Les Tops 5 de Lidia Terki

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Les femmes et le 7ème art, c’est une longue histoire mal connue. Pour l’honorer, Cine-Woman demande à tou(te)s les 5 films de femmes et les 5 rôles féminins qui les ont marqués. Lidia Terki, la réalisatrice de Paris La Blanche, Prix Alice Guy 2018, nous a confié ses listes.

Les choix de Lidia Terki

Quels films et quelles femmes ont inspiré et continuent inspirent Lidia Terki, premier Prix Alice Guy pour son film Paris La Blanche, sorti le 29 mars 2017 ?

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Lidia Terki au micro avec le jury du premier Prix Alice Guy, le 23 avril 2018

Voilà ses choix et ses commentaires de cinéaste engagée.

Mes cinq films réalisés par des femmes préférés

1 – Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080, Bruxelles de Chantal Akerman (1975)

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Delphine Seyrig est Jeanne Dielman

Voilà ! La recherche de Chantal Akerman dans tout son cinéma. Un regard pur, exigeant, essentiel qui creuse, creuse… Qui je suis moi pour parler d’elle ?

2 –Point break Extrême limite de Kathryn Bigelow (1991)

Dans le propos. Pour la liberté que ces voleurs ont et leur idéal : braquer des banques, voler de l’argent pour « faire du surf ». C’est tellement à l’encontre des films en général où les braqueurs volent pour s’acheter des bagnoles et villa hollywodienne avec piscine et nanas botoxées jusqu’aux fesses.

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Braquer des banques pour faire du surf, c’est Point Break de Kathryn Bigelow

On dit de Kathryn Bigelow qu’elle fait un cinéma d’hommes. Que c’est bien dommage qu’une femme soit sur ce terrain. Je n’ai jamais compris cette idée. Dit-on ça parce qu’elle filme le monde des hommes ? Des braquages ? Des viols en snuff-movies ? Des bombes ? L’ultra violence ? Et qu’on n’attend pas ça d’une femme ? Quelle foutaise qui en dit long sur qui tient les rênes du cinéma ! J’adore le fait qu’elle fasse ce cinéma là ! Elle a toujours son point de vue qui au 2eme degré fait réfléchir jusqu’à vomir sur ce monde de plus en plus « testost-éroné ».

3 – Bigamie d’Ida Lupino (1953)

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Ida Lupino et Edmund Green dans Bigamie

On n’a jamais aussi bien cerné et filmé la lâcheté, la bêtise : l’engrenage du mensonge et les conséquences de tout ça ! Une actrice encore derrière la caméra (Fritz Lang) et ce besoin de filmer la misère de l’esprit humain, aux antipodes d’Hollywood. Réalisation, direction d‘acteurs impeccable.

4 – Wanda de Barbara Loden (1970)

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Barbara Loden est et filme Wanda

Une femme décide de quitter sa vie de femme mariée avec des enfants… liberté encore ! Mais où aller ? Suivre un petit gangster ambitieux ? Avec un petit budget, la réalisation est coincée comme son personnage. Une image crasseuse pour l’épouse et actrice d’Elia Kazan qui léchait sa lumière et ses plans. Et elle se filme elle-même dans cette vie là avec un refus absolu de suivre la marche du monde… ?« On m’a volé tout mon argent dans un cinéma »? . Miroir de sa vie d’actrice? Mise en abîme ? Le nihilisme absolu. Un seul film !

5 – Portier de nuit de Liliana Cavani (1974)

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Dirk Bogarde et Charlotte Rampling dans Portier de nuit

Le Syndrome de Stockholm dans toute son horreur qu’on a toujours du mal à accepter. Pfff, rien à dire ! Une réalisatrice magnifique qu’on a oublié encore ! On dit d’elle qu’elle est « engagée ». Pour moi tout film doit être engagé mais bon…pour une femme c’est toujours péjoratif : j’attendrai toute ma vie sûrement de voir une rétrospective quelque part ! Je rêve de voir l’adaptation de La Peau de Malaparte dont je n’ai vu que des extraits… une femme dans l’histoire du cinéma italien d’après guerre c’est à noter, non ? Je crois qu’elle vit encore. En fait, il faut que j’aille lui rendre visite…

Mes cinq prestations d’actrices inoubliables

1 – Susan Sarandon et Geena Davis dans Thelma et Louise de Ridley Scott (1991)

Ex æquo, elles sont géniales, désespérées dans ce monde d’hommes avec ces règles si stupides. Elles sont tellement inventives. Bien que deux, elles ne sont qu’une. Un être unique poète, joyeux, libre. On aimerait être Brad Pitt à l’arrière de la caisse et faire un bout de chemin avec elles.

