Le 13e Arcs Film Festival s’est conclu le samedi 18 décembre 2021 avec la diffusion d’un palmarès varié et féminin. Encore une édition riche, engagée et festive. Tout ce qu’on aime.
Les femmes en avant
Le 13e Arcs Film Festival a tant multiplié les événements, les rendez-vous que chaque festivalier ou presque peut avoir eu la sensation de vivre SON festival. Il se dessine toutefois un destin commun, engagé, européen et citoyen, jusque dans le palmarès, qui met en avant des mères, des actrices, des réalisatrices… des femmes donc. On s’en réjouit évidemment.
La masterclass de Rebecca Zlotowski
Pour Cine-Woman, le 13e Arcs Film Festival a débuté le mardi 14 décembre 2021 avec la masterclass de Rebecca Zlotowski dont le film, Une fille facile, avait été préalablement diffusé à un public majoritairement lycéen.
Oratrice à l’intelligence fulgurante, la cinéaste a tenté d’expliquer son parcours et sa démarche créative. Pour cela, elle s’appuie sur des pensées puissantes telles que « le politique et l’intime ne sont jamais étanches » et une formation académique irréprochable (elle est diplômée de Normale Sup et de la Fémis) qui l’a aidé à se lancer dans la réalisation. « J’ai mis du temps à me sentir légitime, avoue-t-elle. C’est pour cela que j’ai fait une école de cinéma. Et même là, j’avais conscience du plafond de verre. Quand je me projetais, je me voyais comme l’éminence grise d’un réalisateur mais pas comme une future réalisatrice ».
Elle prétend avoir choisi son métier par élimination, en débutant par des études de lettres puis opté pour le cinéma pour deux raisons : parce que le travail y est collectif contrairement à celui solitaire de l’écriture, et à cause de la beauté des acteurs. « J’avais le désir de faire des films pour aller au contact avec les acteurs. Et même si on oublie mes films, ils resteront dans la filmographie de mes interprètes », se félicite-t-elle. Elle avoue aussi un rapport à la sensualité, à ses fantasmes… que les lycéens présents dans la salle ont eu du mal à comprendre, surtout concernant Zahia Dehar, et son personnage d’Une fille facile. D’ailleurs l’essentiel de l’échange a porté là-dessus et les réponses – conceptuelles – de la cinéastes, les ont laissé sur leur faim.
C’est pourtant par l’écriture et le scénario que Rebecca Zlotowski s’est imposée – « un travail à 2 ou 3″ a-t-elle précisé, sauf ses deux derniers films qu’elle a écrit seule- et revendique d’être meilleure scénariste pour les autres que pour elle-même. « Le cinéma se construit avec le plaisir des autres », affirme-t-elle en dénonçant l’absence de générosité de certains grands cinéastes comme Godard aujourd’hui.
Elle a ensuite abordé les influences qui l’avaient construites, citant parmi les réalisatrices Agnès Varda dont elle salue l’intelligence tout en avouant préférer la fiction au travail plus artisanal de Varda. Rebecca Zlotowski cite encore Julia Ducournau (Titane), Noémie Lvovsky, Marion Vernoux, Catherine Corsini ou Dorothy Arzner… De la cinéphile pure pour un public qui n’en détenait pas (encore) les codes.
La journée Lab des femmes
Le jeudi 16 décembre 2022 était un autre des principaux temps forts du Lab des Femmes, think tank né et développé aux Arcs Films Festival depuis 9 ans. La journée a débuté par un atelier d’intelligence collective dont chaque participant.e – pour la plupart des femmes engagés soient dans l’Association 1000 visages ou dans des démarches citoyennes du type On est prêt -. Il y a été question d’écoféminisme, de Françoise d’Eaubonne, d’engagement à « faire sa part » concernant la place des femmes au cinéma l’inclusion au sens large mais aussi et beaucoup du vocabulaire adéquat à employer sur ces sujets. Parler diversité ou inclusion serait au final excluant pour les « minorités » qu’elles désignent en cherchant à les intégrer. Ce qui ouvre, de fait, un nouveau chapitre sur ces thématiques. Pour sa part, Cine-Woman s’est engagée à raconter l’histoire des femmes au cinéma dans tous les lieux et écoles qui le demanderaient.
C’était d’ailleurs le propos de l’après-midi. Une conférence inspirée de 100 grands films de réalisatrices a ainsi été proposée à un nouveau public plus captif de lycéens dont une partie en option cinéma. L’occasion pour eux de découvrir notamment Alice Guy et une (toute petite) partie de son oeuvre. Ce qui fait toujours grand effet. Un regret toutefois : que le film diffusé à la même heure dans une autre salle ait été Ali et Ava de et en présence de Clio Barnard, une des réalisatrices anglaise les plus intéressantes du moment.
D’autres rendez-vous ont eu lieu au cours de cette journée dense comme la divulgation des résultats exhaustifs de l’enquête du Lab des Femmes, auprès de plusieurs partenaires européens, ou la promotion de la campagne européenne CharactHer élaborée par le Collectif 5050 afin d’identifier des rôles modèles dans les métiers du cinéma où la part des femmes n’atteint pas les 30%.
Les migrants, le thème citoyen du 13e Arcs Film Festival
La matinée du vendredi était, elle, consacrée à l’engagement citoyen, autre grand axe de la programmation des 13e Arcs Film Festival. Le film choisi pour l’aborder était Flee du danois Jonas Poher Rasmussen, un film à l’animation variée entrecoupée d’images d’archives, qui raconte par le menu le parcours d’un exilé d’Afghanistan jusqu’au Danemark.
Flee, co-produit par la société française Vivement Lundi ! , pourra représenter le Danemark à l’Oscar ou figurer parmi les nommés dans la catégorie longs métrages d’animation. Il a donné lieu à un débat passionnant sur les migrations actuelles et notre implication, en tant que citoyen.ne français.e/européen.ne à cet égard, mené par la journaliste spécialisée Véronique Auger et le fondateur de la Revue Civique, Jean-Philippe Moinet. Saluons au passage la qualité des questions et du regard des lycéens sur le film, certes didactique, mais puissant.
Le Palmarès
Le 13e Arcs Film Festival se sont enfin clôturés par la soirée de révélation d’un palmarès varié – seuls trois films ont reçu deux récompenses- , malgré la noirceur soulignée des 10 longs métrages en compétition, et particulièrement féminin. A noter une originalité à suivre : les deux prix d’interprétation, tous les deux non genrés, sont allés à deux actrices.
- Flèche de Cristal : 107 mothers de Peter Kerekes
- Grand prix du jury : La fuite du capitaine Volkonogov de Natasha Merkulova et Aleksey Chupov
- Prix du public : Hive de Blerta Basholli
- Prix d’interprétation : Swamy Rotolo pour A Chiara
- Prix d’interprétation : Laure Calamy pour À plein temps
- Prix de la meilleure photographie : Renato Berta pour Il Buco
- Prix de la meilleure musique originale : Alex Branowski pour True Things
- Prix du jury presse : A Chiara de Jonas Carpignano
- Prix du jury jeune : Hive de Blerta Basholli
- Prix Cineuropa : À plein temps de Éric Gravel
- Prix du meilleur court-métrage : Sprötch de Xavier Seron
- Mention spéciale court-métrage : Granny’s Sexual Life d’Urška Djukic et Émilie Pigeard