Les Tops 5 de Pierre-Henri Deleau
Les femmes et le 7ème art, c’est une longue histoire mal connue. Pour l’honorer, Cine-Woman demande à tou(te)s les 5 films de femmes et les 5 rôles féminins qui les ont marqués. Pierre-Henri Deleau, créateur et délégué général de la Quinzaine des réalisateurs de 1969 à 1998, nous a confié ses listes.
Les choix de Pierre-Henri Deleau
L’antre de Pierre-Henri Deleau est un mélange de modernité – il habite un immeuble mythique de l’architecture moderne parisienne, maintes fois filmé ou photographié, par Andreas Gursky notamment- et un refuge de collectionneur compulsif. De films? Pas vraiment ! Ses passions sont la musique baroque, pré-mozartienne et les captations d’opéras. Il faut se faufiler entre un labyrinthe de piles de CD et de livres d’art avant d’accéder au canapé, à sa vue sur la Tour Eiffel et à un écran géant sur lequel il me fait découvrir l’incroyable vie du Chevalier de Saint-Georges !
Mais, nous sommes là pour là pour parler de la Quinzaine des Réalisateurs qu’il a créé en 1969 et dont il est resté la délégué général pendant 30 ans. Pourquoi? Comment ? « J’étais là au bon moment », avoue-t-il simplement. Et c’est vrai.L’étudiant en philosophie qu’il était à Lille rêve de cinéma et crée un ciné-club. Il y invite régulièrement la bande des Cahiers du cinéma. Pierre-Henri Deleau finit par venir s’installer à Paris, fréquente assidument la bande de la Cinémathèque et, dans une tentative amusante de se rapprocher d’Henri Langlois, devient son chauffeur personnel.
L’oeil de la Quinzaine des Réalisateurs
Mais, lui veut faire des films. Il s’essaie à un court-métrage. « Une horreur », reconnait-il. « Je l’ai racheté pour que personne ne tombe jamais dessus ». En revanche, il garde un « oeil » que lui reconnait Henri Langlois le jour où il le voit pleurer pendant la projection de La fin du printemps d’Ozu, diffusé sans sous-titres. Dès lors, Pierre-Henri Deleau commence à se faire une place en tant qu’assistant à la télévision scolaire et toujours dans la bande des Cahiers. Quand Jean-Gabriel Albiccoco lance comme un défi de faire un festival de réalisateurs à Cannes, dissident de la ligne officielle bien trop académique, vilipendée en mai 1968, Jacques Doniol-Valcroze lui demande s’il est déjà allé à Cannes. « Bien sûr « , répond- il alors qu’il n’y avait jamais mis les pieds ! Le voici propulsé délégué général de la Quinzaine des réalisateurs (QR). En deux mois, il organise une manifestation au programme dense : 68 longs-métrages et 40 courts venus de 25 pays!
« La première édition a plu. Il n’y avait donc aucune raison de s’arrêter », dit-il pour expliquer la suite. La preuve, puisqu’après quelques ajustements (une sélection plus resserrée à une vingtaine de longs métrages, notamment), Pierre-Henri Deleau est resté trente ans délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, lui donnant sa ligne éditoriale et ses lettres de noblesse. Il part à la fin de l’édition de 1998. « J’avais moins d’appétence, une certaine allergie à la ville de Cannes aussi, prétend-il. Et puis, on ne discutait plus des films. L’obsession des professionnels est devenu d’être au bon endroit au bon moment, sans plus jamais prendre le temps de respirer les oeuvres ».
Après la Quinzaine, quatre festivals à son actif
Quand il quitte à la QR – et à laquelle il ne reviendra que deux fois depuis, pour l’anniversaire des 40 ans et pour celui, des 50, le lundi 14 mai 2018 – , Pierre-Henri Deleau se lance dans la production. Il en a même glissé une en sélection officielle au nez et à la barbe de Gilles Jacob, avec qui il s’est disputé des films pendant 30 ans ! Sinon, il a déjà monté le FIPA à Biarritz, avec l’espoir d’offrir le meilleur des programmes produits à la télévision française, un festival européen à Strasbourg, De l’encre à l’écran à Tours et le festival international du film d’histoire de Pessac dont il a déjà bouclé la prochaine édition, prévue en novembre 2018.
Voici ses choix, envoyés par lettre manuscrite, moins nostalgiques pour les réalisatrices que pour les actrices !
Mes cinq films réalisés par des femmes préférés
1 – I am not a witch de Rungano Nyoni (2017)
Pour la rigueur du montage, la force de ses plans, la poésie de ses images et la tendresse du regard sur ses personnages.
2 – Corps et âme d’Ildiko Enyedi (2017)
Réalisme et lyrisme mélangés : un film poétique d’une infinie tendresse.
3 – La leçon de piano de Jane Campion (1993)
Une maîtrise exceptionnelle dans chaque plan, un regard plein d’empathie sur la vie de ses héros.
4 – Suzaku de Naomi Kawase (1997)
La restitution d’un monde en plein désarroi. Un film impressionniste et réaliste tout à la fois.
5 – Les Dieux du stade de Leni Riefenstahl (1938)
On n’a jamais fait meilleur documentaire sur le sport.
Les cinq rôles d’actrices qui m’ont ébloui
1- Arletty dans Les Enfants du paradis de Marcel Carné (1945)
Elégance, gouaille, voix inimitable. Un mythe!
2- Cyd Charisse dans Traquenard de Nicholas Ray (1958)
La plus belle danseuse du cinéma mondial. Emouvante et sensuelle, un rêve de perfection.
3- Gene Tierney dans The Shanghaï gesture de Joseph von Strenberg (1941)
Fragile et mystérieuse, incroyablement touchante. Une icône.
4 – Anne Magnani dans Rome Ville ouverte de Roberto Rossellini (1945)
Géniale tragédienne, bouleversante, toujours naturelle, le symbole même de la femme italienne.
5 – Simone Signoret dans Casque d’or de Jacques Becker (1952)
Magistrale et lumineuse, autoritaire et tendre. On ne peut pas l’oublier.