon, décalée. Et ne vous fiez pas aux apparences – Maud porte la même robe écossaise un peu strict du début à la fin ! -, sa folie est intérieure dans un arrangement permanent entre les obligations et ses désirs.
Maudite ou bénie ?
Le film aborde aussi un sujet qui en fera sa pertinence. Maud est audacieuse, et le projet qu’elle propose pour aménager le parvis de Notre Dame fait scandale… Il lance, malgré elle, un débat crucial d’une intuition formidable : doit-on innover, bâtir avec son temps dans un contexte historique ? Doit-on au contraire reproduire à l’infini ? Valérie Donzelli tranche. A vous de foncer pour savoir comment. Allez-y, vous ne le regretterez pas !
De et avec Valérie Donzelli, Virginie Ledoyen, Samir Guesmi, Pierre Deladonchamps, Thomas Scimeca…
2019 – France – 1h35
notre dame de Valérie Donzelli a été projeté sur la piazza grande au Festival de Locarno. Il a aussi fait l’objet de séances spéciales au 12e Festival du Film Francophone d’Angoulême. La projection du film était suivie de la reprise de scène chorégraphie et de la chanson du film. Il sera aussi projeté au festival de Saint jean de Luz avant de sortir sur les écrans le 18 décembre 2019.
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