Maria Schneider a été une des premières actrices à se rebeller contre les abus sexuels du cinéma. Le deuxième film de Jessica Palud, inspiré du livre que Vanessa Schneider lui a consacré, revient sur sa vie et ces événements. Le film est révélé le 21 mai 2024 dans la section Cannes Première.
En voie d’être une icône
Maria Schneider avait 16 ans quand sa vie a basculé. Dans le cinéma et d’un point de vue personnel. Fille ignorée de Daniel Gélin, elle a grandi sagement auprès d’une mère séduisante, ancienne mannequin, qui ne supporte pas qu’elle ait revu son père, lui qui ne s’est jamais occupé d’elle. De colère et de jalousie, elle fout sa fille à la porte la propulsant, sans armes, dans le milieu du cinéma. Elle en deviendra une proie idéale, notamment quand à 19 ans, elle tourne sous la direction de Bernardo Bertolucci et face à Marlon Brando dans Le Dernier Tango à Paris. La tentation est trop forte… Ne serait-ce que pour que son père acteur finisse par s’intéresser à elle.
Le réalisateur italien et l’acteur américain n’en font qu’une bouchée en lui mentant sur le scénario, en augmentant la violence des scènes de sexe, et surtout en prétendant que la fameuse scène du beurre ne s’adressait pas à elle mais au personnage. Elle en ressort traumatisée et ne parviendra jamais à s’en remettre complètement même si elle poursuit cahin-caha sa carrière. Au final, elle aura tourné une quarantaine de films de cinéma jouant sous la direction de Michelangelo Antonioni, de René Clément, de Jacques Rivette ou de Josiane Balasko.
Bien avant #metoo
Elle sera une des premières comédiennes à parler ouvertement du fait qu’elle n’avait été ni prévenu, ni consentante à cette sodomie forcée et que jamais ni Bertolucci, ni Brandon ne sont jamais excusés. Victime non reconnue et enfant non désirée et mal aimée, Maria Schneider contenait en elle tous les ingrédients du cocktail parfait qui ont conduit à une vie chaotique.
A la faveur du mouvement #metoo, son témoignage a ressurgi grâce à trois initiatives. La sortie du livre de sa cousine Vanessa Schneider, Tu t’appelais Maria Schneider, dont le scénario, bien écrit, s’inspire. Le film adopte le point de vue de l’actrice (et non celui de la journaliste qui lui envoie des lettres et partage ainsi ses souvenirs). Le court-métrage d’Élisabeth Subrin, présenté à la Quinzaine 2022, qui faisait rejouer une de ses fameuses interviews par trois actrices différentes – Manal Issa, Aïssa Maïga et Isabel Sandoval – a reçu un César. Enfin, la ressortie en salle et avec succès du film de Delphine Seyrig, Sois belle et tais-toi, dans lequel Maria Schneider déclare que le cinéma est fait par et pour les hommes.
Une actrice et des acteurs au top
En lui consacrant un long métrage, Jessica Palud lui redonne une existence et surtout une dignité. Pour cela, elle s’est entourée des meilleur.e.s. Anamaria Vartolomei, en premier lieu. On savait la jeune actrice douée, on la savait ultra puissante depuis son rôle dans L’Evènement d’Audrey Diwan Elle confirme ici qu’elle est capable de très grandes choses tout en acceptant des rôles difficiles. C’est elle qui tient la dragée haute à Yvon Attal qui interprète son père, à Matt Dillon qui parvient à rendre un Brando crédible et au séduisant Giuseppe Maggio, l’ambigu Bertolucci. D’ailleurs la direction d’acteurs est vraiment le point fort de Jessica Palud qui est moins inspirée dans les autres aspects de la mise en scène. En seulement deux scènes, Marie Gillain parvient à camper son personnage de mère rancunière.
Mention spéciale aussi à la déco, dirigée par Valérie Valero, qui, par un jeu subtil et riche de détail, offre une reconstitution plus vraie que nature des années 1970. Un téléphone à cadran sur un guéridon ici, un mur de papier peint à fleurs défraichi là et on y est ! Avec un peu plus d’audace et d’inventivité à la réalisation, Maria aurait assurément été un grand film, peut-être même LE grand film que les actrices et femmes abusées du milieu attendent pour qu’enfin, le rapport de forces s’inverse et que le cinéma ne soit plus le domaine réservé des fantasmes masculins.
De Jessica Palud, avec Anamaria Vartolomei, Céleste Brunnquell, Yvon Attal, Giuseppe Maggio, Matt Dillon, Marie Gillain…
2024 – France – 1h42
Maria de Jessica Palud sera présenté le 21 mai dans la section Cannes Première au 77e Festival de Cannes 2024. Il est sorti dans les salles françaises dès le 19 juin 2024.