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Susan Sarandon et Geena Davis dans Thelma et Louise

Leur jeu est magnifique, on ne voit pas les actrices derrière leur rôle respectif ; elles sont chacune leur personnage, à fond. Je l’ai vu jeune ce film et il a donné un grand souffle de liberté et de vrai romantisme dans ma vie de « fille », l’idée qu’on peut se rebeller contre un ordre établi et peu importe les conséquences. Mon choix de vie : faire du cinéma sans venir de ce monde est précaire, sur un fil. Cela vient sûrement entre autre de ce film (la musique de Bowie aussi). Je préfère ça à l’idée de devoir suivre des règles idiotes érigées par des faiseurs de concepts, des faiseurs de rangées ou de parts de marché. Beaucoup de gens ont peur de tout, sont frileux, sectaires, peu inventifs. Ce genre de films retire la peur. Voilà ce que font parfois des rôles de femmes libres sur les fillettes. C’est très dangereux pour elles !

2 – Brigitte Bardot dans Le Mépris de Jean-Luc Godard (1963)

Le seul film où j’adore vraiment BB, il faut dire que c’est un film de Godard et je crois que je vois un bout de ce film (et des films de Mr Godard en général) dans tous les films qui traitent de la relation d’amour entre un homme et une femme (quasi tous les films). Son jeu est parfait, en totale opposition avec le mythe Bardot. Pour moi c’est le film qui dit : quand un mythe d’actrice devient une actrice de cinéma. Beaucoup la trouve bof ! Je la trouve formidable, subtile, laissant place tout le long du film à nos réflexions sur l’amour, le partage, l’union, la confiance en l’autre.

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Brigitte Bardot dans Le mépris

C’est une femme qui, a un moment très précis, prend la décision de quitter son mari et qui s’y tient, même si elle l’aime. A partir de là, elle regarde froidement son mari se débattre dans tous les sens et pas forcement glorieux, pour la garder. Elle regarde simplement, parfois avec tristesse, amertume, car il aurait fallu juste une chose de sa part à lui peut-être pour qu’elle renonce. Mais même là ce n’est pas possible, il ne lui offre pas de sincérité. C’est un film sur l’intégrité de l’amour, sur l’essentiel : s’aimer soi, aimer l’autre et être aimer pour ce qu’on est, rien d’autre. Vouloir vivre cet amour sincère est ce qui nous rapproche du divin. Chef d’œuvre ! Bien qu’une femme doive mourir à la fin pour cela… mais c’était les années 60.

C’est un film qui est aussi un regard sur le cinéma, ceux qui créent et ceux qu’il y a derrière, qui veulent casser les premiers au lieu de les porter, les révéler… Camille regarde ce monde affreux, le vernis craqueler avec un regard détaché, « j’m’en fous » et ça fait du bien. Elle veut l’amour absolu. Pour le cinéma aussi.

3 – Romy Schneider tous les films sauf Sissi

J’ai mis du temps à l’aimer. Plus jeune, je la trouvais trop amoureuse, trop faible, parfois gnagnan. Avec Claude Sautet elle est au sommet de tout pour moi : quand une actrice rencontre son metteur en scène ! Il lui offre le meilleur, elle aussi. Un échange qu’on ne voit que trop rarement au cinéma désormais. Il cherche quelque chose à travers ses films et elle l’aide à chercher, elle cherche avec lui, et le summum de l’intelligence et la modestie on la voit chercher avec lui. Il utilise à fond cette recherche. Je crois que c’est ça l’harmonie.

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Romy Schneider et Michel Piccoli dans Les choses de la vie

J’aurais aimé la rencontrer, tellement. Pour moi il manque ces collaborations sur la longueur. On ne se limite qu’aux « règles » de scripts. On ne creuse pas l’image, les dialogues, les regards, les silences, le rythme, on ne cherche plus, on n’expérimente plus. On filme comme des cons, comme avec son portable. Du moment qu’il y a une histoire, une histoire, une histoire. Ca en devient pathétique, ça m’ennuie terriblement.

