Les fantômes d’Ismaël
Avec Les fantômes d’Ismaël, Arnaud Desplechin revient sur des territoires et ses personnages fétiches – la disparition, le couple, Dedalus, Mathieu Amalric. Mais il élargit son cercle intime à de nouvelles venues : Charlotte Gainsbourg et Marion Cotillard.
Réapparitions
Résumer un film d’Arnaud Desplechin, c’est lui enlever plusieurs dimensions. Surtout celle qui consiste à passer d’une histoire à une autre, d’un univers à un autre comme il le fait.
Les fantômes d’Ismaël débutent par une fausse piste. Celle perdue d’Ivan Dedalus, un diplomate qui a déjoué le Ministère des affaires étrangères et son système habituel de surveillance. Plus tard, Dedalus sera un héros d’un film d’espion.
Un homme et ses démons
En attendant, Ismaël (Mathieu Amalric) s’escrime sur son nouveau film. Il vit avec Sylvia, une astro-physicienne qu’il a rencontrée chez des amis. Et qui calme ses démons.
L’un d’entre eux se nomme Carlotta, comme celle qui hante Sueurs froides d’Alfred Hitchcock. Il l’avait épousée, il y a une vingtaine d’années. Mais, elle a disparu brutalement sans laisser aucune trace. Elle réapparaît justement quand il est en phase d’écriture de son film, avec Sylvia. Ce sera à la fois une chance, une page tournée et une nouvelle étape.
Les fantômes d’Ismaël et ses névroses
Évidemment, Les fantômes d’Ismaël ne se limitent pas à cette histoire de revenante. Il traite tout un tas de sujets parallèles, amusants, inquiétants dans un style propre à Desplechin.
Cette fidélité à un univers à priori déconstruit, à des thèmes ou des lieux de prédilection ( le retour inévitable à Roubaix par exemple) est à la fois touchante et limitante. Pas de doute, Arnaud Desplechin creuse un sillon familier. Avec à nouveau comme double à l’écran Mathieu Amalric.
Les femmes, la nouveauté
Mais justement, il manque de se réinventer, et malgré l’arrivée dans son univers, des nouvelles venues que sont Charlotte Gainsbourg, Marion Cotillard et Alba Rohrwacher. Que des femmes qui interprètent trois idéaux féminins – plutôt conventionnels : la muse, la mère, l’amante (et le manque).
Trois créatures auxquels se heurte le génie créatif en panne qu’interprète Mathieu Amalric sans inventivité. Du coup, on se moque un peu de ses tourments, de ce film sur lequel il est à la peine. On se désintéresse de ses atermoiements, des fils entremêlés et du puzzle construit autour de lui et de son oeuvre. Dès que l’épisode Marion Cotillard est traité, le film s’essouffle et perd quasiment tout intérêt, sauf celui de la pure mise en images des scènes.
Trop de fils entremêlés
Rien ici de l’épopée sentimentale bouleversante de Trois souvenirs de ma jeunesse, étrangement construit en trois strates très différenciées. Ici, le mélange des genres et des histoires se perd dans les hésitations, les interrogations d’un homme perturbé et sans grande ampleur.
La même lassitude semble toucher les interprètes habituels de Desplechin, surtout Amalric. Quand l’énergie n’est apportée que par les nouvelles venues.
D’Arnaud Desplechin, avec Mathieu Amalric, Marion Cotillard, Charlotte Gainsbourg, Louis Garrel, Alba Rohrwacher…
2017- France-1h50
Les fantômes d’Ismaël fait l’ouverture du 70e Festival de Cannes. Il est présenté hors compétition, mais son casting assure une très belle première montée des marches. Il sort aujourd’hui, mercredi 17 mai 2017, partout en France.
© Jean-Claude Lother Why Not Productions