L’orphelinat, le deuxième film de Shahrbanoo Sadat est autant un hommage au cinéma qu’une tranche de vie en Afghanistan sous l’occupation soviétique. Original et divertissant. Il est présenté le 18 Mai 2019 à la Quinzaine des Réalisateurs.
KaBoullywood!
Wolf and Sheep, le premier film de Shahrbanoo Sadat, était naturaliste. L’orphelinat est au contraire le mélange inattendu de cinéma bollywoodien, d’une sorte de huis-clos plus intimiste, d’un film politique et d’aventures improbables. Un beau programme.
Comme le premier film, celui-ci est inspiré de la vie d’Anwar, le meilleur ami de Shahrbanoo Sadat. Cet ami l’inspire tant qu’elle prévoit une pentalogie sur lui. Trois films sont à venir. Et la facture du second laisse envisager des oeuvres de genre à chaque fois différent.
Kaboul soviétique
Le deuxième volet des aventures d’Anwar se passe à Kaboul à la fin de la période de l’occupation soviétique. Le récit commence en 1989. Qodrat est adolescent, orphelin et survit dans la rue en vendant des porte-clés. Il aime le cinéma. A l’époque, les films bollywoodiens aux scènes d’action spectaculaires sont à la mode, et le spectacle est autant sur l’écran que dans la salle tant les spectateurs les vivent avec intensité.
Toujours dans le système D, Qodrat revend des billets de cinéma dix fois le prix qu’il les a payés. Arrêté par la police, il est emmené de force dans un orphelinat où se retrouve tout un tas d’adolescents. La vie y est rude, emplie de rapports de force. Mais, Qodrat en a vu d’autres.
Bollywood à Kaboul
Il a surtout cette capacité à s’évader et à imaginer une vie de cinéma. Surtout quand il n’a plus les mots pour exprimer ses émotions. Par des intermèdes chantés inattendus dont il est le héros, Shahrbanoo Sadat remplit ainsi son récit de poésie et de chansons hommages au cinéma bollywoodien de ces années-là bienvenus.
L’orphelinat n’est pas pour autant une comédie musicale. Plutôt une chronique de vie avec un fond politique construit comme un film bollywoodien. Ce mélange est bien maitrisé et révèle une ingéniosité et le vrai talent de Shahrbanoo Sadat. Celui d’une cinéaste d’aujourd’hui capable de regarder l’histoire complexe de son pays avec du recul tout en en faisant une oeuvre de cinéma distrayante et intéressante.
L’orphelinat, du jamais vu !
A ce jour, c’est un des meilleurs films vus à Cannes et la promesse d’une oeuvre formidable en train de s’écrire, malgré l’absence d’industrie du cinéma à Kaboul et la difficulté de tourner un film dans un pays en guerre.
L’orphelinat a d’ailleurs été tourné au Tadjikistan, avec un sens de la débrouille qui ne se perçoit pas à l’écran et des complications administratives inimaginables. Shahrbanoo Sadat a choisi de tourner avec des acteurs non-professionnels, ceux de Wolf and sheep et montre une réalité (et une époque) que l’on ne voit jamais au cinéma. Bravo !
De Shahrbanoo Sadat avec Qodratollah Qadiri, Sediqa Rasuli, Masibullah Feraji…
2019 – Afghanistan/Danemark, Allemagne, France- Luxembourg – 1h30
L’orphelinat de Shahrbanoo Sadat est présenté le 18 Mai 2019 à la Quinzaine des Réalisateurs. Le film sortira en France le 27 novembre 2019.