J’assiste à la mort lente du cinéma. Qui fait encore du cinéma ? Le cinéma est un échange.

Toutes ces règles de marché, de lois qui encadrent la création, l’écriture, le filmage, les formats, la confiserie, la chronologie des médias ; tous ces concepts inventés pour partager le gâteau sur le dos des spectateurs qu’on a oublié. Et on s’étonne qu’ils oublient le cinéma… J’ai peur qu’on ne soit allé trop loin pour le sauver. C’est horrible car s’il doit mourir j’aimerais tant qu’il meure paisiblement, respecté, aimé.

4 –  Annie Girardot dans Rocco et ses frères de Luchino Visconti (1960) ou dans Le mari de la femme à barbe de Marco Ferreri (1964) mais tous ses films aussi

Quand j’y pense c’est par elle que j’ai aimé regarder des femmes au cinéma. Je me suis toujours identifiée aux hommes dans les films. Les westerns, les gangsters, les femmes étaient d’une bêtise ! Ma première identification dans une actrice c’est elle ! Ses films passaient à la télé. Tous les registres, toutes les histoires !

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Annie Girardot est la femme à barbe

J’ai compris que si les femmes étaient souvent connes au cinéma c’est parce qu’elles tournaient dans des films d’hommes. Elle, elle résistait par un je ne sais quoi, un truc unique, une maturité qui lui donnait de la hauteur  dans n’importe quelle histoire débile. C’est elle qui m’a donné un regard sur la direction d’acteur. Il n’y a rien de plus important qu’un acteur dans un film, et la direction d’acteur. C’est ça l’histoire !

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Faye Dunaway dans Bonnie and Clyde d’Arthur Penn (1967)

Du coup,  je la mets ex-aequo avec Faye Dunaway (Bonnie and Clyde, Les yeux de Laura Mars et le film quand elle joue Joan Crawford, Maman très chère). Elles sont mes fondations, mes piliers en béton. Elles sont géniales, exigeantes envers elles-mêmes, toujours au service d’une vision. J’ai compris ça chez Marilyn aussi mais beaucoup plus tard. Elle vivait une autre époque encore plus dure envers les femmes à l’écran.

5 – Patricia Arquette dans Lost Highway de David Lynch (1997)

Je me rends compte qu’avec toutes ces femmes que je cite (et il y en a tant d’autres que j’aime) il y a quand même parfois un homme derrière qui comprend parfaitement à quel point la femme est réduite à un objet de désir et qui cherche, travaille autour de ça. J’aime les films qui démontent cette idée. Réalisateur ou réalisatrice. J’aime les films qui se questionnent sur la place, la relation intime homme/femme. Mais pas dans des clichés. Dans les tréfonds de la personnalité d’un auteur. Ces films là sont des objets rares. Il y a curieusement plus d’hommes qui ont filmé les femmes ainsi, dans cette recherche. Un contre-point manque cruellement à l’Histoire du cinéma.

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Patricia Arquette dans Lost Highway

David Lynch est génial. Patricia Arquette qui est double, est à la fois réelle et irréelle, elle prend plusieurs facettes, mais ce qui est très fort à mon goût et en terme de mise en scène, c’est qu’on ne voit pas en quoi elle les change ces facettes, comment elle les incarne. (hormis quand elle change de couleur de cheveux). Il y a une telle simplicité de mouvement, de déplacement, rien de surligné, rien d’écrit. Waouh ! quand j’y pense j’ai des frissons. David Lynch joue (même si je doute qu’on écrive un tel script en jouant) jusqu’à la folie. La folie de ne pas posséder une femme, entièrement.

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Patricia Arquette dans Lost Highway

In the mood for love de Wong Kar Waï et Lost Highway ou plus récemment Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan explorent pour moi, à eux seuls toutes les palettes du sentiment d’amour. Ce sont un peu les enfants du film Le mépris. Et forcément les actrices trouvent dans ces rôles de quoi nous nourrir de lumière en passant par tous les pores. J’écoute la BO de ces films à chaque fois que je fais un long trajet en voiture. Je me refais les films, je revois ces regards ces scènes. Ces muses.

Conclusion : que les femmes rament dans ce métier ! Même le « cinéma d’homme » de Kathryn Bigelow devrait compter plus de 20 films déjà…

© Charlotte Bourguibou – 20th Century Fox- Lira Films – Ciby Distribution
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