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Les hirondelles de Kaboul

Le film d’animation, Les hirondelles de Kaboul de Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec reviennent sur le régime cruel des talibans en Afghanistan et sur ses désastreuses conséquences. A travers une histoire où tout le monde est coupable. Ambigu.

Tous coupables ? 

À Kaboul, sous les talibans à la fin des années 1990, il ne faisait pas bon être une femme. On le sait, bien sûr. Mais le voir, même par le biais d’une animation plutôt réaliste, est insoutenable. On pourra sans doute arguer qu’il faut garder les yeux ouverts et que le déni n’arrange rien. C’est sans doute vrai. Pourtant, la violence physique, psychologique, l’injustice subies du simple fait d’être une femme m’est insupportable. À la limite du malaise !

Atiq parmi les tchadris

Les hirondelles de Kaboul passera pourtant pour un bon film, bien tenu, fort bien dessiné, bien raconté. Mais on n’y passe pas un « bon » moment. C’est un supplice, une douleur constante. A cause du sort réservé aux femmes. Mais pas seulement ! A cause de l’histoire en elle-même et de la déshumanisation, mise en scène ici avec une certaine démonstration, avec une certaine complaisance, qui finit par mettre mal à l’aise.

Pour le pire…

Sous les talibans, la vie est atroce. Le sort des hommes est à peine plus enviables que celui des femmes. Même s’ils jouissent à minima du droit d’aller et venir ( ou à peu près) et d’une certaine liberté de choix, ils sont maltraités et conduits au pire. La preuve en la personne de Mohsen qui participe dès le début du film à la lapidation d’une femme. Il le paiera de sa vie, comme elle, et y perdra sa femme.

Mohsen et Zunaira

Mohsen est marié à Zunaira, une sublime jeune femme qui n’aspire qu’à dessiner et à être libre. Mais, l’aveu de son mari pose un voile noir sur leur couple. Mohsen en meurt, Zunaira est accusée du meurtre. Transportée dans une prison tenue par le sage Atiq, Zunaira n’a plus qu’à attendre sa mort que mettront en scène les talibans. Atiq, qui comme elle aspire à plus de liberté, imagine alors un stratagème pour lui sauver la vie…

Troubles

Impossible de ne pas spoiler pour raconter ce qui me gêne dans ce film. D’abord, une certaine complaisance à montrer la violence du régime – la lapidation, les coups des talibans, leur bêtise,  la soumission…- et évidemment l’injustice. Certes, il faut montrer à minima pour dénoncer. Mais, on sait déjà l’horreur du régime. Inutile de s’appesantir dessus, avec la brutalité et le mépris d’usage.

Les talibans, ces brutes épaisses et indignes

Comme le dit la réalisatrice-dessinatrice, Eléa Gobbé-Mévellec, « il y a une source documentaire incroyable sur l’Afghanistan des talibans ». Justement, était-ce si nécessaire de la perpétuer encore et encore, sans y apporter autre chose qu’une critique démonstrative ? Qu’une ode à la liberté quand la survie, le respect minimal de l’humain n’est même pas considéré?

Ambiguïtés

Le propos du film est, lui aussi, embarrassant. Pour être franche, je n’ai pas lu le roman de Yasmina Khadra dont ce film est adapté. Le scénario, signé Sébastien Tavel, Patricia Mortagne et Zabou Breitman, soutient Atiq dans sa démarche étrange : celui de sauver  la jeune et belle Zunaira, dont il est tombé amoureux, en l’échangeant contre sa femme, sa compagne des jours meilleurs, aujourd’hui condamnée par la maladie.  Comme si la vie de l’une, belle et jeune, et donc porteuse d’espoir bien que coupable, avait plus de valeur que celle d’une femme loyale, usée par la vie.

Atiq face à l’art et à la beauté de Zunaira

Dans ce film, chacun, même celui qui a priori n’a rien à se reprocher, porte la croix du malheur et de la culpabilité sur ses épaules. Les autres, celui de la bêtise. Aucun humain n’a de morale. Sa seule aspiration à la liberté dans ce régime répressif l’empêche même de penser. Ce fut peut-être le cas. Mais, le cinéma aime normalement à montrer que dans l’obscurité la plus profonde des lueurs surgissent. Rien de cela ici. Personne ne rachète quiconque. Tout le monde est victime et encore plus coupable. C’est désespérant et… faux.

Les hirondelles de Kaboul : une ode à la beauté

Reste la beauté des dessins, des traits de Zunaira et la douceur de l’aquarelle.  Mais, cela ne suffit pas à renverser l’encombrant malaise que procure la vision de ce film.

Les hirondelles de Kaboul ont d’ailleurs été sélectionné au Festival de Cannes. Elles ont remporté le prix de la fondation Gan au Festival d’Annecy et seront en compétition au 12e Festival du Film d’Angoulême. Avant leur sortie en salle le 4 septembre 2019.

Animation de Zabou Breitman et d’Eléa Gobbé-Mévellec

Avec les voix de Simon Abkarian, Zita Hanrot, Swann Arlaud, Hiam Abbas, Michel Jonasz, Pascal Elbé…

2019 – France – 1h21

© Les Armateurs
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