L’actrice Céline Sallette a choisi de consacrer son premier long métrage à l’artiste Niki de Saint Phalle. Bien lui en a pris. Le film, très intéressant, est présenté le 23 mai au 77e Festival de Cannes, section Un Certain Regard.
La fabrication d’une artiste
Pour éviter le biopic qui retracerait toute sa vie et qui a mauvaise presse, Céline Sallette a adopté le parti pris de ne traiter que la longue période de gestation de l’artiste Niki de Saint Phalle.
La jeune femme franco-américaine et fort bien née, descendante d’une longue lignée d’aristocrates et de militaires, a commencé mannequin et est devenue mère très jeune. Avec son mari, l’écrivain américain, Harry Matthews, elle choisit de s’établir en France, loin de l’influence des familles respectives. Mais, la distance ne suffit pas. Niki tombe bientôt dans une dépression sévère qui lui vaut d’être internée en hôpital psychiatrique et d’y subir des électrochocs. C’est là, au contact des fous, disait-elle, qu’elle commence à manier la matière et les couleurs et à s’exprimer par l’art plastique.
Ce que Niki n’a pas pu oublier
A vrai dire, Niki n’est pas malade. Elle est hantée par la peur, les angoisses et le traumatisme d’un inceste commis par son père lors qu’elle était enfant. C’est en cherchant à dépasser ce choc traumatique que les institutions médicales lui dénient – son père a fini par lui écrire – qu’elle va peu à peu s’épanouir dans l’art de la sculpture et de la peinture. La quête est longue et difficile, parce qu’elle est autodidacte et peine, au moins au début, à exprimer ses émotions qui restent douloureuses. Jean Tinguely qu’elle épousera plus tard l’encouragera à trouver sa voix et ses moyens d’expression.
Pour raconter cette longue et douloureuse gestation, la réalisatrice Céline Sallette défend une partition plutôt personnelle. On découvre brièvement Niki mannequin, puis vaguement comédienne et passionnée par l’art. Elle est aussi mère d’une petite Laura, puis de Philip et femme d’un écrivain américain, issue de la même caste qu’elle et qui, s’il accompagne lors sa dépression, ne pourra pas l’aider à se réaliser. Pour expliquer ces traumas, la cinéaste utilise quelques flashbacks judicieux non appuyés. Quand la temporalité de son récit est double, elle se risque à plusieurs reprises à un split-screen audacieux , pourtant trop rigide pour ne pas être maladroit.
Ce que Niki va révéler
Céline Sallette a confié le rôle de Niki de Saint Phalle à Charlotte Le Bon. Son choix est judicieux tant celle arrive à interpréter ses tourments tout en lui rendant son élégance de classe. Charlotte Le Bon, ici formidable du début à la fin, est entourée de John Robinson, qui joue son premier mari, de Damien Bonnard qui interprète Jean Tingely, lui même précédemment en couple avec Eva Aeppli à qui Judith Chemla donne corps.
Si l’on suit l’évolution créative de Niki au fur et à mesure de ses états de santé et de ses décisions, on ne voit jamais les oeuvres qu’elle a créées, un parti prix assumé par Céline Sallette, comme le prouve le dernier plan du film. L’ensemble, très cohérent, repose avant tout sur l’interprétation inspirée de Charlotte Le Bon et sur les choix assumés mais ambitieux de la jeune réalisatrice. Une belle surprise.
De Céline Sallette, avec Charlotte Le Bon, Judith Chemla, Damien Bonnard…
2024 – France – 1h38
Niki de Céline Sallette est présenté le 23 mai à Un Certain Regard en Sélection Officielle du 77e Festival de Cannes. La sortie du film en France est prévue le 9 octobre 2024.