Avec Les filles du soleil, Eva Husson signe un film de guerre pas tout à fait réussi. Mais, son actrice et son héroïne sont hors normes méritaient largement ce premier hommage.
Histoires de combattantes
Pour son deuxième film après Bang Gang, Eva Husson ne va pas pouvoir compter sur la presse française. Dans la salle, les filles du soleil ont été sifflées. C’est vrai que le film est formellement critiquable. La narration est bancale, les dialogues parfois convenus, la musique omniprésente et pesante et le premier quart d’heure raté. Emmanuelle Bercot semble y avoir un mal fou à donner consistance à son personnage de reporter de guerre au bout du rouleau.
Enfin, le film manque cruellement des moyens qui auraient fait de cette épopée guerrière psychologique un théâtre de la folie humaine. Non, rien de cela ici. Eva Husson dresse le portrait de la commandante Bahar, une bataillante kurde hors du commun qui trouve dans les souffrances qu’elle a endurées le courage d’anéantir les forces obscures qui ont mis son peuple à genoux.
L’histoire de Bahar, le chef des filles du soleil
Bahar, avocate, a vu son mari fusillé sous ses yeux et son fils lui être arraché. Du coup, elle a pris les armes et dirige un commando de femmes kurdes. On les appelle les captives. La plupart ont été réduites en esclavage sexuel avant de s’échapper et de retourner leur fusil contre leurs bourreaux.
Mathilde, la reporter, les retrouve à la veille d’une offensive qui leur permettra de reprendre la ville de G. à Daech. Et ce sont ces combattantes, ces femmes qui seront en première ligne. Cette attaque et sa préparation dont la journaliste témoigne en y participant sont l’occasion de revenir par flash-backs, sur les épisodes de la vie de ces combattantes qui les ont poussés à prendre les armes. Surtout de Bahar, la principale protagoniste de l’histoire.
Un film de guerre psychologique
Après un premier quart d’heure maladroit, le récit s’installe au présent et au passé. Il prend même de l’ampleur au fur et à mesure du temps. Il repose sur un personnage impressionnant, cette fameuse Bahar, leader charismatique et humaine, interprétée par une Golshifteh Farahani, inspirée, remarquable. Ce qui aurait pu lui valoir le prix d’interprétation féminine.
Ce film a de nombreuses vertus. Non seulement il traite d’un sujet (la prise d’armes efficaces des yézedies et des femmes kurdes) rarement fictionné au cinéma. Terre de roses l’abordait sous la forme d’un documentaire. En choisissant d’expliquer les raisons qui les ont poussé à se battre, en revenant sur les atrocités qu’elles ont subies, Eva Husson signe un vrai film de guerre, engagé.
La courageuse délicatesse de la mise en scène
Impossible de ne pas la soutenir dans sa démarche. Surtout quand elle choisit de traiter avec une grande dignité (et sans aucune démonstration spectaculaire) ces traitements atroces et les difficultés qu’ont dû surmonter ces femmes. Les viols sont évoqués avec pudeur. La scène terrible de l’accouchement retardé est une des plus émouvantes du film.
Le combat de ces guerrières est tellement remarquable qu’elles mériteraient que le cinéma s’en empare encore et encore. Eva Husson est la première. Saluons et soutenons son initiative. Et si elle ne signe pas un grand film, elle révèle une immense héroïne.
D’Eva Husson, avec Golshifteh Farahani , Emmanuelle Bercot…
2018 – France – 1h55
Les filles du soleil d’Eva Husson a été présenté en Sélection Officielle au 71e Festival de Cannes. Il concourt pour la Palme d’Or. Il sortira en France le 21 novembre 2018.