Raconter Cousteau, c’est raconter le Français qui fut le plus connu au monde avant d’être à peu près oublié aujourd’hui. C’est pourtant l’ambition de L’Odyssée, le biopic paradoxal que Jérôme Salle lui consacre.
Cousteau, sa vie, ses oeuvres
Il fut un temps où Jacques-Yves Cousteau était le français le plus connu au monde. Avec son petit bonnet rouge et son profil émacié, il a marqué des générations entières à qui il a fait découvrir la mer et ses secrets. De chaque expédition, il a remporté des films. Le Monde du silence fut le premier documentaire à recevoir la Palme d’Or à Cannes en 1956 et un Oscar en 1957.
Son succès fut immense et planétaire avant d’être entaché par le caractère étrange et contestable du personnage. Puis, après sa mort en 1997, à l’âge de 87 ans, Cousteau est tombé dans un oubli aussi profond que les mers qu’il a parcourues. Ce qui explique sans doute que personne n’avait jusque là eu le projet de lui consacrer un film. C’est Jérôme Salle, le réalisateur d’Anthony Zimmer ou de Largo Winch, qui s’y colle. Et le résultat est à la hauteur de son héros : contrasté.
L’Odyssée de la Calypso
Dans le film, on cueille Cousteau alors qu’il en pleine félicité familiale. Ancien militaire dont on ne saura rien de la carrière même si on comprend qu’il a été obligé d’y mettre un terme, Cousteau vient de s’acheter une maison dans les Calanques près de Marseille. Il s’est fait une petite fortune en inventant le détenteur – dans le film on dit le scaphandre, qu’il a en fait amélioré -. Grâce à cela, il peut installer sa femme et ses deux garçons au bord de ce qu’il aime le plus : la mer.
Porté par une énergie et une ambition folles, fasciné par la beauté des fonds marins, il constate que la mer couvre les deux tiers du globe et que la plupart des gens les ignore. Qu’à cela ne tienne, il va leur faire découvrir. Il convainc un financier de lui acheter un bateau, la Calypso, et embarque équipe, femme et parfois enfants à la conquête des océans.
Un héros imparfait
Evidemment, ces explorations coûtent cher – ce qui est très détaillé dans L’Odyssée -. Il se compromet parfois, tente de rentabiliser ses films, prend pas mal de risques pour vivre sa passion et sa soif de découverte. A l’époque, on s’embarrasse guère de principes écologiques. Le succès est immense, sa notoriété à son zénith.
Evidemment, chaque succès a son revers. Son goût des défis et son ambition l’ont détourné de sa famille, de sa femme Simone, de ses fils Jean-Michel, l’aîné, devenu architecte et surtout de Philippe, son préféré. Sa gestion financière est anarchique… Mais, il finit par se racheter une conduite.
Des choix de scénarios contestables
Sans doute que le personnage de Cousteau était trop grand pour un seul film. Jérôme Salle a donc essayé de choisir. Mais étrangement, il prend une double option qu’il ne tient qu’en partie. Au début du film, il fait de Cousteau un homme plutôt sympathique, enjoué, énergisant, amoureux et attentionné, porté par ses projets plus grands que la vie.
Sans que L’Odyssée ne devienne jamais un catalogue d’images, Cousteau est montré dans un univers magnifique, dans des paysages saisissants, comme dans l’Antarctique où une partie du tournage a eu lieu. Jérôme Salle a toutefois préféré traiter l’humain, l’homme imparfait, à la fois porté par sa famille et très centré sur lui-même et sur ses propres désirs.
Une relation père-fils compliquée
Mais, là encore, le choix n’est pas assumé. S’il est fait souvent référence à sa femme, Simone – jouée par une Audrey Tautou grimmée et revêche – , la vraie patronne de la Calypso et soudainement à l’infidélité récurrente du mari, Jérôme Salle n’évoque jamais sa deuxième famille.
Car, ce qui l’intéresse avant tout – mais seulement dans une deuxième partie !- est la relation d’un père avec son fils, Philippe, à la fois son meilleur élève et celui qui le pousse à changer de cap.
Cousteau père n’a certes pas toujours été exemplaire, ce que finit par montrer le film. Mais il restera toujours fasciné par son fils Philippe, qui se montrera le plus critique envers lui. Même si c’est lui qui lui offre sur le tard la possibilité de se racheter en se convertissant à l’écologie.
Changements de caps
Du coup, L’Odyssée oscille entre adoration, révélations, mises à l’épreuve et presque condamnations par son fils. Et ces virements de bords brutaux sont aussi perceptibles dans le jeu des acteurs parfois brillant, parfois sans relief. Comme si Lambert Wilson qui joue Cousteau, Audrey Tautou, sa femme, Pierre Niney Philippe ne retrouvaient pas toujours leurs marques.
Comme Cousteau, ce biopic est loin d’être parfait parce qu’il ne respecte pas son point de vue. Mais il a le mérite de s’intéresser à un homme aux défauts criants qui fut le héros d’une époque révolue à qui l’on doit beaucoup sans vraiment le connaître.
De Jérôme Salle, avec Lambert Wilson, Pierre Niney, Audrey Tautou, Laurent Lucas, Benjamin Lavernhe…
2016 – France – 2h02