Les innocentes
Qui sont donc Les Innocentes, ces femmes au lourd secret à qui Anne Fontaine consacre son nouveau film ?
Scandale au couvent
En 1945, Madeleine Pauliac, jeune médecin des Forces Françaises, est appelé à Moscou puis en Pologne pour repérer les soldats et prisonniers français, les soigner puis les rapatrier.
Viols collectifs de l’armée russe
Lors de sa mission, elle découvre l’horreur des viols collectifs de l’armée russe, viols approuvés par la hiérarchie militaire en récompense des efforts fournis. Peu regardant quand aux femmes concernés, les soldats russes ont massivement violé des allemandes comme le relate le bouleversant journal anonyme, Une femme à Berlin, de futures mères ou de jeunes accouchées dans les maternités, des religieuses au couvent.
Brutalement disparue en 1946, Madeleine Pauliac a laissé des notes dont se sont inspirées Sabrina B.Karine et Alice Vial pour écrire ce scénario, développé au Groupe Ouest et porté à l’écran avec délicatesse par Anne Fontaine.
Quand les innocentes découvrent l’impensable
Le film débute par une quête éperdue. Une jeune nonne affolée quitte son couvent pour aller chercher de l’aide. Elle finit par tomber sur Mathilde Beaulieu (Lou de Laâge), une jeune interne française qui travaille à la Croix Rouge. Elles se comprennent à peine, ne parlent pas la même langue mais Mathilde finit par accepter de raccompagner la jeune religieuse dans son couvent isolé, en rase campagne.
Arrivée sur place, la jeune médecin est bien loin de se douter de ce qui l’attend. Une novice est « dans les douleurs », prête à accoucher… ou à agoniser si elle continue à refuser qu’on l’ausculte.
Remise en cause
Une religieuse enceinte ? Mathilde n’en croit pas ses yeux mais garde scrupuleusement le secret, quitte à mettre en danger sa propre vie. Car, ce n’est pas une, mais deux, puis trois, puis sept nonnes, les innocentes, qui s’apprêtent à devenir mères et donc à mettre en péril le couvent tout entier.
Comment expliquer l’inexplicable ? Comment tolérer l’inconcevable ? Comment accepter ces enfants ? Reconnaître à ses femmes le droit d’être mère quand elles ont fait vœu de renoncer à tout ?
Trangressions
Inspiré de faits réels, inscrit dans la très catholique Pologne, Les Innocentes, ce nouveau film d’Anne Fontaine est comme d’habitude perclus de transgressons : il parle de maternité dans un lieu dédié à la chasteté, il doute de la foi dans une maison de Dieu, aborde le sacrilège du crime dans un espace protégé du vice, confronte la mort à l’innocence et la survie des enfants à la rigueur religieuse…
Comme si ces sœurs abusées, piétinées, bafouées, déshonorées symbolisaient à la fois le peuple et la Pologne, double victimes innocentes d’armées et de chefs d’états plus occupés à conquérir des territoires et de la puissance qu’à s’occuper des hommes qui sont sensés diriger.
D‘Anne Fontaine, avec Lou De Laâge, Agata Buzek, Vincent Macaigne…
2015 – France/Pologne – 1h55