Des jeunes filles égyptiennes revendiquent leur place grâce au théâtre de rue. Formidable second film que Les filles du Nil de Nada Riyadh & Ayman El Amir. Le 17 mai à la Semaine de la Critique 2024.
Au bord des rêves
En anglais, Les filles du Nil s’appelle Au bord des rêves (The brink of dreams), et cette version anglophone du titre porte une évocation qui manque au nom français. Au bord des rêves, le bus des rêves (comprendront ceux qui verront le film) rappellent à tout moment ce qui empêche justement les filles du Nil d’accomplir les leurs.
Au sud de l’Egypte, au sein de la communauté copte d’une ville de province, 5 ou 6 amies ont lancé une troupe de théâtre. Pour leurs pièces qu’elles jouent dans la rue, elles s’inspirent de leur vie et de la manière dont elles la vivent, elles, en tant que filles. Majda, la plus convaincue, est aussi la metteuse en scène. Les autres suivent, avec une volonté farouche.
Pleines d’espoirs
Surtout au début. Dans cet espace – un mur décrépi et une scène bricolée – qui devient le leur, elles répètent, font des exercices de relaxation, apprennent à se déplacer ou à écrire leurs scènes. A chaque fois, Majda dirige. Quand elles se sentent prêtes, elles partent convaincre les habitants de leur petite ville de venir les écouter.
Et leurs discours est puissant. Sans ambiguïté possible et avec un beau talent de la synthèse et des situations, elles dénoncent cette société qui les oppressent, qui les empêchent de choisir leur mari et/ou l’âge de leur mariage. Avec les moyens du bord, elles attendent le moment où le bus de leurs rêves viendra les emporter vers ce à quoi elles aspirent. Pourtant, vient un âge où leurs ambitions vont se heurter à la réalité d’un monde qui n’est pas fait pour elles.
Là où le choix se fracasse contre l’ordre établi
Rarement, un film qui dénonce le patriarcat et la manière dont les filles rêvent de s’émanciper et de choisir leur vie est si emprunt de justesse, de délicatesse et de poésie. En s’attardant plus particulièrement sur le destin de trois des jeunes filles de la troupe – et chacune prend une option différente- , il fait le tour d’une question abyssale : quand les filles vont-elles enfin pouvoir poursuivre tous leurs rêves sans rien sacrifier ?
Le couple de cinéastes, Nada Riyadh & Ayman El Amir, ne se permet d’en juger aucune. Toutes les options semblent les bonnes si tant est qu’elles soient décidées par ces filles, sans pression. Dans le cas le plus épineux, ils invitent même un père – à priori pas forcément ouvert au dialogue – à questionner les choix de sa fille.
Transcender l’ordre et la forme
Tourné sur quatre années, Les filles du Nil flirte avec les limites du documentaire et de la fiction, sans jamais trancher. Les protagonistes portent leur prénom de la vie civile. Mais les ellipses de temps, qu’on perçoit sans vraiment s’en rendre compte (c’est très fort, ça !) donnent à penser que les histoires de ces trois femmes sont fictionnées. Qu’importe ! Car le film emporte avec sa délicatesse les récits des trois héroïnes pétris de rêves et de contradictions, comme nous toutes. Une superbe découverte qui reste porteuse d’espoir…
De Nada Riyadh & Ayman El Amir, avec Majda Masoud, Haidi Sameh, Monika Youssef…
2024 – Egypte/France/Danemark/Qatar/Arabie Saoudite – 1h42
Les filles du Nil de Nada Riyadh & Ayman El Amir est présenté à la Semaine de la Critique le vendredi 17 mai où il est en compétition. Sa sortie dans les cinémas français est prévue le 29 janvier 2025.