Ma vie, ma gueule
Film posthume de Sophie Fillières, Ma vie, ma gueule raisonne comme son autoportrait testamentaire dont elle a confié l’interprétation à Agnès Jaoui. Bien vu ! C’est l’ouverture de la Quinzaine des Cinéastes 2024.
La vie selon Sophie F.
Comment faire avec la vie ? se demandait Sophie Fillières. Son héroïne Barberie Bichette, qu’on surnomme ironiquement Barbie, n’a pas plus de réponse qu’elle. Plus elle avance en âge – elle file vers la soixantaine -, a deux grands enfants mais plus vraiment d’homme dans sa vie, moins elle a de certitude, moins elle comprend le monde.
Avec un ton qui n’appartenait qu’à elle, aussi tragi-comique qu’existentiel, Sophie Fillières a confié les rênes de son autoportrait à une actrice évidente : Agnès Jaoui, qui semble se poser ces mêmes questions définitives. La vie n’est-elle qu’absurde ? Que devient-elle une fois qu’on la croit construite ? Que peut-on en espérer ? Les autres – les enfants, les hommes, les humains – sont-ils une clé ?
Sophie Fillières ne cherche pas à y répondre mais elle propose un faisceau d’indices qu’elle distille tout au long du parcours de Barbie, à travers ses rencontres et ses interrogations, puis quand elle finit par aller mieux après un séjour à l’hôpital psychiatrique, de l’autre côté de la Manche.
Grandiose Agnès Jaoui
Et donc pour cette quête existentielle et affective, elle confie Barbie aux mains d’Agnès Jaoui qui trouve ici un de ses meilleurs rôles. Par la magie du cinéma, elle parvient à se glisser dans la personnalité de Sophie Fillières sans lui ressembler vraiment mais en s’investissant comme rarement. Agnès Jaoui est tellement juste qu’on en oublie qui elle est, même si son phrasé, ses intonations nous le rappellent constamment.
Ma vie, ma gueule est tout à fait conforme à l’univers que Sophie Fillières a déployé dans ses films précédents aux titres si originaux : La belle et la belle ou Arrête ou je continue. Celui-ci, puisqu’il parle ouvertement d’elle, serait encore plus personnel. C’est pourtant celui qu’elle n’a pas pu superviser jusqu’au bout. Décédée quelques jours après la fin du tournage, elle a confié le montage et la post-production à ses deux enfants, Adam et Agathe Bonitzer. C’est d’autant plus déroutant – et émouvant – que la cinéaste avait signé ce film pour tenter de répondre à cette question : « comment se débrouiller et faire à l’énigme de soi? « . Sous son contrôle, Agnès Jaoui y répond très bien : « comme on peut » semble-t-il. Et parfois, ça donne un petit miracle de sincérité et d’originalité. Ma vie, ma gueule en est un.
De Sophie Fillières, avec Agnès Jaoui, Angelina Woreth, Edouara Suplice, Valérie Donzelli, Philippe Katherine, Laurent Capelluto, Emmanuel Salinger, Isabelle Candelier…
2024 – France- 1h39
Ma vie, ma gueule de Sophie Fillières est présenté en ouverture de la Quinzaine des Cinéastes, le 15 mai 2024 en ouverture de la Quinzaine des Cinéastes. Le film sortira le 18 septembre 2024 dans les salles de cinéma.