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L’histoire de Souleymane

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L’histoire de Souleymane de Boris Lojkine est celle du quotidien d’un livreur guinéen sans papiers qui tente d’en obtenir en France. Un parcours d’obstacles insensé raconté avec autant de précision de d’émotion. Ce film, fort, est présenté à un Certain Regard, dans la sélection officielle du 77e Festival de Cannes.

Le quotidien d’un sans-papier

Des Souleymane, on en croise des centaines tous les jours à Paris. A fond sur leur vélo, un sac isotherme délavée dans lequel ils glissent les commandes de leurs clients comme tout bagage, ils livrent plus vite que leur ombre les repas que d’autres ne veulent ni préparer, ni aller chercher eux-mêmes. Ils prennent tous les risques pour ne pas être en retard, faire du chiffre puisqu’ils sont payés à la course. Ça, c’est ce qu’on voit sans vraiment regarder ni se poser de questions.

Souleymane (Abou Sangare)

Boris Lojkine, lui, choisit de raconter ce qu’il y a derrière cette façade déjà éprouvante. Il le fait sous la forme d’une fiction, très documentée en suivant Souleymane, un guinéen sans papier qui demande l’asile en France. Il doit passer l’entretien qui en décidera dans deux jours. Deux jours vécus comme un suspense intenable tant le parcours est semé de contraintes et d’obstacles.

Une course d’obstacles

Ce parcours répond à des règles et à des réseaux que l’on ne connait que lorsque l’on s’y frotte. Souleymane a la chance d’avoir un vélo, mais il l’a acheté au dépens de d’autres frais qu’il doit assurer. Quant à son boulot, même si c’est un travail d’esclave moderne, sans aucune sécurité, c’est celui d’un sous-traitant d’un ancien immigré monté dans la hiérarchie et à qui il reverse une redevance.

Souleymane (Abou Sangare) dans un foyer pour la nuit

Et tout est du même acabit. Maintenant qu’il a reçu à déposer un dossier, il doit, pour avoir une chance d’obtenir du répit préparer cet entretien. Et là encore, Souleymane doit naviguer entre les conseils des uns et les préparations hasardeuses des autres. Rien n’est jamais gratuit, bien sûr, même si la bonne entente, les blagues entre collègues livreurs ou guinéens en galère n’enlèvent pas grand chose au stress ou aux épreuves que doit franchir le postulant. Malgré tout, le réseau est là : un prête une chemise blanche, un autre lui recommande de dormir plutôt que d’apprendre un discours par coeur…

Une autre ville

Au bout de deux jours menés à ce rythme d’enfer où rien n’est jamais acquis, et surtout pas un lit pour la nuit, Souleymane va finir par livrer son histoire, celle d’avant, quand nous venons de vivre celle de ces deux jours intenses. Et c’est peu dire que nos nerfs, comme les siens, cèdent…

Souleymane ou une manière différente de vivre la ville

L’histoire de Souleymane – et le titre a un double sens – est une plongée très sincère et très réussie dans les galères de ces livreurs à vélo qui font désormais partie de notre paysage urbain. Ils sont filmés comme on les vit : au coeur de la ville, courant contre la monte, parfois sous la pluie et sans beaucoup de reconnaissance. Boris Lojkine parvient à nous faire partager leur stress. Et l’on se prend à vouloir protéger Souleymane, l’aider dans une jungle que nous ne maitrisons pas, dont nous ne connaissons aucun code. Etranger dans notre propre ville.

Il parvient même à ne pas être démonstratif quand les ennuis s’accumulent pour Souleymane, seulement humain, humain et très émouvant. Et cette bonne distance est évidemment un des points forts de sa réalisation. Un autre atout du film tient à son interprète, Abou Sangare, mécanicien à la ville, qui tient ici son premier rôle et porte tout le film.

De Boris Lojkine, avec Abou Sangare, Nina Meurisse…
2024 – France – 1h34

L’histoire de Souleymane de Boris Lojkine  est présenté à Un Certain Regard, dans la sélection officielle du 77e Festival de Cannes. Sa sortie dans les salles françaises est prévu le 27 novembre 2024.

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